Estonie

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des littératures ».

Colonisés au xiiie s. et dominés par une aristocratie germanophone, les Estoniens n'auront longtemps qu'une littérature orale. La langue écrite commence à se former au xvie s. grâce à la Réforme. Son emploi, d'abord limité aux textes religieux, s'élargit au cours du xviiie s. (almanachs, journaux, récits didactiques). La littérature nationale éclot véritablement dans la seconde moitié du xixe s., grâce à l'action des premiers lettrés estoniens. Le folklore inspire à F. R. Kreutzwald l'épopée Kalevipoeg (1857-1861), qui coïncide avec le début du Réveil national (1860-1885). La littérature de l'époque est essentiellement romantique (poèmes de L. Koidula, récits historiques d'E. Bornhöhe). La décennie 1890 voit l'émergence du réalisme (E. Vilde, A. Kitzberg). Au début du xxe s., le groupe néoromantique Noor-Eesti (Jeune-Estonie), dirigé par G. Suits et F. Tuglas, réclame une modernisation littéraire et une ouverture aux influences occidentales. Le groupe Siuru (1917-1919) s'oppose à la morale et à la société bourgeoises. Certains de ses membres forment, après l'indépendance du pays, le groupe Tarapita (1921-1922), politiquement à gauche. De Siuru et Tarapita sont issus les principaux poètes de l'entre-deux-guerres (M. Under, H. Visnapuu, J. Semper, J. Barbarus). En prose, on assiste dès les années 1920 au retour du réalisme (A. H. Tammsaare, M. Metsanurk, P. Vallak, O. Luts), même si l'œuvre d'un A. Gailit reste teintée de romantisme. L'occupation soviétique (1940-1941, puis 1944-1991) scinde la littérature estonienne en deux. La littérature de l'émigration poursuit les traditions d'avant-guerre tout en évoluant vers la modernité. En Estonie, les purges idéologiques et l'imposition du réalisme socialiste réduisent nombre d'écrivains au silence. Après la mort de Staline éclosent des œuvres plus originales (J. Smuul). Les années 1960 voient se produire une renaissance poétique (P.-E. Rummo, J. Kaplinski), tandis que certains prosateurs cultivent un « modernisme » antiréaliste (M. Unt, A. Valton). Dans les années 1970 et 1980, face à la politique de russification, la littérature défend l'identité estonienne (romans historiques de J. Kross) en contournant habilement la censure. À partir de 1988, les écrivains accompagnent la marche à l'indépendance et la réappropriation de la mémoire historique (poésie patriotique, romans sur les déportations staliniennes). Dans les dernières années du xxe s., après une brève dépression due aux changements sociaux et aux difficultés économiques, la littérature estonienne retrouve une grande vitalité.