les jeux du Moyen Âge

THÉÂTRE

On désigne sous le nom de jeux des représentations liturgiques ou profanes, en langue vulgaire, auxquelles se mêlait de la musique. Vers le xe s., on voit apparaître le drame liturgique, à vocation édifiante, donné à l'église, dans le chœur ; il ne semble pas qu'il y ait de relations entre ces ordos (calendriers des fêtes religieuses) et le théâtre antique. Une habitude née à Jumièges et portée à Saint-Gall a consisté, comme moyen mnémonique, à placer des tropes (paroles en latin) sous les longues vocalises des alleluia, puis du kyrie. C'est de ces tropes qu'est né le système des dialogues puis des représentations donnés dans le chœur à matines et vêpres, et mêlés à la liturgie pendant les cycles de Noël et de Pâques. Il semble aussi que les tropes seraient à l'origine des chants de troubadours (tropator).

La pastourelle et la bergerie

Le jeu est né également de l'adaptation dramatique de deux genres pratiqués par les troubadours : la pastourelle, chanson courtoise et aristocratique dans laquelle une bergère est courtisée par un chevalier qu'elle accepte ou repousse ; la bergerie, petit poème simple et gracieux, en prose ou en vers, sur les amours des bergers. Les premiers drames liturgiques sont directement inspirés des Écritures, comme le sujet du Sponsus, qui retrace la parabole des vierges sages et des vierges folles. Vers la fin du xiie s., le français, langue vulgaire, est introduit dans les épopées et dans le drame, remplaçant le latin ; ce drame lui-même quitte le chœur et se place sur le parvis au début du xiiie s.

Liturgie et art profane

Au xiie s., le premier jeu dont le sujet soit liturgique, le Jeu d'Adam, comprend un commentaire en vers dialogués, le reste du texte étant entièrement chanté. Dans la première partie, la faute d'Adam et Ève est narrée ; la deuxième contient l'épisode de Caïn et Abel ; la troisième, le Jeu des prophètes. L'ensemble se situe dans le cadre du cycle de Noël. Le jeu réalise donc rapidement une synthèse entre texte dramatique, chant, musique, danse, mise en scène, ce qui en fait une sorte de théâtre total.

C'est le trouvère Adam de la Halle (Adam d'Arras, Adam le Bossu) qui illustre le jeu à vocation profane, sorte de divertissement aristocratique, avec le Jeu de la feuillée ou de la folie, 1262, et surtout le Jeu de Robin et Marion, 1283. Le dialogue dramatique y alterne avec des passages chantés. Bon nombre de refrains sont empruntés aux timbres connus de tous, refrains de rondeaux, cependant que les couplets sont écrits par l'auteur. Certains timbres sont parfois empruntés à des danses. Ainsi : Vous l'entendrez dire, Belle, vous l'entendrez dire utilise le motif de la danse du tour de pied ; ce thème, toujours avec l'incise « Belle », utilisé dans d'autres pièces de l'époque, est encore une manifestation des timbres populaires dont chacun pouvait profiter librement dans des œuvres originales.

Le jeu-parti (le joc-parti des troubadours) est d'une forme bien différente. Le texte est réparti entre deux voix qui engagent un débat amoureux et poétique ; chacun des trouvères plaide sa cause, improvisant des strophes ou des demi-strophes. Ce genre fut particulièrement cultivé dans les cours d'amour, où seigneurs et nobles dames rendaient vraisemblablement leur verdict en s'inspirant des règles de la galanterie chevaleresque.