franc

(peut-être de franc, signifiant « libre », ou de Francorum rex, roi des Francs, devise des premières pièces de monnaie)

Franc
Franc

Ancienne unité monétaire principale de la France (franc français, qui avait également cours en principauté d'Andorre et à Monaco), de la Belgique (franc belge) et du Luxembourg (franc luxembourgeois). [Devenus dès le 1er janvier 1999 des subdivisions de l'euro, le franc français, le franc belge et le franc luxembourgeois cessent d'exister, au profit de la monnaie unique européenne, en 2002.]

À l'origine, au xive s., le franc est une monnaie d'or frappée pour payer la rançon de Jean II le Bon, prisonnier des Anglais. Le type en est un chevalier casqué, sur son cheval. Le chevalier est franc, c'est-à-dire « libre », tandis que le roi est captif. Tel est sans doute le sens de ce terme appliqué à la monnaie, à moins qu'il ne faille y voir un équivalent du mot « noble », par lequel on désignait la monnaie anglaise contemporaine. Le franc correspondait à 3,877 g d'or fin. Sous Charles V, sa teneur est réduite à 3,82 g, et, sous Charles VII, à 3,06 g. On distingue le franc à cheval, décrit ci-dessus, du franc à pied, frappé sous Charles V, qui a pour type le roi debout sous un dais. Un franc d'argent est frappé à Paris à partir de 1575, correspondant à 14,07 g d'argent à 833/1 000. Sous Henri IV, le franc contient 23 g d'argent fin, et son cours dépasse celui de la livre. Cette monnaie ayant subi de nombreuses altérations – notamment du fait des rogneurs –, Louis XIII décide qu'elle n'aura plus cours que d'après son poids. Le franc cesse d'être une monnaie réelle, mais subsiste en tant que monnaie de compte.

La Convention nationale fait du franc l'unité monétaire légale et décide qu'il correspondra à une pièce de 5 g d'argent, poids de métal approché correspondant à l'ancienne livre tournois. À la fin de 1795, la frappe de la monnaie d'argent est reprise après l'interruption causée par la débâcle financière. La pièce de 5 F du poids de 25 g, au titre de 900/1 000, gravée par Augustin Dupré, a pour type Hercule entre la Liberté et l'Égalité. La pièce de 1 F pèse 5 g, dont 4,5 g d'argent fin.

Un système monétaire bimétalliste

La loi fondamentale du 17 germinal an XI (7 avril 1803) institue en France le bimétallisme intégral : celui-ci durera trois quarts de siècle. La monnaie de compte, le franc, est identifiée à une pièce de monnaie réelle, formée de 5 g d'argent au titre de 9/10, soit 4,5 g d'argent pur. Le franc de 1803 connaîtra 111 ans de stabilité de fait (1803-1914) et 125 ans de stabilité légale. Dans le cadre du bimétallisme d'alors, la loi prévoit la frappe de monnaies d'argent et de monnaies d'or, les deux monnaies ayant pouvoir libératoire illimité : il résulte de la loi que 1 kg d'argent au titre de 9/10 vaut 200 F, tandis que 1 kg d'or au même titre vaut 3 100 F, soit 15,5 fois plus : les deux métaux se trouvent donc liés par un rapport légal de valeur, rapport qui est le rapport commercial de l'époque. Le système instauré consiste à donner à la fois à l'or et à l'argent le caractère de numéraire et de monnaie légale à pouvoir libératoire illimité, les deux monnaies bénéficiant de la frappe libre.

On frappe alors des pièces de 20 F et de 40 F en or, cependant que, en 1809, sont émises des monnaies d'argent de 2 F, de 1 F, d'un demi-franc et d'un quart de franc. À partir de 1845, la pièce de 100 F en or, en 1855 des pièces d'or de 50 F et de 100 F. En 1865, plusieurs nations, la Belgique, l'Italie puis la Grèce, adoptent le système français : c'est l'Union monétaire latine.

La fin du bimétallisme

En 1866, le titre des monnaies d'argent est abaissé de 900/1 000 à 835/1 000 pour les pièces de 2 F, de 1 F, de 50 centimes et de 20 centimes. En 1878 est suspendue la frappe des pièces de 5 F, à la suite de la baisse de l'argent consécutive à la découverte des gisements américains (Nevada). C'est, pratiquement, la fin du bimétallisme. De 1879 à 1928, l'unité monétaire est en France le franc-or de 322,5 mg d'or, et le franc vivra dans un régime de monométallisme-or de fait, qui fonctionnera jusqu'en 1914. L'or ne disparaît pas de la circulation pour deux raisons : d'une part, la thésaurisation (l'accumulation des pièces d'or) par les particuliers est peu répandue ; d'autre part, les créances de la France sur l'étranger dépassent chaque année ses dettes envers lui. Par la loi du 25 juin 1928, le monométallisme-or sera consacré définitivement : monométallisme officiel, mais non effectif : depuis la Première Guerre mondiale, le règne des monnaies métalliques a pris fin et les malheurs du franc débutent.

Heurs et malheurs du franc (1914-1969)

En 1914, pour faire face aux besoins créés par la guerre, le gouvernement français décrète l'inconvertibilité des billets en circulation ; il a alors la possibilité de demander à la Banque de France un nombre illimité d'« avances », sous forme de billets nouveaux, avec lesquelles il peut régler ses fournisseurs et créanciers comme lors des dévaluations de la livre tournois au Moyen Âge ou sous l'Ancien Régime. Le public, au début, conserve mentalement sa valeur au franc, alors que les prix évalués en cette unité s'élèvent en réalité très rapidement. L'inflation ne se termine pas avec la fin de la guerre : par rapport à la période 1900-1910, l'indice moyen des prix est multiplié par sept en 1925. Théoriquement, le franc officiel vaut toujours 322,5 mg d'or, base sur laquelle le billet était convertible avant 1914 et depuis 1803. On espérait le retour du franc de germinal avec l'unique concours des réparations espérées de l'Allemagne. Or l'inflation qui sévit après la guerre entame de façon drastique le pouvoir d'achat du franc. La dévaluation, rendue inévitable par un déficit budgétaire persistant, la spéculation internationale et la crise des changes, intervient finalement le 25 juin 1928, quand le gouvernement Poincaré donne au franc la nouvelle définition de 65,5 mg à 900/1 000, soit un peu plus de 1/5 du franc de germinal. Le monométallisme de 1928 est un monométallisme composite-or : la loi réserve, en effet le pouvoir libératoire illimité aux pièces d'or de 100 F à 9/10, les seules dont elle prévoit la fabrication. (La monnaie d'argent doit, elle, se composer de pièces de 10 F et de 20 F, mais ces pièces ne seront pas librement frappées, et leur pouvoir libératoire sera limité à 250 F par paiement entre particuliers.) Toutefois, le nouveau système monétaire ne pouvait exister en France que d'une façon théorique tant que la frappe libre des pièces d'or, qui aurait été un des caractères essentiels, n'était pas reprise : or elle ne l'a jamais été depuis.

Avec la grande crise économique de 1929, tout est, en effet, remis en question. On assiste à l'abandon de l'étalon-or, et la monnaie devient un instrument de politique économique, notamment avec la technique de la dévaluation (celle, en septembre 1931, de la livre sterling avec abandon de l'étalon-or, puis celle du dollar, en janvier 1934).

La dévaluation Laval (1934-1935)

En France, la situation devient préoccupante en 1934-1935 lorsque les effets de la crise mondiale se font sentir. Alors que la plupart des autres pays ont déjà dévalué leur monnaie afin de relancer leurs économies par un accroissement de leurs exportations, la France, elle, tente d'aligner les prix de ses produits sur les prix internationaux au moyen d'une politique rarement pratiquée, une déflation de stricte orthodoxie (décret-loi Laval de 1935, diminuant uniformément tous les prix de 10 %). Cette politique, socialement très sévère, se révèle en fait insuffisante pour relancer l'économie : l'indice de la production industrielle tombe, de 1930 à 1936, de 140 à 98. La valeur des exportations qui atteignait presque 43 milliards de francs en 1930, dépasse à peine 15,5 milliards en 1936. La balance commerciale accuse un déficit de 10 milliards de francs en 1936. D'autre part, une dette publique de plus de 350 milliards de francs à la fin de 1935 grève lourdement le revenu national, et les déséquilibres répétés entre les recettes et les dépenses budgétaires inspirent de graves inquiétudes.

Les dévaluations de 1936-1940

En 1936, le gouvernement se résout à dévaluer le franc (loi du 1er octobre 1936). Le franc est désormais défini comme la valeur d'un poids de 44,1 mg d'or fin puis de 38,7 mg d'or fin (octobre 1936 et juillet 1937). Un fonds d'égalisation des changes est créé avec une somme provenant de la réévaluation de l'encaisse. En même temps, le gouvernement prend des mesures pour empêcher la hausse des prix. Cette politique sera compromise par la préparation de la guerre. Le franc est autorisé à « flotter » davantage, si bien que la livre sterling, qui, en 1932, valait 90 F, est montée à 180 F. Cela conduit le gouvernement français à décider de « réévaluer le stock d'or » sur la base de 24,75 mg d'or fin pour 1 F (convention du 12 novembre 1938). Pendant la guerre de 1939-1940, après que le contrôle des changes a été institué le 9 septembre, une nouvelle réévaluation de l'encaisse-or a lieu, sur la base de 21,006 mg d'or fin pour 1 F. Ces « réévaluations » sont en réalité des dévaluations du franc.

1945-1958 : érosions successives

À la Libération, les effets de l'inflation contenus pendant les quatre années de guerre, se font sentir si fortement qu'une nouvelle fois la parité du franc doit être ajustée. Une loi du 26 décembre 1945 ratifie la signature des accords de Bretton Woods par la France et l'enregistrement par le Fonds monétaire international de la parité de 7,461 mg d'or fin pour 1 F. Un dollar égale 119,10 F.

La reconstruction puis la modernisation de l'économie française vinrent se répercuter sur la valeur de la monnaie. Le déficit budgétaire, le déséquilibre des échanges extérieurs (par excès des importations de matières premières) conduisent le gouvernement à dévaluer, une fois encore, le franc, le 26 janvier 1948, d'environ 44,45 %. En même temps, la France adopte un système de taux de change multiples, échelonnés, pour le dollar, de 214,39 F (cours officiel pour la moitié du produit des exportations) à 305 F (cours libre pour le solde des exportations). Ce système n'est pas reconnu par le F.M.I. Aussi, à partir du 17 octobre 1948, les devises sont-elles cotées en référence du cours moyen du dollar. En avril 1949, le taux du dollar est porté à 330 F (cours libre).

Après la dévaluation de la livre sterling, le gouvernement français procède, le 20 septembre 1949, à une dévaluation et à un regroupement des taux de change : 1 F représente 2,539 mg d'or, et le dollar, au cours officiel, équivaut à 350 F.

En décembre 1958 le franc est de nouveau dévalué : il vaut 1,80 mg d'or fin. Le dollar égale alors 493,706 F. Pour aligner le franc sur d'autres monnaies européennes, une ordonnance du 27 décembre 1958 prescrit la création, au plus tard le 1er janvier 1960, d'une nouvelle unité monétaire française dont la valeur serait égale au centuple du franc ; le « nouveau franc » (symbole N.F.) [bientôt seul à être appelé « franc » le 1er janvier 1963] vaut 100 F et 180 mg d'or fin.

1959-1999 : du nouveau franc à l'euro

De 1959 à 1969, le franc est stable pour la première fois depuis Raymond Poincaré. Après les événements de mai 1968, le gouvernement décide, le 8 août 1969, de dévaluer, une nouvelle fois, de 12,5 % : le 11 août, 1 F égale 160 mg d'or fin. Cette dévaluation est accompagnée de mesures tendant à réduire le déficit budgétaire et le déséquilibre des échanges extérieurs. Le franc, entré en 1972 dans le serpent monétaire européen (il en sort en janvier 1974 pour le réintégrer en mai 1975 puis le quitter de nouveau en mars 1976), a, par rapport au Deutsche Mark (monnaie dominante de la Communauté) une valeur fluctuante : de 1,7 F.F. (« taux pivot » du D.M. par rapport au franc) de mai 1975 à mars 1976, la contre-valeur du Deutsche Mark est fixée à 2,3 F.F. lors de l'instauration du système monétaire européen (13 mars 1979 : entrée du franc dans le S.M.E.) laissant apparaître à la suite du « flottement » du franc de 1976 à 1979, une dépréciation de fait de cette devise de l'ordre de 33 %. De nouveau, en octobre 1981, en juin 1982 et en mars 1983, trois révisions des taux pivots laissent apparaître une dépréciation du franc par rapport au Deutsche Mark de 8,5 % dans le premier cas, de 9,5 % dans le second et de 8 % dans le troisième. (De 1975 à 1983, le franc perd environ 60 % de sa valeur par rapport à la devise allemande.) En avril 1986, le franc est dévalué de 3 %. Par la suite, le franc se renforce : au début de 1990, il dépasse son taux pivot par rapport au Deutsche Mark au sein du S.M.E. Le 1e janvier 1999, avec l'adoption de la monnaie unique européenne, le franc devient une subdivision de l'euro, nouvelle monnaie officielle de la France (mais qui n'existe encore que sous sa forme scripturale). Le 1er janvier 2002, les pièces et les billets en euros sont mis en circulation ; le franc continue d'avoir cours parallèlement avant de disparaître le 17 février 2002 à minuit. La valeur de l'euro a été fixée à 6,55957 F (0,152 euro pour 1 F).