abrine

Protéine très toxique (lectine) qui a été isolée à partir des graines d'Abrus precatorius, genre de plante grimpante, ligneuse (famille des Fabacées [Légumineuses], sous-famille des Papilionacées), originaire d'Asie du Sud-Est.

Écarlates avec une tache noire autour du hile, les graines très particulières de cette liane (connue en français sous le nom vernaculaire de Liane à réglisse) sont liées à de nombreuses croyances populaires, tant en Inde que dans les autres pays tropicaux où cette plante a été introduite ; en Afrique de l'Ouest, elles ont longtemps servi de poids-étalon et pour la confection des chapelets (d'où l'adjectif precatorius, « relatif à la prière », donné à ce genre d'Abrus) ; plusieurs tribus pensaient qu'elles pouvaient conférer l'invisibilité. Les graines d'Abrus precatorius entrent également dans plusieurs préparations des médecines traditionnelles (notamment en collyre contre la conjonctivite granuleuse et le trachome) ; leur grande toxicité était utilisée en Inde et en Asie du Sud-Est pour la préparation de flèches empoisonnées.

L'abrine est en effet un toxique extrêmement puissant ; le mécanisme de sa toxicité est le même que celui de la ricine, mais la toxicité de l'abrine est 75 fois plus forte que celle de la ricine.

La molécule d'abrine est constituée de deux chaînes polypeptidiques A et B, reliées par un pont disulfide. C'est la sous-unité A qui est responsable de la cytoxicité ; mais elle n'est active qu'après avoir été internalisée par la cellule ; le rôle de la chaîne B est précisément de permettre à la chaîne A de traverser la membrane cellulaire ; la chaîne B est une lectine spécifique qui facilite la liaison de l'abrine à la membrane cellulaire ; c'est elle qui, en se liant aux récepteurs membranaires des cellules cibles, permet le transport de la toxine à travers la membrane cellulaire. Une fois internalisée, la chaîne A, par catalyse, inactive une sous-unité ribosomale en retirant l'adénine de certains sites de l'ARNr, inhibant ainsi la synthèse protéique.

Cette dernière propriété est utilisée aujourd'hui dans la recherche médicale pour la vectorisation de molécules à visée thérapeutique ; l'abrine (avec la ricine et la robine) avait déjà fait l'objet de recherches de Paul Ehrlich, et ses études sur les toxines bactériennes et les antitoxines lui avaient permis de déduire une méthode de titrage des antitoxines, et en tirer les lois de l'immunité humorale, base de l'immunologie actuelle. L'extrême toxicité de l'abrine et de la ricine et leur relative facilité de production en font potentiellement de dangereux vecteurs dans la guerre chimique.