José Maria de Heredia

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Poète français (La Fortuna, près de Santiago de Cuba, 1842 – château de Bourdonné, près de Houdan, 1905).

Après une enfance insoucieuse dans son île natale, il fait ses études en France. Il fréquente la faculté de droit de Paris et l'École des chartes. Admirateur de Leconte de Lisle, introduit dans les cercles de la nouvelle poésie, il donne des textes aux revues parnassiennes, des traductions de l'espagnol (la Véridique Histoire de la conquête de la Nouvelle-Espagne, 1877-1894 ; la Nonne Alferez, 1894). Son unique recueil (les Trophées, 1893) lui vaut aussitôt d'être élu à l'Académie française tandis que son salon devient le lieu de réunion des jeunes poètes. Composé de 118 sonnets répartis en ensembles (« la Grèce et la Sicile », « Rome et les Barbares », « le Moyen Âge et la Renaissance », « la Nature et le Rêve ») auxquels s'ajoutent les tercets du « Romancero » et les strophes des « Conquérants de l'or », les Trophées témoignent de « l'amour de la poésie pure et du pur langage français ». Tournés vers un passé que le langage ressuscite comme autant d'instants privilégiés, ces poèmes qu'on a souvent comparés à une petite Légende des siècles en sont précisément tout le contraire : formellement, ils opposent la constriction à l'abondance du flot hugolien ; idéologiquement, ils tournent le dos à l'épopée humanitaire. Indifférent au monde extérieur en un siècle pourtant bouillonnant, le poète offre l'image parfaite du créateur parnassien. Érudit et dilettante, il privilégie la forme, choisissant méticuleusement son vocabulaire dans les lexiques les plus techniques, multipliant les effets rythmiques. Même esthétisante, sa poésie n'est pas figée, mais organisée à la manière d'un tableau dans lequel les effets spatiaux – plans, perspectives – permettent d'opposer de façon dynamique les personnages et créent de véritables « scènes » dramatisées malgré une remarquable économie de moyens. Admiré autant que décrié, il marque les limites d'une poésie où le langage n'est qu'un outil au service de la représentation : poétique à l'opposé de la modernité symboliste, mais qui témoigne de la permanence d'une rhétorique soucieuse avant tout de sa technique.