particules élémentaires

Collision de particules subatomiques
Collision de particules subatomiques

Constituant fondamental de la matière apparaissant, dans l'état actuel des connaissances, comme indivisible.

PHYSIQUE

1. Vers l'infiniment petit

De tout temps les scientifiques ont sondé la structure de la matière pour trouver unité et simplicité dans un monde qui nous frappe par sa diversité et sa complexité apparentes. N'est-il pas remarquable de découvrir que tous les objets qui nous entourent ne sont que les multiples assemblages, parfois fort complexes, d'un petit nombre de constituants fondamentaux, qui nous apparaissent aujourd'hui comme les particules élémentaires du monde ? N'est-il pas remarquable que toutes les forces que nous voyons en jeu dans la nature ne soient que les différentes manifestations d'un tout petit nombre de mécanismes fondamentaux prenant une forme particulièrement simple au niveau des particules élémentaires ?

L'atome est tout petit (environ 10–10 m). Un gramme de matière contient près d'un million de milliards de milliards d'atomes (1024). Cependant, grâce aux instruments dont ils disposent, les physiciens peuvent maintenant décrire et comprendre la structure intime des atomes.

La physique des particules se pratique auprès de grands accélérateurs. Elle requiert de plus en plus d'importantes collaborations internationales, nécessaires pour réaliser et exploiter ces machines extrêmement coûteuses ainsi que les détecteurs qui permettent d'analyser les événements observés. Ces collaborations sont des milieux particulièrement favorables à l'éclosion de nouvelles technologies. C'est comme cela qu'est né le World Wide Web au Cern de Genève (→  Internet).

La physique des particules s'efforce de découvrir les constituants fondamentaux de la matière et de comprendre leurs interactions, c'est-à-dire la façon dont ces constituants se lient entre eux pour réaliser les structures souvent très complexes et variées que nous observons dans le monde qui nous entoure.

Dans les années 1980, le pouvoir de résolution des instruments les plus performants pour étudier la structure intime de la matière atteignait le millionième de milliardième de mètre (10–15 m), autrement dit la dimension du proton et du neutron, les constituants du noyau atomique. Ce dernier est beaucoup plus petit que l'atome, car les nucléons y sont tassés les uns contre les autres. L'atome a un rayon 100 000 fois plus grand et son volume est rempli par le mouvement incessant des électrons qui entourent le noyau.=

Aujourd'hui, le pouvoir de résolution atteint le milliardième de milliardième de mètre (10–18 m), ce qui permet de sonder l’intérieur des nucléons. En effet, les protons et les neutrons sont constitués de particules appelées quarks, qui etcomptent désormais parmi les constituants fondamentaux de la matière. Il y a 18 types de quarks, qui se distinguent par leur « saveur » et leur « couleur ». Il s'agit là de nouveaux concepts pour lesquels on a préféré ces appellations imagées aux racines grecques en faveur auparavant. L'électron est aussi l'un des constituants fondamentaux de la matière. Il fait partie d'un ensemble de six particules élémentaires appelées leptons.

Les forces présentes dans la nature résultent des symétries entre quarks et entre leptons. Tout cela est résumé par le modèle standard des particules élémentaires et des interactions fondamentales. C’est une théorie quantique des champs, autrement dit une théorie à la fois quantique et relativiste. Or, maintenir la causalité dans un monde quantique et relativiste implique l'existence d'antimatière, dont la prédiction et l'observation ont constitué un grand succès. À chaque particule correspond une antiparticule de même masse mais de charge opposée. Toutefois, si le modèle standard permet de décrire l'ensemble des particules élémentaires de la matière et les interactions fondamentales qui s'exercent entre elles, il n’inclut toujours pas l'interaction gravitationnelle. Ainsi, le modèle standard n'est pas la théorie ultime de la physique.

2. Les moyens d'étude

Pour atteindre la résolution qui est nécessaire pour plonger à l'intérieur du noyau, puis à l'intérieur des nucléons, il faut des rayons gamma de très faible longueur d'onde, autrement dit de très haute énergie. On peut les obtenir par rayonnement de particules chargées, comme l'électron ou le proton, quand ils sont accélérés à des vitesses proches de celle de la lumière (3 × 108 km.s-1). On peut cependant opérer plus directement en utilisant le fait que l'électron et le proton se comportent comme des ondes aussi bien que comme des particules. Cela traduit la description quantique qu'il faut adopter au niveau des particules. La longueur d'onde associée à une particule de très haute énergie est inversement proportionnelle à son énergie : électrons et protons de hautes énergies sont donc aussi des sondes qui se comportent comme de la lumière de très petite longueur d'onde. Ce sont eux qui permettent d'observer la structure fine de la matière, avec un pouvoir de résolution d'autant meilleur que leur énergie est plus élevée.

2.1. Les accélérateurs de particules

En étudiant les résultats de collisions à très hautes énergies, on peut explorer la structure intime de la matière, reconnaître les particules élémentaires et étudier leurs propriétés. Le pouvoir de résolution est déterminé par la puissance des accélérateurs.

Le principe de l'observation reste le même que celui utilisé avec la lumière visible, en aidant l'œil avec un instrument d'optique. Un accélérateur communique une grande énergie aux particules qu'il accélère. Les plus performants sont des collisionneurs, où des faisceaux de particules sont simultanément accélérés dans des directions opposées et amenés en collisions frontales dans des zones où l'on dispose les détecteurs. Les produits des collisions étudiées sont analysés par les détecteurs qui rassemblent les données permettant de déterminer la nature et les propriétés des particules issues de la collision. Ces collisions de haute énergie engendrent en général un véritable feu d'artifice de particules nouvelles. Une partie de l'énergie de collision se transforme en matière et en antimatière.

On exprime les énergies de collision en électronvolts (eV). L'électronvolt est l'énergie acquise par un électron sous une différence de potentiel de un volt. C'est en gros l'énergie par électron fournie par une pile électrique, car c'est aussi l'ordre de grandeur de la variation d'énergie par électron impliquée dans une réaction chimique typique (1 eV = 1,6 × 10-19 J). Vers 1960, les accélérateurs permettaient d'obtenir des énergies de collision de l'ordre d'une centaine de millions d'électronvolts (100 MeV). On pouvait ainsi descendre jusqu'à 10–15 m. Aujourd'hui, les énergies de collision atteintes dépassent le millier de milliards d'électronvolts (1 000 GeV, soient 1 TeV). Le collisionneur de Fermilab, près de Chicago, aux États-Unis, permet d'atteindre des énergies de collision de 2 TeV entre proton et antiproton.

Mais la machine la plus puissante du monde est désormais le LHC (Large Hadron Collider), grand collisionneur de hadrons de 27 km de circonférence mis en service en septembre 2008 au Cern, près de Genève. Il a atteint une énergie de collision de 8 TeV en juillet 2012, qui a permis de découvrir une particule qui présente toutes les caractéristiques du fameux boson de Higgs. Le LHC devrait fonctionner à 7  TeV par faisceau à partir de 2015, soit une énergie de collision de 14 TeV qui permettra de confirmer définitivement la découverte du boson de Higgs et d’aller encore plus loin dans l’exploration de l’infiniment petit.

Analyser et comprendre la structure intime de la matière, c'est donc aussi comprendre la physique des hautes énergies. C'est savoir décrire et prédire ce qui se passe au cours de telles collisions.

2.2. Les détecteurs de particules

Comment parvient-on à observer les particules malgré leur taille extrêmement réduite ? On ne voit en réalité que des effets secondaires liés à leur présence et l'on déduit de l'observation de ces phénomènes le passage et les propriétés d'une ou plusieurs particules. En utilisant plusieurs phénomènes secondaires et en courbant les trajectoires des particules dans des champs magnétiques, d'autant plus facilement que les particules ont moins d'énergie, on peut connaître la nature et les propriétés des particules qui traversent un détecteur.

Les détecteurs de particules modernes (comme les détecteurs Atlas ou CMS du LHC) sont composés de couches de sous-détecteurs, chacun étant spécialisé dans un type de particules ou de propriétés. Il existe trois grands types de sous-détecteurs :

• les trajectographes, qui permettent de suivre la trajectoire des particules chargées électriquement ;

• les calorimètres, qui arrêtent une particule et en absorbent l'énergie, ce qui permet de mesurer l’énergie de la particule ;

• les identificateurs de particules, qui permettent d’identifier le type de la particule par détection du rayonnement émis par les particules chargées.

Les détecteurs sont toujours soumis à un champ magnétique, qui courbe la trajectoire des particules. À partir de la courbure de la trajectoire, les physiciens peuvent calculer l’impulsion de la particule, ce qui les aide à l’identifier. Les particules à impulsion élevée se déplacent quasiment en ligne droite, alors que celles à impulsion plus faible décrivent de petites spirales.

3. Physique des particules et cosmologie

Selon le modèle du big bang, l'Univers tel que nous l'observons est né, semble-t-il, d'une sorte de grande explosion, le « big bang », qui s'est produite il y a environ 15 milliards d'années. L'Univers est en expansion et les galaxies semblent se fuir les unes les autres avec des vitesses proportionnelles à leurs distances respectives. Sa densité et sa température n'ont cessé de décroître depuis le big bang ; aujourd'hui, elles sont toutes deux très faibles : la densité moyenne correspond à un atome par mètre cube et la température moyenne est de l'ordre 3 K (soit –270 °C).

La relativité générale nous permet de suivre l'évolution de l'Univers et de retrouver les conditions proches de celles qui ont dû exister aux premiers instants de l’Univers à partir des données actuelles. Mais le modèle se heurte à une limite, une singularité, appelée « mur de Planck », qui correspond à l’instant 10-43 s après le big bang : il est impossible de connaître ce qui s’est passé avant cet instant car les lois de la physique que nous connaissons ne sont plus applicables, la densité et la température de l’Univers étant alors infinies. Or, en physique, des quantités infinies n’ont plus grand sens… Néanmoins, de cet instant jusqu’à nos jours, le modèle permet de décrire l’évolution de l’Univers – composé cependant à 96 % de matière et d’énergie noires inconnues !

Comme la température est proportionnelle à l'énergie moyenne par particule, au début de l'Univers, ses constituants avaient des énergies colossales et, du fait de la densité extrêmement forte, ils étaient en collision constante les uns avec les autres.

La physique qui prévalait à cette époque est donc la physique des hautes énergies que l'on explore à l'aide des accélérateurs : comprendre la structure intime de la matière, c'est aussi pouvoir décrire et comprendre ce qui se passait au début de l'Univers.

Vers 1970, les spécialistes maîtrisaient la physique à des énergies de l'ordre de 100 MeV, correspondant à la température de l'Univers quand il était âgé d'un dixième de millième de seconde (10-4 s). Aujourd'hui, les progrès réalisés permettent de comprendre la physique au niveau de 1 TeV, et, donc, les phénomènes qui se déroulaient dans l'Univers un centième de milliardième de seconde après le big bang (10-11 s). Ainsi, le facteur dix mille gagné dans les énergies par particule (ou les températures) en passant de 100 MeV à 1 TeV a permis de reculer d'un facteur dix millions dans l'histoire des premiers instants de l'Univers. C'est dire combien la physique des particules et la cosmologie sont intimement liées.

4. Le modèle standard

Le modèle standard de la physique des particules est la théorie de référence qui décrit les constituants élémentaires de la matière et les interactions fondamentales auxquelles ils participent.

La description de la structure de la matière fait appel à deux familles de particules élémentaires : les quarks et les leptons. À chaque constituant de la matière est associée son antiparticule, une particule de même masse et de charge opposée (par exemple, l’antiparticule de l’électron est le positon).

4.1. Quarks et leptons

Les quarks, découverts dans les années 1960, sont les constituants des nucléons (protons et neutrons), les particules constitutives des noyaux atomiques. Ils participent à toutes les interactions. Il en existe six espèces différentes. Pour décrire leurs propriétés, on a choisi d'utiliser des noms imagés, faute d'analogie avec quoi que ce soit de connu. Ainsi, la caractéristique qui, en dehors de la charge électrique, permet de distinguer les quarks est appelée « saveur ». Les six saveurs, caractéristiques des six espèces de quarks, sont dénommées : up (u), down (d), strange (s), charm (c), bottom (b) et top (t). Par ailleurs, chaque saveur peut exister en trois variétés, qui portent les noms de « couleurs » : rouge, vert et bleu. De même que la masse permet à une particule de réagir à la gravitation et la charge électrique à la force électromagnétique, la couleur rend les quarks sensibles à l'interaction nucléaire forte, responsable de leurs associations et de la cohésion des noyaux atomiques. Cette force ne se manifeste pas au niveau macroscopique : les trois couleurs se compensent mutuellement pour former la matière globalement « incolore ».

Une autre particularité des quarks est leur confinement : il est impossible de les obtenir individuellement à l'état libre. La famille des leptons rassemble les particules insensibles à la force nucléaire forte : l'électron ; deux particules analogues à l’électron, mais plus lourdes et instables, le muon et le tauon (ou tau) ; et trois particules électriquement neutres associées aux trois précédentes, les neutrinos électronique, muonique et tauique.

Les quarks et les leptons se présentent en doublets. Il existe un doublet de quarks (u et d) auquel fait pendant un doublet de leptons (neutrino et électron). L'électron a une charge électrique (prise par convention égale à –1), contrairement au neutrino. Il y a aussi une différence d'une unité entre la charge du quark d (–1/3) et celle du quark u (+2/3). Deux quarks u et un quark d forment un proton (charge globale +1). Deux quarks d et un quark u forment un neutron (charge globale nulle). Les protons et les neutrons sont à la base de tous les noyaux atomiques. En ajoutant suffisamment d'électrons pour compenser la charge électrique du noyau, on obtient les atomes.

L'électron, le quark u et le quark d sont les constituants exclusifs de la matière ordinaire.

4.2. Création et destruction de particules

Au cours de certains processus de désintégration radioactive, un quark d peut se transformer en quark u, mais simultanément un neutrino se transforme en électron, ou un électron est créé avec un antineutrino. La charge globale est conservée.

Dans un proton, les trois quarks ont des couleurs différentes et le proton est globalement « incolore ». C'est aussi le cas d'une multitude de particules instables qui apparaissent dans les collisions de protons quand une partie de l'énergie de collision se transforme en matière et antimatière : ces particules sont des hadrons, qui peuvent être soit des baryons – formés de trois quarks, soit des mésons – formés d'un quark et d'un antiquark. Les antiquarks ont des couleurs opposées à celles des quarks qui leur correspondent.

Quand l'énergie devient matière, il se crée autant de quarks que d'antiquarks et autant de leptons que d'antileptons. La même règle s'applique lors de l'annihilation de la matière et de l'antimatière en énergie.

Les collisions de haute énergie entre quarks ou leptons font apparaître d'autres quarks et d'autres leptons. La nature répète ainsi deux fois la famille initiale en présentant deux doublets supplémentaires de quarks, auxquels sont associés deux nouveaux doublets de leptons. Le deuxième doublet renferme le quark strange (s) et le quark charm (c), le troisième le quark bottom (b) et le quark top (t). Ce dernier a longtemps échappé aux investigations par sa masse très élevée, de l'ordre de 180 fois supérieure à celle du proton. Il a été finalement découvert au Fermilab, près de Chicago (États-Unis), en 1995, après que sa masse eut été prédite à partir de résultats obtenus à l'aide du LEP (Large Electron Positron collider) du Cern, près de Genève (Suisse). Les quarks c et b sont aussi beaucoup plus lourds que les quarks u et d, mais néanmoins nettement plus légers que le quark t.

De même, le muon et son neutrino ainsi que le tauon et son neutrino constituent les deux autres doublets de leptons associés aux deux doublets précédents de quarks. Le muon est environ 200 fois plus lourd que l'électron et le tauon près de 3 000 fois plus lourd. Ces quarks et ces leptons lourds sont instables et très éphémères à l'échelle humaine. Ils se désintègrent en se transformant en quarks ou en leptons de masse inférieure. Toutefois, la manifestation des forces entre quarks et leptons ne demande que des temps extrêmement faibles par rapport à la durée de vie de ces particules. À leur échelle, les quarks et les leptons sont donc tous aussi stables les uns que les autres et peuvent tous être considérés comme des constituants fondamentaux de la matière. Si la constitution de la matière stable de l'Univers ne fait appel qu'à la première famille de ces particules, les forces qui permettent de construire la matière à partir des éléments de la première famille font, elles, appel à la présence de tous les quarks et de tous les leptons.

4.3. Les quatre forces fondamentales

Si l'on a découvert une assez grande diversité de particules, toutes les forces présentes dans la nature se ramènent en revanche à un nombre très restreint d'interactions fondamentales. D'après la mécanique quantique, pour qu'il y ait une interaction, il faut qu'au moins une particule élémentaire, un boson, soit émise, absorbée ou échangée.

Interactions auxquelles sont soumises les particules fondamentales

INTERACTIONS AUXQUELLES SONT SOUMISES
LES PARTICULES FONDAMENTALES

PARTICULES

 fermions

bosons

fermions

bosons

boson
 quarks

gluons

leptons

bosons

graviton
 

et leurs composés :

(électron, muon, neutrinos)

faibles

 
 baryons (nucléons, etc.)

mésons
(pions, etc.)

(W, Z)

 
 

photon

 

INTERACTIONS

fortes

OUI

NON

NON

électrofaibles

OUI

OUI

NON

gravitationnelles

OUI

OUI

OUI

 
 

4.3.1. L'interaction électromagnétique

Considérons l'interaction entre deux charges électriques. Dans la description usuelle du phénomène, on dit qu'une particule chargée crée un champ électrique qui remplit tout l'espace tout en décroissant comme l'inverse du carré de la distance à la charge. Une autre particule chargée est sensible à ce champ. Cela crée une force entre les deux particules. Si ces dernières se déplacent à une certaine vitesse, il faut introduire aussi le champ magnétique. On parle donc globalement de l'interaction électromagnétique (→  électromagnétisme). En physique quantique, ce champ présente également une forme corpusculaire : c'est une superposition de photons. Le processus fondamental de l'interaction électromagnétique correspond à l'émission d'un photon par un électron et à son absorption par un autre électron. Il implique la charge mais ne la modifie pas, puisque le photon échangé n'a pas de charge. C'est la base de l'électrodynamique quantique, qui permet de calculer tous les phénomènes mettant en jeu des échanges de photons au cours desquels peuvent aussi apparaître des paires électron-positon.

4.3.2. L’interaction forte

L'interaction forte repose sur la « couleur » des quarks. Le processus fondamental est très semblable à celui rencontré en électrodynamique. Deux quarks exercent une force l'un sur l'autre, et elle est associée à l'échange d'un gluon. Le gluon distingue la couleur mais peut aussi la changer car il porte lui-même de la couleur. Ce processus est à la base de la chromodynamique quantique, qui permet de calculer les phénomènes associés à l'échange de gluons, capables de se transformer en paires de quarks et d'antiquarks. Contrairement à l’interaction électromagnétique qui porte à l’infini, l’interaction forte ne s’exerce qu’à des distances très courtes, à quelques diamètres de noyaux

4.3.3. L’interaction faible

L'interaction électromagnétique et l'interaction forte ne peuvent pas changer la « saveur ». Mais il existe une autre interaction fondamentale qui peut le faire : c'est l'interaction faible. Elle existe sous deux formes. L'une peut changer la « saveur » et la charge et correspond à l'échange d'un boson W. L'autre peut agir sans changer la « saveur » ni la charge et correspond à l'échange d'un boson Z. Les neutrinos, qui n'ont ni charge ni « couleur », ne sont sensibles qu'à l'interaction faible. L’interaction faible (également appelée force nucléaire faible), qui permet de transformer un neutron en proton ou inversement – donc de changer la composition d'un noyau –, est ainsi responsable de certains phénomènes de la radioactivité, en particulier la radioactivité bêta.

L'interaction électromagnétique et les deux formes de l'interaction faible ne sont en fait que trois aspects d'un mécanisme unique : l'interaction électrofaible. En effet, en comprenant leur mode d'action, on s'est aperçu qu'on ne pouvait pas avoir l'une sans avoir les deux autres.

Mais il a fallu du temps pour parvenir à cette découverte car, si le photon a une masse nulle, les bosons W et Z sont très lourds, atteignant chacun près de cent fois la masse du proton, dont l'énergie de masse est proche de 1 GeV. Ce sont ces grandes masses échangées qui minimisent les effets de l'interaction et lui valent le qualificatif de faible. Ce n'est qu'au cours de collisions où l'énergie est comparable à l'énergie de masse du boson W ou du boson Z que la présence de ces masses élevées devient moins importante et que les interactions électromagnétiques et faibles peuvent montrer au grand jour leur étroite parenté.

4.3.4. L’interaction gravitationnelle

C'est une force universelle, en ce sens qu'elle est subie par toutes les particules connues. Elle est de loin la plus faible des forces, elle est toujours attractive et, de plus, elle a une portée infinie. C'est grâce à ces deux dernières caractéristiques qu'elle est détectable macroscopiquement : l'addition des forces gravitationnelles qui s'exercent entre les particules de notre corps et la Terre, par exemple, produit une force appelée poids.

→ gravitation.

Au niveau des particules élémentaires, cette force devient importante seulement lorsque des énergies considérables entrent en jeu. Dans un noyau atomique, par exemple, la force d'attraction gravitationnelle entre deux protons est 1036 fois plus faible que celle de la répulsion électrostatique. C'est à partir d'une énergie de 1019 GeV (1 GeV est l'énergie cinétique qu'acquiert un électron quand il est accéléré par une différence de potentiel de 1 000 millions de volts) qu'elle devient comparable à l'interaction électromagnétique.

Ainsi, malgré le grand nombre d'acteurs en présence, les thèmes de base de leurs jeux sont donc très peu nombreux et très semblables. C'est à ce niveau que se rencontrent l'unité et la simplicité. Qui plus est, on sait aujourd'hui déduire l'existence et les propriétés des forces fondamentales des symétries que les quarks et les leptons manifestent entre eux. La présence des forces est une conséquence du fait que ces particules sont nombreuses, mais qu'on peut dans une large mesure les mettre les unes à la place des autres sans modifier la description du monde : les quarks et les leptons sont groupés en doublets de « saveur » et les quarks en triplets de « couleur ». La compréhension de la nature profonde des forces est l'un des grands succès de la physique contemporaine. C'est le domaine des théories de jauge. L'existence et la propriété des forces sont impliquées par les symétries.

4.4. Points forts et points faibles du modèle standard

Le modèle standard consiste en un ensemble d'algorithmes, appelé développement perturbatif, permettant de calculer, par approximations successives, à l'aide d'un nombre fini et fixé de paramètres déterminés expérimentalement, les probabilités des réactions des leptons et des quarks, du photon et des bosons intermédiaires en interactions électromagnétique et faible, et les probabilités des réactions des quarks et des gluons en interaction forte à grand transfert d'énergie. Ce modèle a passé avec succès tous les tests expérimentaux auxquels il a été soumis et il a permis d'anticiper de très nombreuses découvertes expérimentales décisives : les réactions d'interaction faible à courants neutres en 1973, le quark charm en 1975, le gluon en 1979, les bosons intermédiaires de l'interaction faible (bosons W+, W et Z0) en 1983, et le quark top en 1995. Toutes ses prédictions ont été confirmées par l'expérience et ce jusqu’à la très probable découverte en 2012 du boson de Higgs, la fameuse particule permettant d’expliquer l’origine de la masse de toutes les autres particules.

          

La chasse au boson de Higgs



Le boson de Higgs (ou de Brout-Englert-Higgs) est la particule élémentaire dont l'existence, postulée indépendamment par Robert Brout, François Englert et Peter Higgs dans les années 1960, permet d’expliquer l’origine de la masse de toutes les autres particules. En effet, les particules n’acquièrent une masse qu’en interagissant avec un champ de force invisible (appelé champ de Higgs) par l’intermédiaire du boson de Higgs. Plus les particules interagissent avec ce champ et plus elles deviennent lourdes. Au contraire, les particules qui n’interagissent pas avec ce champ ne possèdent aucune masse (comme le photon).

Pour mettre au jour le boson de Higgs, on provoque des milliards de chocs entre protons qui se déplacent quasiment à la vitesse de la lumière et on analyse les gerbes de particules produites. La découverte de ce boson, très probablement détecté dans le LHC du Cern en 2012, validerait ainsi le modèle standard de la physique des particules. Il faudra attendre 2015 et la remise en service du LHC dont les faisceaux de particules atteindront l’énergie nominale de 7 TeV par faisceau pour conclure définitivement sur la découverte du fameux boson.

Le modèle standard comporte cependant des points faibles.En particulier, il est en échec face au traitement quantique de la gravitation.Par ailleurs, il ne fournit pas d'explication à la propriété fondamentale du confinement qui interdit aux quarks de se propager à l'état libre hors des particules dont ils sont les constituants, etc. Ce modèle doit être considéré comme une théorie susceptible d'être améliorée et approfondie, voire remplacée dans l'avenir par une théorie radicalement nouvelle.

4.5. Vers la « théorie du tout » ?

Le modèle standard permet de décrire avec précision la structure de la matière avec une résolution de 10–18 m et d'évoquer ce qui se passait au début de l'Univers, dès 10–10 seconde après le big bang.

On pense aujourd'hui que l'interaction forte et l'interaction électrofaible ne sont que deux aspects d'un phénomène unique. Ce dernier ne devrait cependant se manifester ouvertement qu'à de très grandes énergies, que l'on situe vers 1016 GeV. On verra sans doute alors apparaître au grand jour d'autres mécanismes transformant les quarks en leptons et mettant en jeu l'échange de particules, encore hypothétiques, dont la masse est de l'ordre de 1016 GeV. Ce n'est que pour des énergies de collision dépassant largement ce seuil que les différents modes d'interaction devraient apparaître sur un pied d'égalité, dévoilant ainsi explicitement leur grande unité.

De telles énergies sont encore hors de notre portée et le resteront pour longtemps. Mais c'était celles qui prévalaient théoriquement 10–38 seconde seulement après le big bang. C'est à ce moment que les quarks et les leptons sont apparus, figés pour toujours dans leur état de quark ou de lepton avec un très léger excès, déjà mentionné, de quarks par rapport aux antiquarks et de leptons par rapport aux antileptons. On explique ainsi pourquoi l'Univers contient autant de protons que d'électrons, en étant globalement neutre. C'est le domaine de la théorie de Grande Unification, encore très spéculative. Aux énergies qui nous sont accessibles, la gravitation qui s'exerce entre des particules individuelles reste tout à fait négligeable en regard des autres forces fondamentales. Mais, à des énergies de l'ordre de 1019 GeV, elle devient aussi importante qu'elles, car ses effets croissent avec l'énergie. On pense même pouvoir l'associer aux autres modes d'interaction actuels dans le cadre d'une théorie unique. Celle-ci incorporerait une formulation quantique de la gravitation qui manque encore aujourd'hui mais dont la théorie des supercordes donne déjà un aperçu. La mise au point de cette « théorie du tout » constitue l'un des grands sujets de recherche actuels de la physique. L'Univers n'était âgé que de 10–43 seconde quand l'énergie y était de l'ordre de 1019 GeV. C'est à ce moment que le temps et l'espace prirent la forme que nous leur connaissons. Nous manquons encore de concepts plus profonds pour remonter au-delà.

Accélérateur de particules circulaire, le cyclotron
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Accélérateur de particules linéaire
Accélérateur de particules linéaire
Annihilation d'un électron avec son antiparticule
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Big bang et expansion de l'Univers
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Collision de particules subatomiques
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Détecteur CMS, Cern, Genève
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Force de gravitation des planètes
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Infiniment petit
Infiniment petit
LEP, Cern, Genève
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Les particules élémentaires selon le modèle standard
Les particules élémentaires selon le modèle standard
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
LHC, Cern, Genève
Structure de l'atome
Structure de l'atome
Voir plus
  • 1928 Les Allemands H. Geiger et E. W. Müller perfectionnent le compteur de particules qui porte leur nom.
  • 1952 Invention par l'Américain D. A. Glaser de la chambre à bulles, pour la détection des particules chargées de haute énergie.
  • 1974 Découverte, aux États-Unis, par les équipes de B. Richard et de S. Twig, des premières particules charmées (particules J ou psi).
  • 1989 Des expériences effectuées au Cern et à Stanford (É.-U.) établissent qu'il n'existe pas plus de trois familles de particules dans l'Univers.