le Roman d'un tricheur

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Comédie satirique de Sacha Guitry, avec Sacha Guitry (le tricheur), Serge Grave (lui, petit garçon), Jacqueline Delubac (Henriette), Marguerite Moreno (l'aventurière), Rosine Deréan (la voleuse), Pauline Carton (Mme Moriot, la tante), Frehel (la chanteuse).

  • Scénario : Sacha Guitry, d'après son roman Mémoires d'un tricheur
  • Photographie : Marcel Lucien
  • Décor : Jacques Gut, Henry Ménessier
  • Musique : Adolphe Borchard
  • Production : Serge Sandberg (Cineas)
  • Pays : France
  • Date de sortie : 1936
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 1 h 17

Résumé

Pour avoir volé quelques francs, un jeune garçon est privé de champignons au repas du soir et échappe ainsi à l'empoisonnement qui anéantit sa famille… Il exerce divers petits métiers, chasseur de restaurant, groom, croupier, et trouve enfin sa voie en devenant tricheur professionnel. Il fait fortune et fréquente les casinos sous divers déguisements afin de pouvoir tricher uniquement sous sa véritable identité. Mais, un soir, il se rend compte que celui qu'il est en train d'abuser n'est autre que l'homme qui l'a sauvé d'une mort certaine durant la guerre, en y laissant un bras. Pris de remords et honteux, il va apprendre en sa compagnie le plaisir du jeu honnête. Au point que toute la fortune amassée en trichant y passera. Ruiné, il terminera sa carrière dans la police, le seul endroit où il se sente à l'abri de sa petite faiblesse !

Commentaire

La distance de la voix off

Quatrième film parlant de Sacha Guitry et adaptation de son unique roman paru en 1934, le Roman d'un tricheur est, grâce à François Truffaut, généralement considéré comme le plus réussi et le plus « cinématographique » de ses films (au sens où il ne s'agit pas d'une de ses pièces filmées). C'est probablement celui de la découverte par l'auteur de son propre système.

Le film est définitivement une comédie, et Guitry ne signera aucun film d'un autre genre, à l'exception de quelques scènes plus sérieuses ou dramatiques dans Donne-moi tes yeux, Pasteur, le Diable boiteux, le Comédien. Ce n'est pas son film le plus représentatif sur les rapports amoureux, mais l'argument que l'on retrouve généralement dans ses pièces est ici le thème principal du film : le mensonge ou l'art de tricher. En effet, c'est tout de même de sa maîtresse, puis de sa femme que le héros apprend, de l'une, l'art de voler, de l'autre, celui de tricher, pratiques si féminines aux yeux de l'auteur…

Le film est construit sur une voix off : c'est le personnage principal vieilli, en train de rédiger ses Mémoires à la terrasse d'un café, qui enclenche le récit par sa voix. Tous les personnages racontés par le tricheur sont subordonnés au flot continu d'une seule et même parole, celle de l'auteur-acteur-narrateur. Les seules scènes de dialogues réels sont celles du temps présent : répliques très courtes du garçon de café et de la vieille marquise (Marguerite Moréno), initiatrice du héros à l'amour.

Plus Sacha Guitry fera de films, plus la mise en scène de sa parole deviendra omniprésente, régissant tout, même les génériques. Guitry cinéaste, oui et avant tout, puisque seul le cinéma permet de l'apprécier encore intégralement ; paradoxe pour un homme qui consacra sa vie au théâtre et le privilégia toujours.