Jean-Pierre Dardenne et Luc Dardenne

Cinéastes belges (Jean-Pierre [Engis, province de Liège, 1951] ; Luc [Les Awirs, province de Liège, 1954]).

Un métier forgé dans le genre documentaire

Jean-Pierre et Luc Dardenne ont grandi dans le village d’Engis, en Wallonie. Adolescents, les deux frères passent la majorité de leur temps à Seraing, dans la banlieue industrielle de Liège. La ville, connue pour ses usines métallurgiques, sera le décor de bon nombre de leurs futurs longs-métrages.

À Bruxelles, où Jean-Pierre entame des études d’art dramatique et Luc des études de philosophie (qu’il suivra jusqu’à la licence), ils font la rencontre d’Armand Gatti, professeur à l’Institut des arts de diffusion. Le metteur en scène les convainc de devenir assistants sur ses expériences théâtrales (la Colonne Durruti, 1972 ; l’Arche d’Adelin, 1973). C’est à cette époque que les frères Dardenne se lancent dans l’audiovisuel : de 1974 à 1977, ils tournent des vidéos dans des cités ouvrières de la région wallonne, attentifs à la question sociale ainsi qu’aux problèmes de l’urbanisme et de la vie en collectivité.

Après avoir créé la maison de production Dérives (1975), qui financera de multiples documentaires, ils font véritablement leurs premières armes dans le cinéma grâce à ce même genre documentaire qui privilégie le réel brut et permet une approche directe : le Chant du rossignol (1978), sur la résistance en Wallonie durant la Seconde Guerre mondiale, Lorsque le bateau de Léon M. descendit la Meuse pour la première fois (1979), sur la grève générale de 1960 en Belgique, Pour que la guerre s’achève, les murs devaient s’écrouler (1980), sur un journal clandestin tenu par des ouvriers dans les années 1960, R… ne répond plus (1981), sur les radios libres, Leçons d’une université volante (1982), sur le thème de l’émigration et de l’exil, Regarde Jonathan/Jean Louvet, son œuvre (1983), sur l’écrivain belge Jean Louvet.

En 1982, Luc Dardenne retrouve Armand Gatti, dont il est le premier assistant réalisateur sur l'essai documentaire Nous étions tous des noms d’arbres. Soucieux de leur indépendance, les deux frères créeront par ailleurs de nouvelles maisons de production : Films Dérives Production (1981), destinée à financer des longs-métrages, et Les Films du fleuve (1994), qui produira notamment, outre leurs propres films, le Couperet de Costa-Gavras en 2005.

Le réel au crible de la fiction

C’est en 1987 que les frères Dardenne abordent la fiction, d’abord avec Il court… Il court le monde, un court-métrage, puis avec Falsch, d’après la pièce du dramaturge belge René Kalisky. Ce dernier film, coécrit avec Jean Gruault par ailleurs scénariste de François Truffaut et d’Alain Resnais, campe le dernier survivant d’une famille juive exterminée dans les camps de concentration. Les Dardenne tournent ensuite Je pense à vous (1992) et surtout la Promesse (1996), film qui entremêle la difficulté des rapports père/fils et l’exploitation des immigrés clandestins, salué notamment lors de la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes.

Dès lors, la carrière des frères cinéastes est vouée aux honneurs : Rosetta (1999), décrivant la lutte obstinée d’une jeune fille pour trouver et garder un emploi, remporte la Palme d’or au festival de Cannes, tandis que l’héroïne – la comédienne débutante Émilie Dequenne – obtient le Prix d’interprétation féminine ; le Fils (2002), qui met aux prises un homme avec le jeune meurtrier de son propre fils, offre à Olivier Gourmet le Prix d’interprétation masculine (Cannes 2002) ; l’Enfant (2005), qui montre la lâcheté d’un jeune père victime de la misère sociale, obtient une nouvelle Palme d’or à Cannes. Quant au Silence de Lorna (2008), qui aborde la question de l’immigration clandestine en Belgique, il se voit récompensé par le Prix du scénario (Cannes 2008).

Servis par un style concret épuré de toutes fioritures ou facilités (caméra sur l’épaule qui suit au plus près les visages et les corps, absence de fond musical, silences, choix d’acteurs débutants ou méconnus du public), les frères Dardenne ont su porter un regard neuf sur les conflits familiaux et sociaux sans jamais dévier de leurs convictions esthétiques.