Crète

en grec Kríti

Crète, Akrotiri
Crète, Akrotiri

Île grecque de la Méditerranée orientale, limitant au S. la mer Égée.

  • Superficie : 8 336 km2
  • Population : 621 340 hab. (recensement de 2010)
  • Nom des habitants : Crétois
  • Ville principale : Iráklion

GÉOGRAPHIE

Longue et étroite, la Crète constitue l'un des chaînons de l'arc montagneux reliant le Péloponnèse à l'Anatolie; elle est la pièce maîtresse de l'arc insulaire qui, par Cythère, la Crète, Kassos, Carpathos et Rhodes, établit une ligne de démarcation entre la mer Égée et la Méditerranée et une chaîne de liaison entre le Péloponnèse et l'Asie Mineure. La Crète forme dans l'arc égéen un jalon remarquable par ses manifestations sismotectoniques récentes lisibles dans le tracé et le profil des côtes, le morcellement des plaines, la vigueur des escarpements montagneux. Les plaines sont étroites, discontinues et morcelées : plainettes littorales, poljès ou dépressions tectoniques, dont la plus vaste, celle de la Messará, au sud, ne mesure que 30 km sur 10.

L'extrémité occidentale est formée de schistes ravinés mais pour l'ensemble de l'île, l'ossature du relief est constituée par trois masses montagneuses culminant à plus de 2 000 m, dont les hautes murailles dentelées se dressent au-dessus de talus d'éboulis : à l'ouest les Lefká Óri (Montagnes Blanches), 2 452 m ; au centre les monts Psilorítis (ou Ida) qui culminent au mont Ida à 2 456 m ; à l'est le mont Lisithiatika (ou Dhikti [Dicté]), 2 148 m. Ces montagnes calcaires sont taraudées en profondeur par le travail de taupe des eaux souterraines et en surface par des dépressions fermées dont les plus grandes sont de hautes plaines intérieures abritant champs et villages. Les innombrables grottes cachées dans ces reliefs jouèrent tout au long de son histoire un très grand rôle, soit comme habitats, soit comme nécropoles ou sanctuaires.

La côte sud, où les montagnes tombent en corniche sur la mer, n'a d'autre indentation que le golfe de Messará.

La côte nord est beaucoup plus ouverte, avec des baies ourlées de plaines : baies de Kissamos, de Khaniá (La Canée), de la Sude, de Mirabello ; elle a fixé le site des principaux ports que relie la seule grande route de l'île : Khaniá (La Canée), Réthymnon, Haghios Nicolaos et surtout Iráklion (autrefois Candie). L'ensemble de l'île est soumis au climat méditerranéen, beaucoup plus chaud sur le versant méridional, abrupt et ensoleillé (les précipitations annuelles atteignent à peine 200 mm ; il ne pleut pratiquement pas d'avril à la mi-octobre) que sur la façade nord, rafraîchi par les vents étésiens, avec des pluies exclusivement hivernales (Iráklion : température moyenne : 18,6 °C ; précipitations annuelles 535 mm). Le climat méditerranéen facilite l'entretien d'associations végétales caractéristiques et limite l'incidence du gel à l'étage montagnard. L'allongement de l'île sur 265 km accuse les nuances entre l'Ouest, régulièrement touché par les pluies, et l'Est, parfois déficitaire en eau.

Le déclin de l'agriculture traditionnelle (céréales, oliviers) et de l'élevage ovin et caprin accélère l'abandon des montagnes calcaires, anciens conservatoires des traditions insulaires. La déprise s'étend aux oliveraies sèches, et l'exode rural conduit vers Athènes et l'Europe industrielle. Les activités se concentrent et se spécialisent dans les plaines d'alluvions récentes, les collines de sédiments néogènes et de rares bassins intramontagnards (Lassíthi) : raisins secs près d'Iráklion, primeurs irrigués (Mália, Messará), tomates d'hiver (Ierápetra), agrumes (Khaniá [La Canée]), vignes à vin (Kastéllion), cultures sollicitées par des marchés conquis grâce aux liaisons (ferry-boat, avion) établies avec la Grèce et l'Europe et qui facilitent aussi la croissance du tourisme. La population croît régulièrement et sa nouvelle répartition privilégie les villes de la façade égéenne aux dépens des campagnes.

À Réthymnon et Khaniá (La Canée), les activités entretenues par le budget public (université, base aéronavale) n'enrayent pas le déclin démographique. Iráklion, centre administratif, port principal, petit foyer industriel, point de rupture de charge et carrefour touristique est une véritable petite capitale régionale, rayonnant sur toute l'île. Mais elle doit sa croissance à l'étiolement du réseau de bourgades qui fonctionnait quand la Crète juxtaposait de petits compartiments mal intégrés et paraissait plus loin de la Grèce.

HISTOIRE

Des divers systèmes d'écriture retrouvés en Crète, on n'a encore déchiffré que le linéaire B, datant du xve-xiiie s. avant J.-C., qui note une langue grecque archaïque. Mis à part quelques allusions des textes égyptiens et orientaux, la Crète n'est connue que par l'archéologie, dont les fouilles ont été inaugurées par Evans en 1900 à Cnossos.

Peuplée à partir du VIIe millénaire, l'île connaît une brillante civilisation, dite « minoenne », au IIIe et au IIe millénaire La prééminence appartient alors à la Crète centrale (Cnossos, Phaistos), aux terroirs plus riches. De grands palais sont édifiés au début du IIe millénaire, et des villes se développent. Des tremblements de terre ruinent, vers 1700 avant J.-C., ces constructions, mais sans arrêter l'épanouissement de l'île du xviie au début du xive s. avant J.-C., sous la probable prédominance de Cnossos. La mythologie grecque devait en garder la légende de Minos, roi puissant et justicier sévère. La marine crétoise domine la Méditerranée et assure les échanges avec les pays d'Orient : Égypte, Syrie, Ougarit. Le commerce, sous l'étroite dépendance des princes, est alimenté par l'agriculture (vigne, olivier) et par l'artisanat (céramique, tissus peints en pourpre, objets de bronze et orfèvrerie). Les cultes, célébrés en plein air, sont ceux d'une religion de la fécondité, dont le personnage central est la Déesse-Mère, la force virile s'incarnant dans le taureau sacré ou se manifestant par la foudre. Beaucoup de ces éléments ont été repris par les premiers Grecs, les Achéens. Dès le xve s. avant J.-C., ceux-ci dominent, partiellement au moins, la grande île. Ils y introduisent le cheval et le char de guerre. Un empire est organisé autour du palais de Cnossos. Mais celui-ci est détruit vers 1375 avant J.-C. par une nouvelle série de catastrophes. Le déclin est consommé par l'invasion dorienne (xiie s. avant J.-C.). La Crète devient à l'époque classique le conservatoire d'une civilisation archaïque dont témoigne notamment la loi de Gortyne. Au ive s. avant J.-C., puis à l'époque hellénistique, l'île, où les cités ne cessent de se combattre, devient un marché de mercenaires. Les Romains, luttant contre la piraterie, s'emparent de l'île en 67 avant J.-C. et l'associent administrativement à la Cyrénaïque.

La division de l'Empire, en 395 après J.-C., donne à l'île un rôle stratégique. Devenue l'un des principaux avant-postes byzantins, la Crète tombe, en 827-828, au pouvoir des musulmans, qui dominent ainsi la Méditerranée orientale. Ils fondent la forteresse de Khandaq (que les Vénitiens appelleront Candie). En 960-961, les Byzantins recouvrent à la fois l'île et la suprématie navale.

Lors de la création de l'Empire latin de Constantinople, la Crète est donnée à Boniface de Montferrat, qui la vend aux Vénitiens (1204). Ces derniers en font la clef de voûte de leurs possessions. En 1669, ils doivent la céder aux Ottomans qui ont commencé sa conquête en 1645 et assiègent Candie depuis 1647. La Crète constitue dès lors une province (eyalet) de l'Empire ottoman. Elle se soulève à maintes reprises après le déclenchement de la révolution grecque (1821) et obtient son autonomie en 1898. L'union avec la Grèce, proclamée en 1908, est ratifiée par le gouvernement grec en 1912 et le traité de Londres (1913) entérine la fin de la suzeraineté ottomane.

ARCHÉOLOGIE ET BEAUX-ARTS

Occupée dès le paléolithique et encore plus au néolithique, la Crète est, à l'âge du bronze, le siège de la florissante civilisation minoenne. Après la période sombre qui suivit la chute des palais, l'art crétois connaît une renaissance brillante du viiie à la fin du viie s. avant J.-C. Les centres de création sont Cnossos, Praisos, Gortyne, Prinias. Dans l'île, plus rapidement perméable aux influences orientalisantes, on voit s'épanouir la sculpture dédalique de pierre (Dame d'Auxerre, déesse de Prinias). Les ateliers de bronziers utilisent des techniques nouvelles (fonte en creux, plaques découpées), et ils exportent des armes décorées dans tout le monde grec. Au vie s. avant J.-C., l'art crétois entre en léthargie.

Crète, Akrotiri
Crète, Akrotiri
Fresque du palais de Cnossos
Fresque du palais de Cnossos
Iráklion, Grèce
Iráklion, Grèce
Itanion
Itanion
Khaniá, Crète
Khaniá, Crète
  • vers 6000 avant J.-C. Culture des céréales, élevage des caprinés (chèvres), des suidés (porcs) et des bovidés (bœufs) [Thessalie, Crète, Péloponnèse].
  • vers 2600/2200 avant J.-C. Helladique ancien : l'ensemble du territoire grec se peuple peu à peu, les relations avec les îles de la mer Égée se développent ; minoen ancien ou prépalatial en Crète : céramique, abondante vaisselle de pierre, poignards de cuivre, bijoux d'or.
  • 2000/1600 avant J.-C. Minoen moyen ou protopalatial (Crète) ; construction des premiers complexes palatiaux (Malia, Cnossos, Phaistos), ruinés par des tremblements de terre.
  • vers 1500 avant J.-C. Les Achéens dominent partiellement la Crète ; ils y introduisent le cheval et le char de guerre ; apogée de la civilisation mycénienne (riche mobilier funéraire : ivoire, masques en or).
  • XVe s. avant J.-C. La déesse aux serpents du palais de Cnossos (Crète).
  • vers 1200 avant J.-C. Les cultes crétois, la culture de la vigne et de l'olivier se répandent dans le Péloponnèse (Argolide).
  • 1897 Par le traité de Constantinople, la Crète est déclarée autonome dans le cadre de l'Empire ottoman.
  • 1900 Fouilles de Cnossos, par A. Evans.