Mali : histoire

Mali, statuette de femme
Mali, statuette de femme

L'espace aujourd'hui occupé par le Mali contemporain, indépendant et souverain depuis 1960 dans des contours fixés en 1944, n'a jamais connu d'unité politique en tant que tel avant la colonisation française. En revanche, plusieurs royaumes et empires successifs ont gouverné cet espace entre le viie siècle et le xixe siècle. La région fut en contact étroit avec les mondes méditerranéen, arabe et atlantique pendant tout le Moyen Âge et l'époque moderne, tant du point de vue commercial que militaire, intellectuel ou religieux.

1. Avant l'arrivée des Arabes

La période antérieure au viie siècle est mal connue en dépit de nombreux vestiges qui témoignent d'une occupation humaine très ancienne, remontant au paléolithique : villages et villes fortifiés (IVe-IIIe millénaire avant J.-C.) sur l'escarpement entre Tichit et Oualata (actuelle Mauritanie), ville de Djenné-Djenno (attestée dès le iiie siècle avant J.-C.).

À l'époque romaine, le dromadaire venu d'Orient est introduit dans le Sahara occidental où il devient, après le cheval et les chars, un acteur clé des débuts du commerce transsaharien.

2. Le Moyen Âge : commerce et empires (viie-xive siècles)

2.1. Tekrour

Dès avant le viie siècle et l'arrivée des Arabes en Afrique du Nord, des mouvements de population existent à travers le Sahara, mêlant des peuples nomades du désert (Garamantes du Fezzan, Berbères Sanhadjas, Maures) aux populations noires autochtones. Des routes de commerce transsaharien assurent un lien irrégulier avec le Maghreb, mais, jusqu'au début du ixe siècle, la traversée du Sahara reste dangereuse pour les marchands qui s'y aventurent. Cela n'empêche pas l'émergence de villes comme centres artisanaux et commerciaux : Koumbi-Saleh (actuelle Mauritanie) au ve siècle, Niani (actuelle Guinée) au vie siècle et Aoudaghost (actuelle Mauritanie) à la fin du viiie siècle. Celle-ci devient la capitale d'un royaume afro-berbère qui s'étend jusqu'à Awlil sur l'Atlantique, Tekrour (ou Tekrur) et Silla sous l'autorité des rois sanhadjas Tiklan et Tin Yeroutan Tiloutan (vers 836). Le secteur du Ghana, à l'est, lui échappe toujours.

2.2. Le royaume puis empire du Ghana (viiie-xiiie siècles)

Le « pays de l'or »

Ce royaume de Ghana se constitue autour de plusieurs centres urbains. Il est décrit dès le viiie siècle par les géographes arabes comme le « pays de l'or ». Il est fondé au iiie-ive siècle. En 734, il est en mesure de résister à une expédition militaire omeyyade et il atteint son apogée au xie siècle sous la dynastie des Cissé Tounkara. Sa capitale, Koumbi-Saleh, est à la tête d'un État qui s'étend du moyen Sénégal au sud de la Mauritanie.

Il s'agit d'une fédération de royaumes tributaires où le souverain, animiste, concentre les pouvoirs religieux, militaire et judiciaire. Il gouverne avec un Grand Conseil constitué de ministres, d'affranchis et de fils de rois vaincus retenus à la cour. La prospérité du royaume est liée au commerce de l'or du Bambouk, du Galam et du Bouré dont le roi a le monopole, mais aussi à de bonnes conditions climatiques favorisant l'agriculture et l'élevage, ainsi qu'à sa situation géographique au croisement des routes du commerce transsaharien de l'or, du sel et des esclaves.

L'animisme d'État n'interdit pas le début de la diffusion de l'islam, y compris parmi les gens de la cour et le personnel de l'administration, en particulier chez les interprètes. Cependant le Ghana constitue un verrou qui bloque la diffusion de l'islam à laquelle poussent le commerce et la venue de marchands islamisés.

L'islamisation

En dépit de sa puissante armée (fantassins, archers et cavaliers), le royaume ne résiste pas aux assauts des nomades berbères puis des Arabes, qui fragilisent la région à partir de 1042. Les Almoravides venus du Maroc prennent Koumbi-Saleh en 1076. Le choc, bien que bref, laisse des traces durables. Il est à l'origine de l'islamisation forcée d'une partie de la population, alors que certains groupes préfèrent fuir pour rester animistes.

Les royaumes tributaires du Ouagadou, du Dyara, du Galam et les Sossos animistes du Kaniaga reprennent leur indépendance. Le Ghana se reconstitue sur une étroite base territoriale avant de tomber sous le joug du royaume du Kaniaga en 1203, puis du Mali. Sa capitale, Koumbi-Saleh, perd son activité commerçante au profit de Djenné, Gao et Tombouctou plus à l'est.

Pour en savoir plus, voir l'article empire du Ghana.

2.3. L'État songhaï

Ces deux dernières villes sont au cœur du petit Empire songhaï fondé au viie siècle à Koubiya sur le fleuve Niger. Il rivalise de prospérité avec l'empire du Ghana tout au long du xie siècle.

L'un de ses rois, Dia Kossoï, fixe la capitale à Gao, en 1009, avant de se convertir à l'islam en 1010, même si la majorité de ses sujets reste animiste. Il reste indépendant jusqu'au début du xive siècle, où il est soumis par la nouvelle puissance impériale régionale, le Mali, alors à son apogée.

2.4. L'empire du Mali

C'est des chefferies mandées soumises au royaume sosso du Kaniaga que vient l'initiative d'une nouvelle recomposition régionale (fin xiie siècle-fin xive siècle). Les Sossos dominent la région depuis 1180 : sous le règne de Soumaoro Kanté, ils contrôlent la région de Bamako, le Ouagadou, l'ancien Ghana et les chefferies mandées. Or, ces chefferies supportent mal le joug des Sossos animistes qui s'opposent à l'islam et à l'esclavage. C'est un prince mandé, Soundiata Keita, qui prend la tête du soulèvement en 1220 contre Soumaoro. La victoire est seulement acquise en 1335, car les Sossos sont puissamment armés.

L'empire du Mali est fondé au xiiie siècle ; il s'étend largement entre la moyenne vallée du fleuve Sénégal et l'Empire songhaï. La ville de Koumbi-Saleh est détruite en 1240 pendant les premières conquêtes. Une vague de conquête plus tardive est conduite par Sakura, un usurpateur qui restaure la stabilité de l'empire (1298-1307 ou 1308) et conquiert le Macina, Gao, le Tekrour et des oasis du Nord touareg. Un auteur arabe, al-Umari (1348), décrit le Mali comme une fédération de treize royaumes « gouvernés par des rois de chez eux sous la dépendance du souverain du Mali ».

L'organisation politique et sociale de l'empire du Mali est attribuée à Soundiata Keita (mort en 1255). Le Mansa, son roi, est assisté d'un gouvernement (ses compagnons de combat, des lettrés africains des clans maraboutiques et des marchands étrangers) et de Farin (ou Farba), les gouverneurs des provinces de l'empire. La couronne doit rester dans sa famille et la société est divisée en 5 clans maraboutiques, 16 clans d'hommes libres et 4 clans d'artisans dont les griots. Son griot Bala Fasseké compose son épopée, fondant ainsi la musique classique mandée dont il invente les instruments.

L'islamisation progresse, essentiellement en milieu urbain, sous le règne de Soundiata et ceux de ses successeurs, sous la forme d'un islam militant (islamisation des noms de famille et des pratiques sociales, transformation des règles de succession en faveur du père, codification restrictive de la place des femmes dans la société). L'importation des codes juridiques associés à l'islam conforte le pouvoir et deux Mansa affichent leur foi lors de fastueux pèlerinages à La Mecque : le Mansa Wulen (1260-1277), mais surtout le Mansa Kankou Moussa (1312-1337), rendu célèbre par la description (1336) que fait al-Umari de son voyage.

Le Mali, situé au débouché des routes du commerce transsaharien et des routes de l'or venues du Sud, est structuré par un réseau de villes prospères (de 7 000 à 8 000 habitants). La fortune du Mansa repose sur la production agricole de plantations esclavagistes, le commerce de l'or et des esclaves et un artisanat dynamique.

À la fin du xive siècle, l'empire connaît le sort des empires trop vastes. Les Mansa Mari Jata II (1360-1373) et Moussa II (1387-1388) sont confrontés à la révolte des marges vassalisées. Les coups sont portés par les Mossis (actuel Burkina Faso), le Tekrour et les Touareg mais surtout par Ali Kolen, prince otage ayant fuit la cour de Kankou Moussa en 1337, et qui libère l'Empire songhaï de Gao-Koubiya du joug malien. La capitale, Niani, est détruite en 1400 par le roi Sonni Ma Dogo.

Pour en savoir plus, voir l'article empire du Mali.

3. L'Empire songhaï, dernier empire commerçant (xive-xviiie siècles)

3.1. La dynastie des Sonni : Sonni Ali Ber

Ce royaume songhaï s'affirme au xive siècle sous la dynastie des Sonni fondée par Ali Kolen. Il connaît une stabilité de près de trois cents ans, en dépit d'un changement de dynastie en 1492. Sa puissance repose sur la prospérité marchande de ses villes (Tombouctou, Gao), une économie fortement dépendante de l'esclavage (grandes fermes d'État, domaines fonciers privés), le contrôle des mines de sel de Teghazza, le rayonnement intellectuel de ses universités (Tombouctou, Tendirma, Djenné), son organisation politique et son armée.

L'expansion du royaume commence en 1464 avec l'avènement de Sonni Ali Ber. Parti de Gao, il libère Tombouctou de la tutelle touareg (1468), prend Djenné – point d'arrivée de l'or du Bouré et du sel du Sahara (1473) –, élimine les Peuls du Macina, combat les Mossis du Yatenga et les Peuls du Gourma, par lesquels il sera tué en 1492. Musulman kharidjite, il entre en conflit avec les lettrés de Tombouctou, qu'il n'entend pas associer au pouvoir. Il est perçu à ce titre comme un anticlérical impie ; c'est un souverain cruel et redouté, mais les textes saluent cependant son efficacité militaire. Le règne de son fils, Sonni Bakary, est interrompu par le coup d'État du général Mohammed Touré en 1492.

3.2. Les Askia

L'Askia Mohammed (1492-1528) fonde la dynastie des Askia et poursuit l'expansion de l'Empire. Son règne inaugure un siècle de bonnes relations entre le pouvoir et les ulémas de Tombouctou qui renforce la stature de capitale intellectuelle du monde musulman. Il commence avec un pèlerinage à La Mecque en 1496-1497 et s'entoure de lettrés venus du Caire ou de Fès. Sa fin est troublée par les rivalités (1528-1537) entre ses fils et neveux. Il est un temps exilé, car aveugle, avant de céder son or et les symboles du pouvoir à son fils Ismaël (1537-1539).

Pour en savoir plus, voir les articles Empire songhaï, Peuls.

3.3. Le déclin de l'Empire songhaï

À partir du milieu du xvie siècle, les Askia – à leur apogée – sont fragilisés par les ambitions marocaines sur les salines de Teghazza. La menace se précise à partir de 1578 avec l'avènement de Mulay Ahmad al-Mansur et l'interruption de l'exploitation du sel en 1584 est un rude coup pour Tombouctou. Le conflit avec le sultan du Maroc s'achève par la défaite de Tondibi (au nord de Gao), le 12 avril 1591, qui entraîne la désagrégation de l'Empire songhaï. Dès 1592, des pachas marocains se succèdent sur le trône de Tombouctou, d'où ils gouvernent la région sans plus de référence au Maroc à partir de 1660. Ils sont d'abord recrutés parmi les Marocains puis ce sont des métis, les Arma, qui accèdent au trône.

Ces événements coïncident avec le développement du commerce atlantique, qui, sous la conduite des Européens, supplante progressivement les échanges transsahariens. Les villes commerçantes déclinent et, en 1737, après des décennies de pouvoir illégitime, les Touareg se substituent aux Marocains et s'installent à Tombouctou. Les royaumes qui se constituent sur les ruines songhaï s'adonnent principalement aux razzias pour alimenter le trafic des esclaves et contribuent à l'insécurité régionale.

4. Le déclin soudanien et la conquête coloniale

4.1. Cheikhou Amadou, El-Hadj Omar et Samori Touré

Leurs comportements peu respectueux des principes de l'islam sont à l'origine d'une réaction religieuse menée par le Peul Cheikhou Amadou (1818-1844), qui fonde un État théocratique, l'empire du Macina.

Un peu plus tard, un autre chef religieux, El-Hadj Omar, originaire du Sénégal, s'implante dans la région de Ségou, où il fonde un vaste empire sur le modèle du califat de Sokoto. Le sud du Mali actuel est à la même époque soumis par le chef malinké Samori Touré.

La France bénéficia de cette division pour imposer la loi coloniale. Les premières explorations européennes connues datent de la fin du xviiie siècle : l'Écossais Mungo Park est suivi, notamment, par le Français René Caillié, qui atteint Tombouctou en 1828.

4.2. La conquête française et la création du Soudan français

La conquête française s'effectue à partir de l'Ouest, sous l'impulsion du général Faidherbe, gouverneur du Sénégal, et de Joseph Gallieni, futur maréchal de France. Elle donne lieu à plusieurs missions militaro-diplomatiques à partir de 1863, et s'achève en 1898 avec la prise de Sikasso.

Plus à l'Est, la conquête se poursuit. La mission Voulet-Chanoine en 1899 s'accompagne d'un bain de sang : le 2 mai 1899, les habitants du village de Birni N'Konni (Niger) sont massacrés. La violence des deux officiers est telle que le gouvernement français entreprend d'y mettre un terme ; ils sont tués en juillet 1899 par leurs propres soldats après avoir éliminé le colonel Klobb venu de Tombouctou pour les arrêter.

Samori Touré, de son côté, est définitivement défait la même année dans le cadre des conquêtes de la Guinée et de la Côte d'Ivoire. Le territoire ainsi conquis est d'abord dénommé « Haut-Sénégal-Niger » avant de devenir le Soudan français. Son chef-lieu est Kayes, puis Bamako (1907). Il fait partie de l'Afrique-Occidentale française (A-OF), créée en 1895.

Divers aménagements de frontières interviennent avec la Haute-Volta (1922 et 1945) et la Mauritanie (1945). La construction du chemin de fer, conçu comme un outil de conquête dès les années 1850, s'achève en 1924. La ligne de télégraphe qui longe la voie est aussi un précieux auxiliaire de l'armée. L'Office du Niger est chargé de l'exploitation économique de la colonie. L'enseignement est largement ignoré.

Au cours des deux guerres mondiales, les « Soudanais » fourniront d'importants bataillons de tirailleurs sénégalais, et le souvenir de leur contribution nourrira les revendications nationalistes des années 1950.

Pour en savoir plus, voir les articles colonisation, Empire colonial français.

5. Modibo Keita et l'accession à l'indépendance (1960-1968)

La marche vers l'indépendance est marquée par la personnalité de Modibo Keita, instituteur formé à l'école William Ponty de Dakar, cofondateur de l'Union soudanaise rattachée au Rassemblement démocratique africain (US-RDA), parti multiterritorial dominé par l'Ivoirien Félix Houphouët-Boigny.

Modibo Keita est considéré comme un dangereux agitateur par la puissance coloniale, qui lui fait subir diverses brimades. Sa brillante carrière politique locale est complétée en 1956 par un siège à l'Assemblée nationale à Paris, dont il devient le premier vice-président africain. Idéaliste, il prône un socialisme humaniste à l'africaine.

5.1. L'accession à l'indépendance

Après la loi-cadre de 1956 (→ Gaston Defferre), Modibo Keita défend l'idée d'une grande fédération, que combat vigoureusement Houphouët-Boigny, et doit se limiter à mettre en place – avec le seul Sénégal de Léopold Sédar Senghor – la Fédération du Mali. Celle-ci éclate dès le 20 août 1960, deux mois seulement après l'indépendance, acquise en commun.

Le 22 septembre, le Soudan français devient la République du Mali, et Modibo Keita est élu à la présidence. L'US-RDA domine très largement la vie politique malienne, devenant de fait le parti unique. Le gouvernement élabore un plan quinquennal très ambitieux qui donne un rôle moteur au secteur public. Sans rompre avec la France, il crée sa propre monnaie, le franc malien, et sort de l'ensemble monétaire ouest-africain (1962).

5.2. Le renversement de Modibo Keita

Le Mali développe ses relations avec l'URSS et la Chine populaire. Les résultats de cette politique ne sont pas à la mesure des espoirs qu'elle a suscités, et le gouvernement se heurte notamment à une forte résistance des riches commerçants maliens. Des tiraillements internes au pouvoir amènent Modibo Keita à créer, en 1967, un Comité national de défense de la révolution et à suspendre l'Assemblée nationale.

La même année, avec l'accord et le soutien de la France, le franc malien est dévalué de 50 % en prévision d'un retour au franc CFA, ce qui entraîne une réaction négative des salariés, dont les revenus ont été brutalement amputés.

Le 19 novembre 1968, Modibo Keita est renversé par un groupe de jeunes officiers dirigés par le lieutenant Moussa Traoré. Emprisonné, le président déchu meurt en 1977, sans avoir été libéré.

6. Moussa Traoré et la marche vers la dictature (1968-1991)

6.1. Un régime autoritaire…

Le nouveau régime, qui promet un retour à un régime civil dans un délai de six mois, suspend la Constitution et interdit les partis. Le Comité militaire pour la libération nationale (CMLN), présidé par Moussa Traoré, exerce le pouvoir.Une nouvelle Constitution est adoptée en 1974 et, deux ans plus tard, est fondée l'Union démocratique du peuple malien (UDPM), qui devient bientôt parti unique.

Le retour à un régime civil, toujours promis, est régulièrement repoussé et les élections organisées par le pouvoir donnent invariablement la victoire à M. Traoré avec plus de 99 % des voix. Mais la sécheresse des années 1970 et 1980 touche très durement le pays. Des dissensions se manifestent périodiquement au sein du CMLN, auxquelles le général Traoré répond par des arrestations. En 1980, la répression d'une émeute à Bamako déclenchée par la mort en prison d'un leader étudiant fait 18 morts.

Sur le plan économique, le régime de Moussa Traoré adopte une orientation libérale, très lentement mise en œuvre. Le retour au franc CFA, accompagné de la réintégration du Mali au sein de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), finit par devenir effectif en 1984.

En décembre 1985, un problème de frontière avec le Burkina Faso, qui devait être soumis à la Cour internationale de justice (CIJ), dégénère en conflit armé. Une nouvelle frontière est instaurée un an plus tard.

6.2. …et contesté

De plus en plus contesté et accusé de corruption, le général Traoré oppose la manière forte aux manifestations qui se multiplient à partir de 1990. De janvier à mars 1991, celles-ci tournent régulièrement à l'émeute et gagnent l'ensemble des villes du pays. La répression, qui fait plusieurs centaines de morts, principalement parmi les jeunes, pousse un quarteron de militaires, commandé par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré à renverser Moussa Traoré, ses ministres ainsi que les principaux responsables du parti (26 mars).

7. Une démocratisation sous tension (1991-)

7.1. La transition politique (1991-2002)

Le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré prend la tête d'un Comité de transition pour le Salut du peuple, tout en promettant de rendre le pouvoir aux civils au terme d'une année.

La transition politique s'ouvre par la mise en place d'un gouvernement auquel sont associés des représentants des mouvements ayant mené la lutte contre la dictature. Elle se poursuit par l'organisation en juillet-août 1991 d'une Conférence nationale qui adopte de nouvelles institutions et à laquelle participent les partis politiques immédiatement autorisés.

Président de l'Adéma (Alliance pour la démocratie au Mali), l'universitaire et historien Alpha Oumar Konaré remporte l'élection présidentielle d'avril 1992, marquée par une forte abstention (plus de 70 %) à chacun des deux tours, en partie du fait du retrait volontaire du très populaire Amadou Toumani Touré, surnommé « ATT ».

Alpha Oumar Konaré fait preuve de clémence à l'encontre de l'ancien dictateur Moussa Traoré, qui, condamné à mort en février 1993, voit sa sentence non exécutée. De même, son ministre de la Défense est gracié en décembre 1997.

Les législatives et la présidentielle de 1997 renforcent le rôle central de l'Adéma. Mais l'avant-scrutin est marqué par un vif débat constitutionnel autour de la réforme du Code électoral, de la composition de la commission électorale et des modalités du scrutin législatif d'avril. Le caractère démocratique du régime malien est alors illustré par l'annulation des législatives d'avril qui s'étaient déroulées dans un climat très tendu : il y eut des morts lors de manifestations et certains leaders d'opposition furent brièvement arrêtés. En dépit de cette victoire juridique, l'opposition boycotte le second scrutin en juillet pour discréditer le processus.

Cependant, pouvant se prévaloir d'un bilan globalement satisfaisant, tant sur le plan économique que politique, Alpha Oumar Konaré est réélu à une très forte majorité en mai 1997, même si le taux d'abstention est toujours considérable. L'écrasante victoire de l'Adéma est contestée par l'opposition, qui se radicalise au fur et à mesure qu'elle est marginalisée au niveau institutionnel.

7.2. La permanence de la question touareg

L'accord de Tamanrasset (1991) et le pacte de réconciliation nationale (1992)

Au nord du Mali – zone de contact entre l'Afrique saharienne et subsaharienne – cohabitent, avec des métissages, des populations blanches, d’origine berbère et arabe, et noires ; des nomades, des semi-nomades et des sédentaires, pratiquant l’élevage, l’agriculture ainsi que la pêche. Les éleveurs sont avant tout Touareg, maures et Peuls, tandis que l’agriculture est l’activité dominante des Songhaï mais aussi de Touareg sédentarisés.

Représentant moins de 10 % de la population malienne, les Touareg maliens – des blancs mais aussi des noirs dont les Bellahs (descendants d’esclaves ou d’affranchis) ainsi que des métis –, aspirant à l'autonomie de leur territoire (qu'ils appellent Azawad) et reprochant à l'État central de les délaisser, l'affrontent régulièrement par les armes. Les gouvernements de Modibo Keita puis de Moussa Traoré ont tenté d'enrayer les rébellions de 1962-1964 et de 1990 par la répression. En vain.

Un premier pas vers la paix semblait être atteint avec l'accord de Tamanrasset (janvier 1991), reconnaissant une « spécificité culturelle touareg » et prévoyant l'autonomie des régions de Kidal, Gao et Tombouctou. Mais la reprise des violences, la chute de Moussa Traoré et les divisions de la rébellion en plusieurs mouvements le rendirent caduc.

La transition démocratique a permis la reprise de négociations qui ont débouché sur le pacte de réconciliation nationale signé à Bamako en avril 1992 par le gouvernement provisoire malien d'ATT et les Mouvements et Fronts unifiés de l'Azawad (MFUA). Cet accord a conduit notamment au désarmement (lors de la « flamme de la paix » en mars 1996 à Tombouctou) et à l'intégration de plusieurs milliers de combattants dans des structures militaires et civiles.

7.3. Amadou Toumani Touré ou la politique du « consensus » (2002-2012)

Lors de l'élection présidentielle de 2002, vingt-quatre candidats sont en lice ; la victoire revient à Amadou Toumani Touré (« ATT »), sans parti, qui obtient 64,34 % des suffrages devant Soumaïla Cissé, candidat de l'Adéma, 37,5 %.

« ATT » réussit à maintenir un climat consensuel sur le plan politique et social.

Réorganisation de l'opposition

Divisée, l'opposition n'est pas en mesure de gagner les élections, malgré ses tentatives pour se réorganiser. Soumaïla Cissé fonde avec 17 députés d'horizons divers l'Union pour la République et la démocratie (URD) en juin 2003 ; l'URD devient la troisième force parlementaire malienne derrière l'Adéma et le Rassemblement pour le Mali (RPM) d'Ibrahim Boubacar Keita, président de l'Assemblée nationale.

La réorganisation de l'espace politique se poursuit en 2004, à l'occasion des élections municipales, avec la création du Parena (parti pour la Renaissance du Mali) de Tiébilé Dramé, dans le but de favoriser un « renforcement des contre-pouvoirs », et du Bloc des alternatives pour le renouveau africain (BARA) de Yoro Diakité. Mais « ATT » parvient à neutraliser les opposants en les associant au gouvernement.

En dépit d'un très faible taux de participation, « ATT » est réélu en avril 2007 avec 71,20 % des suffrages. Les élections législatives qui suivent la présidentielle conduisent à la formation de deux coalitions électorales : l'Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), qui regroupe 12 partis dont l'Adéma, soutient le président Touré et l'emporte largement (127 sièges sur 147). Le RPM d'Ibrahim Boubacar Keita et le Parena, rassemblés au sein du Front pour la démocratie et la république (FDR), n'obtiennent que 15 députés.

L'islamisation rampante de la société

La politique du « consensus » menée par le président Touré s'apparente davantage à un abandon de la question sociale, rapidement récupérée par les religieux, comme en témoigne le retrait du code de la famille progressiste à l'appel des organisations musulmanes en août 2009.

Le Nord du Mali : poudrière islamiste

Dans le nord du pays, la situation sécuritaire connaît une sensible dégradation avec la multiplication, depuis 2007, des enlèvements de ressortissants étrangers par la branche al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), issue de l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. La décision des autorités maliennes de libérer quatre islamistes réclamés par AQMI en échange de la libération de l'otage français Pierre Camatte (23 février 2010) suscite la colère de l'Algérie et de la Mauritanie d'où sont originaires les islamistes. Les Occidentaux, quant à eux, reprochent au président malien de ne pas mener une lutte assez vigoureuse contre les islamistes, en dépit de l'aide logistique fournie par les États-Unis et la France.

7.4. De la reprise du conflit touareg (2006) au coup d'État de 2012

L'accord d'Alger

Déçue par les espoirs qu'avait suscités le processus de paix de 1992-1996, la rébellion touareg reprend. Le 23 mai 2006, les rebelles lancent un assaut contre des casernes de Kidal et de Ménaka et crée l'Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (ADC). Évitant de la qualifier de « rébellion », « ATT » accepte la proposition de médiation algérienne sollicitée par l'ADC ; en échange de l'engagement du gouvernement malien à accélérer le développement des trois régions du nord du Mali, les rebelles renoncent à l'obtention d'un statut spécial (accords d'Alger, juillet 2006). L'Alliance Touareg Niger-Mali (ATNM, créée en 2007) rejette cependant ce compromis et reprend la lutte.

Après une nouvelle offensive malienne contre les groupes les plus récalcitrants, les parties semblent s'orienter vers une reprise des négociations en 2009, au moment du lancement du Programme spécial pour la paix, la sécurité et le développement au Nord-Mali (PSPDN) par le pouvoir malien.

Naissance du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA)

Le retour au Mali de mercenaires touareg – puissamment armés et fuyant les combats en Libye dans les dernières phases de l'effondrement du régime de Khadafi (juillet-octobre 2011) – donne naissance au Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), né à l'automne 2011 de la fusion de plusieurs groupes touareg. Menaçant depuis décembre de passer à l'action pour obtenir l'autodétermination de l'Azawad, le MNLA lance en janvier-février 2012 ses offensives contre plusieurs localités, dont Tin Zawatène à la frontière algérienne, et Ménaka, près de la frontière nigérienne.

Le putsch du 22 mars 2012

Le 22 mars 2012, un groupe d'officiers subalternes (dirigé par le capitaine Amadou Sanogo) renversent le président ATT, qu'ils accusent d'incompétence et de mollesse face à la rébellion touareg. Les putschistes, réunis dans un Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'État (CNRDRE) et après avoir suspendu toutes les institutions, sont rapidement dépassés par la situation et isolés : les investisseurs étrangers interrompent leur aide, la CEDEAO menace les putschistes de sanctions. À l'intérieur, une coalition d'une quarantaine de partis politiques et de mouvements de la société civile exigent le rétablissement des institutions afin d'organiser des élections. À cela s'ajoute l'offensive en cours du MNLA, qui, profitant de la vacance du pouvoir pour poursuivre son offensive-éclair, s'empare successivement de Tombouctou, Gao et Kidal, avant de proclamer, le 6 avril, l'indépendance de l'Azawad (reconnue par aucune institution ni aucun État).

Le Nord aux mains d'islamistes « djihadistes »

Le MNLA se trouve lui-même aux prises avec des groupes armés d’AQMI et, issu de ce dernier en 2011, avec le MUJAO (Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest) qui détiennent par ailleurs plusieurs ressortissants algériens et français enlevés au Mali ou au Niger entre 2010 et 2012.

Au côté de ces deux organisations considérées comme terroristes par les Nations unies, une faction menée par un ex-chef de la rébellion touareg des années 1990, converti au salafisme et prônant l’extension de la charia à l’ensemble du Mali, donne naissance en mars 2012 au groupe Ansar Dine (les « défenseurs de la foi »).

À partir du mois de juin, ces différents groupes « djihadistes » parviennent à l’emporter et à se rendre maîtres de Gao, Tombouctou et Kidal. La charia est appliquée de manière particulièrement obscurantiste et brutale ; de célèbres mausolées de saints soufis sont détruits et les populations sont soumises aux exactions des miliciens.

Un État failli

Alors que toute la région sahélo-saharienne se trouve ainsi déstabilisée et l’intégrité territoriale du Mali menacée (plus de 412 000 habitants sont contraints de fuir le Nord du pays), les putschistes acceptent en avril 2012, sous la pression de la CEDEAO, de restituer le pouvoir aux civils. Après la démission officielle du président Touré, le président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, est investi à la tête de l'État pour une période transitoire. À l'issue de négociations menées entre dirigeants politiques et militaires et avec la médiation conjointe du Burkina-Faso et de la CEDEAO, Modibo Diarra, un astrophysicien, est chargé de former un gouvernement d'union nationale et d'organiser des élections. Mais en décembre, ce dernier est forcé par le capitaine Sanogo et ses bataillons de démissionner avant d’être remplacé par le médiateur de la République Diango Cissoko.

Ce nouveau coup de force intervient alors que la communauté internationale envisage depuis peu une intervention militaire qui serait menée conjointement par les forces maliennes (préalablement réorganisées et entraînées, en particulier par la France) et par la CEDEAO. Cette option laisse toutefois ouverte la voie des négociations avec les organisations ayant rompu tout lien avec les groupes terroristes. Parallèlement, des discussions entre le MNLA et Ansar Dine (dont une aile semble alors prendre ses distances avec les islamistes les plus radicaux), ont ainsi été engagées à Ouagadougou et à Alger en vue d’une éventuelle solution politique. Le 20 décembre, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 2085 autorisant notamment la création d’une Mission internationale de soutien au Mali (MISMA) sous conduite africaine. Celle-ci n’est cependant pas en mesure d’intervenir rapidement alors que les événements se précipitent.

7.5. L’intervention française et africaine dans le Nord du Mali (2013-)

Rompant subitement avec ses interlocuteurs et revenant sur l’accord accepté à Alger le 21 décembre en vue d’une cessation des hostilités et de l’ouverture de discussions avec Bamako, Ansar Dine lance, avec d’autres groupes « djihadistes », une offensive en direction du Sud, s’emparant de Konna (10 janvier) et menaçant Sévaré, dernier verrou stratégique avant Mopti sur la route vers la capitale.

À la demande du président D. Traoré, la France décide alors d’intervenir. Ses forces aériennes parviennent à stopper l’offensive, des troupes terrestres sont également déployées en soutien de l’armée malienne et des bombardements ciblés sont effectués plus au Nord. Le Conseil de sécurité de l’ONU avalise l’intervention française, l’UE s’engage, plutôt timidement, à apporter un soutien logistique, tandis que la CEDEAO doit également accélérer le déploiement de forces africaines mais demande un appui international plus large. Une Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) est finalement mise en place.

Parmi les pays frontaliers directement concernés par l’implantation des réseaux criminels et terroristes dans l’ensemble de la région – outre le Niger qui envoie des troupes – l’Algérie, auparavant réticente, assure Paris de son soutien en ouvrant son espace aérien aux avions de chasse français et ferme sa frontière. La Mauritanie fait de même.

En quelques jours, dans le cadre de l’opération « Serval », les forces françaises, appuyées par l’armée malienne, reprennent alors les villes tenues par les islamistes parmi lesquelles Gao et Tombouctou. En février, les soldats tchadiens parviennent à sécuriser la région de Kidal. En avril, par la résolution 2100, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) est créée en vue de prendre la relève de la MISMA à compter du mois de juillet. Composée de plus de 10 000 hommes, elle est notamment chargée d’appuyer le processus politique de stabilisation, d’assurer le retour à la sécurité, de protéger les civils, d’acheminer l’aide humanitaire et de permettre le retour des populations déplacées.

7.6. Le processus de stabilisation

En juin, un accord préliminaire est signé par les représentants du gouvernement malien et de deux groupes touareg, le MNLA et le Haut conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), en vue d’un cessez-le-feu et d’une relance des pourparlers de paix. L’élection présidentielle est organisée le 28 juillet. À l’issue d’un scrutin sans heurt et marqué par une forte participation, l’ex-Premier ministre Ibrahim Boubacar Keïta (« IBK »), candidat du Rassemblement pour le Mali (RPM) l’emporte au second tour le 11 août, avec plus de 77 % des voix face à Soumaïla Cissé, de l’Union pour la république et la démocratie (URD), qui reconnaît sa défaite. Le nouveau président entre en fonctions le 4 septembre avant de nommer Oumar Tatam Ly, ancien conseiller spécial du gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), au poste de Premier ministre.

En février 2014, le Mali crée avec le Tchad, le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso, le « G5 des États du Sahel », structure de coordination sur les questions de sécurité et de développement, tandis que la France étend son rayon d’action à ces quatre États à travers l’opération Barkhane, forte de 3 000 hommes, qui remplace la mission Serval en août.

Parallèlement, à la suite de la signature d’un cessez-le-feu en mai, le Mali s’engage, à partir de juillet, avec la médiation de représentants de la communauté internationale conduits par l’Algérie, dans de difficiles négociations avec les divers groupes armés parmi lesquels le MNLA et le HCUA (membres de la Coordination des mouvements de l’Azawad, CMA), ainsi que, dans le camp loyaliste, la Coordination des mouvements et fronts patriotiques de résistance (CM-FPR, réunissant des groupes principalement Peuls et Songhaïs).

Après un troisième remaniement gouvernemental en janvier 2015 avec la nomination au poste de Premier ministre de Modibo Keïta, en première ligne dans les pourparlers, les discussions débouchent sur un accord de principe en mars.

La situation sur le terrain est cependant précaire comme l’illustrent les dissensions au sein de la rébellion touareg et la reprise des combats, en avril-mai, entre des hommes du MNLA et le groupe d’autodéfense Imghad et alliés (Gatia). Ce dernier, soutenu par le pouvoir malien, appartient, tout comme la CM-FPR et une partie du Mouvement arabe de l’Azawad, à la Plateforme des mouvements d’autodéfense.

7.7. Une difficile réconciliation nationale

Le 15 mai 2015, l’accord de paix et de réconciliation nationale est signé à Bamako en présence de représentants de la communauté internationale, mais sans la participation des principaux groupes rebelles de la CMA ; ces derniers finissent toutefois par s’y rallier le 20 juin, après avoir obtenu quelques concessions dont l’arrêt des poursuites contre certains de leurs dirigeants.

L’accord prévoit notamment une décentralisation du pouvoir au profit des régions du nord, dont les populations devront être mieux représentées dans les institutions nationales, la démobilisation des combattants des groupes armés, un redéploiement de l’armée malienne sur l’ensemble du territoire et l’intégration en son sein d’une partie des ex-rebelles. L'intégrité et l'unité territoriale du Mali est sauvegardée mais la diversité culturelle et ethnique du pays est reconnue.

Cet accord peine toutefois à s’appliquer. Outre les attentats contre la MINUSMA en vue de saboter le processus de paix de groupes terroristes liés à AQMI (al-Mourabitoune de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar et Ansar Dine notamment), le désarmement est lent et les dissensions entre la CMA et le Gatia conduisent à plusieurs reprises à des affrontements. Des autorités intérimaires représentant les rebelles et le gouvernement sont néanmoins mises en place à Kidal, Gao, Tombouctou, Ménaka et Taoudénit en février-avril 2017.

Une conférence d’entente nationale organisée à Bamako, en mars-avril 2017 débouche sur une série de recommandations en vue de la pérennisation de la réconciliation, tandis qu’un dialogue avec les djihadistes est même envisagé. Un nouveau gouvernement dirigé par Abdoulaye Idrissa Maïga est censé donner un nouveau souffle à l’application de l’accord. En septembre 2017, un accord de cessez-le-feu est par ailleurs conclu entre la CMA et la plateforme des groupes armés pro-gouvernementaux.

7.8. Une recrudescence des violences

Alors qu’« IBK » est réélu pour un second mandat avec plus de 67 % des voix, en août 2018, à l’issue d’un scrutin contesté par l’opposition et auquel ne participent que 35 % des électeurs, le pays connaît une recrudescence des attaques depuis le début de l’année.

La violence tend à glisser du nord – où la situation sécuritaire reste très précaire – vers le centre du pays, où le djihadisme se mêle et se greffe aux conflits intercommunautaires, entre Dogons et Peuls principalement. La création de milices d’autodéfense conduit à une spirale d’exactions et de représailles particulièrement meurtrières en 2018-2019.

Ce risque d’embrasement contribue à une nouvelle crise gouvernementale en avril 2019. Sixième Premier ministre depuis l’élection d’IBK en 2013, Boubou Cissé tente alors de poser les bases d’un retour à la paix avec le lancement de la « stratégie de stabilisation du Centre ». En juillet, la loi d’entente nationale s’appuyant sur les conclusions de la conférence tenue en avril 2017 et celle établissant les principes fondamentaux de la création, de l'organisation et du contrôle de la zone de développement des régions du nord sont promulguées.

Les retards accumulés dans l’application de l’accord de 2015, dus aux mésententes persistantes entre parties, s’ajoutent au recul de l’État malien – dont témoigne le faible taux de déploiement des agents administratifs en raison de l’insécurité –, alors que les Forces armées maliennes (FAMa) subissent toujours de très lourdes pertes, notamment à la suite d’attaques contre leurs positions (Boulikessi, région de Mopti, en septembre 2019 ; Indelimane, région de Gao, en novembre).

Ces retards desservent par ailleurs également la France, dont l’opération Barkhane (4 500 militaires en juillet 2019) est désormais contestée par une partie de la population. La mort accidentelle de treize soldats français au cours d’une opération d’appui aérien (novembre) met de nouveau en lumière les difficultés rencontrées par les forces militaires (Barkhane, FAMa, MINUSMA, auxquelles s’ajoute depuis 2017 la force conjointe du G5 Sahel) engagées dans la lutte anti-terroriste.

Les pertes militaires sont ainsi l’occasion de soulever la question d’une éventuelle révision de la stratégie internationale dans cette « guerre asymétrique » face à la progression et aux nouvelles tactiques de pénétration de l’islamisme djihadiste dont les raids se sont multipliés dans la zone des « trois frontières » et menacent désormais le Burkina.

Au plan politique, la relance par le président malien d’un « dialogue inclusif » à partir d’octobre 2019, auquel l’opposition est invitée à participer, est accueillie avec scepticisme.