la Solitude du coureur de fond

The Loneliness of the Long Distance Runner

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Drame de Tony Richardson, avec Tom Courtenay (Colin Smith), Michael Redgrave (le directeur du Borstal, maison de redressement), James Bolam (Mike), Avis Bunnage (Mrs. Smith).

  • Scénario : Alan Sillitoe d'après sa nouvelle
  • Photographie : Walter Lassally
  • Décor : Ted Marshall
  • Musique : John Addison
  • Montage : Anthony Gibbs
  • Production : Woodfall Film
  • Pays : Grande-Bretagne
  • Date de sortie : 1962
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 1 h 44

Résumé

Dans un centre de redressement en Angleterre, Colin Smith se distingue par ses qualités de coureur de fond. Pendant les longs parcours d'entraînement en forêt, il songe à sa vie passée, sa famille, son camarade, son amie – au vol qui l'a conduit dans ce Borstal. Le jour de la course de l'école, il s'arrête délibérément devant la ligne d'arrivée, refusant de jouer le jeu de l'institution.

Commentaire

Éloge de la révolte individuelle

La Solitude du coureur de fond est caractéristique du « Free Cinema » des années 1960 en Angleterre. Ce courant bénéficie de deux influences principales : l'école documentaire britannique des années 1930 et les « Quatre Garçons dans le vent » des années 1960. Ces origines éclairent deux perspectives : le réalisme social et la drôlerie irrévérencieuse. Ce cinéma-vérité de fiction s'attaque à « la réalité, l'exubérance et la vitalité de ce monde que nous (Tony Richardson et Karel Reisz) avons entrepris de filmer et d'admirer ».

Dans la nouvelle de Sillitoe, le héros parle à la première personne. Colin Smith exprime ses pensées et sa vision de la société avec son propre langage. Sillitoe convertit son monologue en récit. Il développe certains personnages comme la mère de Smith et en crée d'autres comme les filles du week-end au bord de la mer. La marque du discours à la première personne affleure dans les nombreux flash-back rapportant l'histoire de Colin avant son arrestation. Celle-ci fait l'objet d'une ellipse. Les flash-back et les ellipses concourent à donner au film un ton distant qui caractérise une tendance du cinéma anglais.

Le film est fondé sur un système d'oppositions et de similitudes. L'eau sur la plage où Colin passe un week-end en amoureux nous renvoie au présent où Colin court entre les flaques dans la forêt : deux événements heureux unis par une analogie. Le montage parallèle oppose le chœur religieux des jeunes gens à l'arrestation d'un délinquant. Les fuites après le vol de la voiture puis après le hold-up de la boulangerie sont filmées en accéléré à la manière du cinéma burlesque des années 1910. Ces effets contribuent à donner une touche comique au film. Les longues courses solitaires dans les bois au petit matin symbolisent la liberté et l'espace, et soulignent l'opposition avec la vie étriquée de banlieue. Une musique de jazz, composée par John Addison, qui écrivit pour sept films de Tony Richardson, accompagne ces moments privilégiés du film. Elle rappelle la Nouvelle Vague française.

Pour jouer le rôle principal de son cinquième long métrage, après les Corps sauvages, le Cabotin, Sanctuaire, Un goût de miel, Tony Richardson choisit un acteur de 25 ans, membre de la troupe du théâtre de l'Old Vic, novice à l'écran. Le visage ingrat, inquiétant et pitoyable de Tom Courtenay, dont la laideur et la maigreur s'illuminent parfois d'une lueur de joie et de malice, confère une dimension très humaine au personnage de Colin Smith. Le jeune homme incarne la révolte individualiste, la pureté et l'honnêteté juvéniles opposées à l'hypocrisie de l'aliénation par le travail et la routine.