The Who

Groupe britannique de rock formé en 1964 à Londres par Roger Daltrey (chant), Pete Townshend (guitare), John Entwistle (basse) et Keith Moon (batterie), mort en 1978.

« Nous découvrons une nouvelle dimension à des objets sans valeur comme par exemple une guitare, un air pop banal… Et l'élément autodestructeur, c'est-à-dire la façon dont nous détruisons nos instruments, actualise le tout. » (Pete Townshend au New Observer.).

Issus de la même banlieue ouest de Londres, Pete Townshend, John Entwistle et Roger Daltrey (ancien ouvrier dans une aciérie) montent leur premier groupe, The Detours, en 1961 avec Colin Dawson comme chanteur et Doug Sanden à la batterie. Jusqu'en 1963, ils reprennent des titres des Shadows ou des Ventures, puis abandonnent Colin Dawson pour devenir les High Numbers. L'Angleterre de l'époque est enfiévrée par un véritable mouvement culturel, celui des Mods, qui revendiquent un look étriqué, un goût immodéré pour les scooters, le rhythm and blues, les amphétamines et une violence sans mesure contre les rockers, la tendance rivale… Townshend, Daltrey et Entwistle tombent vite dans cette marmite bouillonnante, où Doug Sanden, déjà vieux, a du mal à surnager. L'arrivée d'un jeune batteur excité, Keith Moon, va donner au groupe son véritable élan : fin 1964, les Who sont nés.

Teigneux. Tout va alors aller très vite. I Can't Explain, premier chef-d'œuvre d'un rock sec et brutal, sort en janvier 1965 et obtient un succès foudroyant. Durant toute cette année, les Who vont accumuler les concerts, et jouer régulièrement au Marquee (une des salles les plus rock de Londres), cassant accessoirement une ou deux guitares sur scène… avant de réduire la batterie en copeaux (la légende veut que ce soit par accident, en cassant le manche de sa guitare contre le plafond trop bas d'un club, que Pete Townshend ait pris cette habitude destructrice).

Fin 1965, My Generation (où Roger Daltrey, sous l'emprise d'amphétamines, bégaie atrocement) se vend à 300 000 exemplaires en peu de temps et finit d'asseoir leur réputation. Commence alors pour les Who une longue collection de tubes, tous plus teigneux et rageurs les uns que les autres (The Kids Are Allright, Substitute, I'm A Boy), assortis d'une première tournée (ruineuse) aux États-Unis. Les Who jouent plus fort que les autres, mieux que les autres, et surtout déchaînent une violence avec laquelle peu de groupes jusque-là avaient osé flirter. En 1967, les Who se retrouvent au Festival de Monterey (où ils cassent tout sur scène, pour se venger de Jimi Hendrix qui les a obligés à jouer avant lui), puis enregistrent un morceau des Rolling Stones, The Last Time, pour soutenir leurs collègues Mick Jagger et Keith Richards, qui ont à ce moment-là de graves problèmes avec la justice anglaise pour des problèmes de drogue. Il est vrai que les Who se sentent concernés… Les excès de Pete Townshend et de Keith Moon sont en la matière déjà légendaires. Qu'importe ! La formidable machine tourne à plein rendement : les Who vont passer le plus clair de l'année 1968 sur la route, émaillant leur tournée de concerts inoubliables et de chambres d'hôtel mises à sac (un des jeux favoris de nos Londoniens consiste à faire passer les téléviseurs par la fenêtre, quel que soit l'étage).

Sommet. Pourtant, au-delà de ce délire, Pete Townshend travaille déjà sur le « grand œuvre » des Who, un opéra rock qui va faire le tour de la Terre : Tommy. Ce double « concept album » racontant le voyage initiatique d'un jeune sourd-muet-aveugle brasse la plupart des thèmes forts de la génération « soixante-huitarde » : drogue, sexe, mysticisme (Pete Townshend suit alors les enseignements d'un gourou indien, Meher Baba), etc. Le disque sort au début de l'année 1969. Son succès est immédiat. En août de la même année, les Who se retrouvent tête d'affiche de l'historique Festival de Woodstock, et jouent de larges extraits de Tommy. Les pauses de Roger Daltrey, le torse nu dans une veste à franges, et les moulinés hystériques de Pete Townshend, moulé dans une combinaison blanche de peintre en bâtiment, immortalisent l'image d'un groupe au sommet de sa gloire. L'Amérique succombe. Les Who feront la tournée des plus grands stadiums durant toute l'année 1970 en véritables monstres sacrés du rock and roll.

Dès l'année suivante, Pete Townshend et ses hommes enchaînent avec Who's Next, un album étonnant, d'une rare efficacité, où l'on trouve à leurs côtés Nicky Hopkins (pianiste et éminence grise des Rolling Stones). Malgré le succès phénoménal de ce nouvel album (surtout en Europe), l'ombre de Tommy continue à planer. Les Who auront toutes les peines du monde à s'en défaire. En 1972, ils sortent même une version symphonique de cet opéra rock, en compagnie d'une brochette de stars (de Rod Stewart à Ringo Starr, en passant par Steve Winwood) et du London Symphony Orchestra au grand complet. Victimes de ce succès, les Who tentent de renouveler l'exploit l'année suivante avec Quadrophenia, nouvel opéra rock sur fond d'intrigue « mod » (un scooter, en pochette, donne le ton à une vague intrigue très « sixties »). Mais le fantôme de Tommy continue à les poursuivre. Malgré leur immense popularité (en juin 1974, il ne faut pas quinze heures pour que tous les billets de leurs quatre concerts au Madison Square Garden soient vendus), les Who semblent prisonniers de ce personnage devenu embarrassant : en 1975, Roger Daltrey incarne même (avec talent, d'ailleurs) le héros imaginé par Pete Townshend dans le film Tommy réalisé par Ken Russell. Les Who, en cette seconde partie des années 1970, n'ont plus grand-chose de neuf à proposer. Comme pour la plupart des dinosaures de l'époque, la lame de fond punk se prépare à les balayer. La mort de Keith Moon, victime d'une overdose dans son manoir anglais le 11 septembre 1978, sonne l'hallali d'un des plus grands groupes du monde.

Retraite. Le ressort est cassé. Malgré une tentative de reformation l'année suivante, avec Keny Jones (ex-Faces) à la batterie, le groupe se sépare en 1982, lors d'une tournée d'adieux. Chacun se consacre alors à une carrière solo qui, dans aucun des cas, n'aura l'impact des exploits passés (à la fin des années 1980, Pete Townshend essaie en vain de revenir avec un « concept album », The Iron Man). On revoit les Who à Wembley, en juillet 1985, le temps du concert du Live Aid. Pour le vingt-cinquième anniversaire de leur formation, en 1989, les Who (avec Simon Phillips à la batterie) organisent une grande tournée estivale (assortie d'un album « souvenir »), avec peut-être à ce moment-là le secret espoir d'un plus long retour. Mais, dès le lendemain, chacun des vieux complices retourne à ses affaires. L'épopée Who a vécu, même si, en 1996 et 1997, ils se réunissent le temps d'une brève tournée américaine et européenne pour promouvoir la réédition de Quadrophenia.