Intolérance

Intolerance

Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire mondial des films ».

Épopée historique de David Wark Griffith, avec Lillian Gish (la femme au berceau), Mae Marsh (la bien-aimée), Robert Harron (le jeune homme), Sam de Grasse (Arthur Jenkins), Margery Wilson (Brown Eyes), Constance Talmadge (la fille de la montagne), Elmer Clifton (le rhapsode).

  • Scénario : David Wark Griffith
  • Photographie : Billy Bitzer, Karl Brown
  • Décor : Franz Wortman
  • Musique : Joseph Carl Breil, D.W. Griffith
  • Montage : J. Smith, R. Smith, Joe Allen, D.W. Griffith
  • Production : Wark Producing Corporation
  • Pays : États-Unis
  • Date de sortie : 1916
  • Son : noir et blanc
  • Durée : 3 600 m (environ 3 h 20)

Résumé

Une jeune femme berce son nouveau-né. Parallèlement, quatre destins se déroulent à quatre époques.

À l'époque contemporaine, un jeune homme, réduit au chômage par le puritanisme d'une ligue féminine, est amené à voler. Il épouse celle qu'il aime, renonce à ses activités illégales. Il est arrêté et accusé du meurtre du voyou qui convoitait sa femme et qui a été en fait tué par une maîtresse délaissée. Condamné à mort, il sera sauvé in extremis de la pendaison.

En Judée, on assiste aux noces de Cana, à l'épisode biblique de la femme adultère, puis à la crucifixion du Christ.

En 1572, en France, Catherine de Médicis, qui souhaite la mort des protestants, obtient de son fils Charles IX la signature d'un ordre d'extermination. La Saint-Barthélemy est la date choisie. Prosper Latour, noble protestant, et sa femme sont massacrés.

En 539 av. J.-C., en Chaldée, les prêtres de Baal pactisent avec Cyrus et se préparent à lui livrer Babylone sur laquelle règne Nabonide, souverain tolérant. Cyrus marche sur Babylone. La fille de la montagne découvre le complot des prêtres, mais il est trop tard et Babylone tombe aux mains de Cyrus. Balthazar se suicide.

Commentaire

Le conflit éternel de la haine et de l'amour

Le sous-titre d'Intolérance est Love's Struggle Throughout the Ages et son récit mêle quatre histoires « coulant comme des fleuves majestueux, puis se mélangeant comme des torrents impétueux ». Cette fresque historique mégalomane conçue par David W. Griffith après l'extraordinaire succès de Naissance d'une nation (1914) est, en même temps qu'une superproduction, un essai d'une extrême audace puisqu'il déroge au principe de la continuité et de la linéarité narrative. Griffith entend s'y mesurer avec les formes cinématographiques de l'époque antérieure. Si dans l'épisode moderne, la Mère et la loi, il récapitule ses propres inventions formelles mises au point dans ses courts métrages de la Biograph, il cite les Passions Pathé avec la crucifixion du Christ, le Film d'Art Français comme l'Assassinat du duc de Guise avec le massacre de la Saint-Barthélemy tandis qu'avec la Chute de Babylone, il entend battre les Italiens sur leur propre terrain (notamment en dépassant le colossal de Cabiria de Pastrone). L'originalité profonde d'Intolérance est d'avoir surpassé le principe de l'alternance propre au récit de chacune des histoires par la mise en parallèle globale de celles-ci avec le thème de l'amour maternel, métaphore des forces du Bien et du Progrès dans l'Histoire. L'image de la mère, « issue du berceau se balançant sans fin », s'oppose à elle seule à la diversité illusoire et au fanatisme des différentes périodes de l'Histoire passée. Cette symphonie en quatre mouvements, entrecroisant les épisodes, sautant d'une époque et d'un lieu à l'autre, multiplie les télescopages et les analogies symboliques avant de se transfigurer, lors de l'épilogue, dans une apothéose pacifiste qui prendra à revers l'opinion publique américaine à quelques mois de l'intervention des États-Unis dans le conflit européen.

  • 1916 Intolérance, film de D. W. Griffith.