Yssingelais

GÉOGRAPHIE

À l'est du département de la Haute-Loire, l'Yssingelais est limité grossièrement au nord par la vallée de la Loire, et à l'ouest par le massif du Meygal et ses cônes volcaniques qui le sépare du Velay.

Ce plateau granitique, mollement ondulé et d'altitude moyenne (entre 500 et 1 000 m), est découpé par de petites vallées, comme celles de la Semène ou du Lignon, qui conduisent à la Loire et, par elle, au bassin stéphanois. La région a d'ailleurs toujours eu davantage de relations avec ce puissant voisin qui a impulsé et influencé l'activité artisanale, qu'avec Le Puy-en-Velay.

Entre la Loire et ses deux affluents s'étend, sur une trentaine de kilomètres au sud-ouest d'Yssingeaux, le massif volcanique du Meygal, qui a contribué à détourner cette ville de l'influence ponote (du Puy). Ce vaste ensemble de pointements volcaniques, isolés ou groupés, souvent désignés par le toponyme local « tuc », ont la forme de dômes lourds au sud d'Yssingeaux, de cônes à l'ouest. Ils sont constitués de trachyte, d'andésite et de phonolithe, lave claire se débitant facilement en grandes dalles sonores qui tapissent certains versants en larges « rivières de pierres ». On en tire les « lauzes », utilisées pour la couverture des toitures et la construction des « cabournes », sortes de petites huttes pour les bergers.

Le point culminant du massif du Meygal, le Grand Testavoyre (1 436 m), est désigné par certains habitants comme le « Testo Vouiro », la tête qui s'égrène.

Le Meygal est surtout occupé par une forêt domaniale, plantée à la fin du xixe s., mordant sur plusieurs communes (Araules, Champclause, Queyrières, Saint-Julien-Chapteuil et Yssingeaux). Succédant à l'ancienne forêt, rasée sous Richelieu pour la construction navale, elle est composée essentiellement d'essences de pins (sylvestre, montana, d'Alsace, etc.).

ÉCONOMIE

L'Yssingelais a eu pendant longtemps une forte tradition artisanale, notamment autour du textile. Les modes et les progrès techniques ont mis fin à cette activité, mais le pays a su rebondir sur de nouvelles industries, et principalement la fabrication des plastiques.

Les hommes

Sur ces pentes raides, aux sols maigres, il a fallu épierrer. Les murettes et les terrasses témoignent des difficultés des agriculteurs pour mettre en valeur cette terre ingrate, qui a subi une lourde hémorragie humaine depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La déprise agricole a été forte dans cette région qui connaissait encore, à la veille de la Première Guerre mondiale, des densités supérieures à la moyenne française (80 habitants/km2). Ce n'est certes pas une médiocre polyculture qui a permis ces densités humaines, mais la diffusion, à partir de Lyon et de Saint-Étienne, d'une activité industrielle qui a favorisé le genre de vie mixte d'ouvrier-paysan et le développement d'un salariat industriel.

La diversification de l'activité paysanne

Très tôt, dans ces campagnes, on a fabriqué rubans et soieries, articles de quincaillerie et pièces mécaniques, les fabricants-donneurs d'ordres (des négociants, en fait) distribuant la matière première et collectant les produits finis. Dans de nombreuses fermes se trouvaient des métiers à tisser. Pour avoir plus de lumière il fallait agrandir les fenêtres, constituer des éclairages, et parfois percer les plafonds. Avant l'introduction de l'électricité, on devait « barrer à bras ». Pour ce faire, tous les membres de la famille se relayaient de quinze à seize heures par jour. Certains passementiers sont devenus propriétaires de leurs métiers et se sont orientés vers le travail à façon. Ces activités ont malheureusement été touchées par de nombreuses crises cycliques (1900, 1921, 1929, 1950) ; au ruban succéda le foulard de soie, lui-même détrôné par l'écharpe de laine. Cette diversification de l'activité paysanne s'est maintenue jusque dans les années 1960, mais a été condamnée par la crise du textile et l'évolution de l'économie agricole.

Ainsi, progressivement, l'Yssingelais a vécu une intense émigration, essentiellement au profit du bassin stéphanois et de la métropole lyonnaise, et un vieillissement prononcé de sa population. L'économie agricole s'est orientée vers la production laitière, la forêt a gagné du terrain ; elle occupe les sommets des buttes, tandis que les prairies se localisent sur les terroirs plats et les fonds de vallées.

Une industrie florissante

Mais, depuis le milieu des années 1960, la tendance s'est inversée, la région connaissant un regain d'activité grâce à l'industrie des plastiques. L'introduction, d'abord fortuite, de cette industrie, allait faire de cette région, notamment autour de la commune de Sainte-Sigolène, le premier centre de production des films plastiques de France (près de 30 % de la production nationale).

L'Yssingelais a ainsi peu à peu conquis son identité. Les courants migratoires se sont inversés et c'est, après le bassin de Thiers avec lequel elle a beaucoup de similitudes, la zone d'Auvergne où l'industrie occupe la place la plus importante puisqu'elle regroupe 43 % de la main-d'œuvre travaillant dans le bassin. Ici, point de grosses usines mais une multitude de petites et moyennes entreprises, les plus importantes ayant entre deux cent cinquante et cinq cents salariés. Ce remarquable essor, dans une région à l'écart des axes de communication et au climat rigoureux en hiver, trouve son origine dans le tissu social, associant la tradition d'entreprise, le dynamisme du patronat local, son goût pour l'innovation et le savoir-faire de la main-d'œuvre. Certaines de ces entreprises se sont orientées vers des productions de prestige et de luxe.

L'Yssingelais est la région d'Auvergne qui, avec celle de Clermont-Ferrand, a connu la plus forte croissance de population, grâce à un excédent migratoire, et maintenant grâce à une résorption du déficit naturel. Cette zone demeure tournée vers Saint-Étienne, mais en retour, les Stéphanois et même les Lyonnais y multiplient aujourd'hui les résidences secondaires, séduits par le charme des vieilles demeures paysannes aux murs de granit et aux toits de lauzes abandonnées par les anciens ruraux.

L'influence catholique

Cette zone, au contact des pays protestants voisins, a été un domaine de la résistance de l'Église catholique au xvie s., sous la houlette de la Compagnie de Jésus. Un des aspects de cette offensive fut ensuite le développement de l'enseignement, grâce en particulier à l'action des Frères des écoles chrétiennes, mais aussi des religieuses de l'Instruction, les béates. L'enseignement catholique est aujourd'hui encore fortement implanté dans cet arrondissement. Faut-il voir dans cette stratégie offensive du catholicisme, dans cette action d'un clergé nombreux et prosélyte, les marques et les racines de comportements électoraux majoritairement conservateurs depuis le début du xixe s. ? Toujours est-il que le vote traditionnel de cette région est solidement tourné, depuis cette période, vers la droite catholique, même si d'autres facteurs, comme les structures sociales et économiques, ont eu un rôle non négligeable.