Larousse Médical 2006Éd. 2006
D

dépression (suite)

SYMPTÔMES ET SIGNES

Les traits spécifiques des troubles dépressifs sont à la fois psychiques et physiques. Ils atteignent leur maximum d'intensité en fin de nuit ou en début de journée. Au plan psychique, le sujet est d'humeur triste avec perte des motivations, d'intérêt ou de plaisir pour presque toutes les activités, insomnie ou hypersomnie, fatigue, autodépréciation, difficulté à penser et à se concentrer, peur de l'avenir, anxiété intense. La souffrance morale peut l'amener à envisager le suicide, d'autant plus que la sensation d'écoulement du temps semble anormalement ralentie. Les dépressifs ont en commun un sentiment inconscient de « perte d'objet » qui les amène à retourner contre eux-mêmes les reproches et l'agressivité destinés normalement à l'objet perdu, ce qui leur donne un fort sentiment de culpabilité et d'impuissance. Au plan physique, le dépressif souffre de troubles de l'appétit (avec perte ou gain de poids significatif), de désordres digestifs, de céphalées, de palpitations, de fatigabilité, d'insomnie et d'altération de la libido. On note aussi parfois l'abus d'alcool, de medicaments ou de toxiques dans le but de soulager les symptômes.

   Il existe de multiples formes de dépression, allant d'un sentiment de tristesse jusqu'à la dépression majeure avec idées délirantes nommée « mélancolie ». C'est avec le médecin que le type de dépression sera défini et que le traitement adapté pourra être proposé. La « déprime » est un sentiment de malaise qui rend compte d'une tristesse passagère et pas toujours d'un état dépressif.

— Reconnaître une dépression. Il est très délicat d'en identifier les premiers signes, souvent confondus avec ceux d'un banal passage à vide, baisse de forme qui disparaît d'elle-même en quelques jours. La dépression s'annonce par une modification globale, mais le plus souvent insidieuse, du comportement. Au début, le déprimé devient anxieux, réagit de manière inhabituelle à des contrariétés banales ; il est sujet à de brefs accès de colère, de joie ou de pleurs. Il a des difficultés pour trouver le sommeil puis se réveille en pleine nuit, généralement entre minuit et 2 heures du matin ; (chez certains, le sommeil est « haché » de rêves angoissants ou de réveils multiples). Enfin, il grossit ou maigrit involontairement. Il se désintéresse de son entourage familial, amical ou professionnel. Souvent, c'est seulement après plusieurs mois d'évolution, alors que le malade est en véritable situation de détresse morale, que l'entourage prend conscience de la gravité de son état. Cette « dépression confirmée » rassemble 4 types de troubles, toujours présents mais avec une intensité variable d'un malade à l'autre.

— Troubles de l'humeur et ralentissement. Le déprimé souffre d'une immense tristesse permanente ; il est pessimiste et se sent dévalorisé, incapable, inutile. L'idée du suicide le taraude, comme étant la solution qui mettrait un terme à sa souffrance et libérerait son entourage. Dans bien des cas, le déprimé tente effectivement de mettre fin à ses jours ; cette tentative impose une protection immédiate et, le plus souvent, une hospitalisation. Le ralentissement des activités intervient à tous les niveaux, qu'il s'agisse du psychisme, de la motricité, du langage ou des relations. Le malade, figé, parle lentement, de façon monotone, et semble avoir perdu toute spontanéité ; lorsqu'on l'interroge, il réfléchit longuement avant de répondre. Il s'exprime lentement, ce qui met en évidence sa difficulté à se concentrer. Incapable d'agir et de prendre une décision, le déprimé retrouve un semblant d'énergie en fin de journée, qu'il met à profit, par exemple, pour réaliser de simples actes de la vie quotidienne (comme se raser), tant cela lui est difficile le matin.

— Anxiété, troubles du sommeil et de l'état physique. Le malade est perpétuellement inquiet, préoccupé par des sujets personnels ou plus généraux. Ses insomnies s'aggravent et il se réveille fréquemment pendant la deuxième partie de la nuit ou avant le lever du jour ; c'est d'ailleurs pendant cette dernière période que se concentrent les idées dépressives qui favorisent les « suicides du petit matin » . L'altération de l'état physique dépend de l'ancienneté de la dépression et de son évolution, mais aussi du sexe et de l'âge, de la négligence plus ou moins grande du régime alimentaire. Plus spécifiquement, le déprimé souffre de troubles du transit digestif, de maux de tête, d'une grande fatigue et d'un désintérêt pour l'activité sexuelle.

ÉVOLUTION ET TRAITEMENT

Le risque majeur de la dépression est le suicide, surtout à redouter dans les formes mélancoliques, les phases aiguës des troubles psychotiques et chez les personnes âgées. Il faut aussi redouter les complications évolutives d'un etat dépressif caracterisé, les symptômes residuels, voire une certaine chronicité. Outre un traitement par les antidépresseurs ou les stabilisateurs de l'humeur, qui ont considérablement réduit l'usage de l'électrochoc (sismothérapie), on préconise souvent un abord psychothérapique et parfois une approche familiale.

   Vaincre une dépression en quelques mois est le plus souvent possible, et un traitement médical doit toujours être tenté. Non soigné, un épisode dépressif est beaucoup plus long à disparaître, le risque d'évolution au long cours n'étant pas negligeable, la possibilité de symptômes résiduels importante. Il expose en outre le patient à des souffrances inutiles, voire au suicide, alors que le déprimé mis sous traitement peut voir son état s'améliorer dès la 2e semaine. De plus, traiter une dépression permet souvent d'éviter les récidives, beaucoup plus difficiles à soigner. C'est ici qu'intervient le rôle primordial de l'entourage, qui doit engager le malade à se soigner, même si cela n'est pas toujours facile. Un premier entretien médical permet au praticien d'évaluer l'intensité et le type de la dépression, d'établir une relation de confiance avec le malade, de l'informer de son état et des perspectives thérapeutiques, y compris de la nécessité d'une hospitalisation.

— Le traitement psychologique. Il s'agit le plus souvent d'une psychothérapie de soutien, nécessaire dans la première phase de la maladie, alors que le patient a tendance à s'isoler et à perdre confiance en lui. Ce traitement consiste en entretiens centrés sur les événements qui ont contribué à l'installation de la dépression. Les thérapies cognitivo-comportementales (T.C.C.) sont très efficaces. Le médecin doit se montrer attentif, prodiguer conseils et orientations. Une fois dépassée la phase aiguë, ces entretiens débouchent éventuellement sur la nécessité de faire un travail plus approfondi, faisant intervenir l'inconscient (psychothérapie longue, voire psychanalyse). Le choix de la psychothérapie dépend de la personnalité, du contexte, des symptômes, de la disponibilité de l'entourage et de l'avis du patient.

— Les médicaments psychotropes. Dans le traitement de la dépression, l'année 1957 a marqué une étape décisive : c'est alors que l'on découvre les effets antidépresseurs de l'iproniazide – qui inhibe l'action biologique d'une enzyme, la monoamine oxydase, d'où son sigle (I.M.A.O.) – et d'un autre produit, l'imipramine ; celle-ci sera dite « tricyclique » en raison de sa structure chimique. Depuis, d'autres substances (antidépresseurs d'action sérotoninergique ou mixte : sérotoninergique et noradrénergique) sont venues compléter cette gamme. Aujourd'hui, le traitement d'un déprimé passe le plus souvent par ces médicaments, efficaces dans deux tiers des cas. Les antidépresseurs tricycliques ont une action antidépressive puissante et n'induisent aucune accoutumance mais s'accompagnent d'effets secondaires tels que sécheresse de la bouche, tremblements, vertiges, prise de poids, palpitations, constipation. Aux I.M.A.O., également très actifs mais délicats à manier – leur association avec l'alcool, en particulier, doit être rigoureusement prohibée –, on préfère actuellement des produits, appelés I.M.A.O. réversibles, au mécanisme d'action similaire mais dépourvus de tels risques. Les thymorégulateurs ou stabilisateurs de l'humeur sont parfois utilisés (lithium, carbamazépine, valproate). Quel que soit le traitement choisi, il est poursuivi pendant au moins 6 mois puis progressivement diminué sous surveillance médicale. Dans certaines formes de la maladie ou en cas d'efficacité insuffisante des antidépresseurs, on peut également être amené à préconiser des séances de privation de sommeil, qui améliorent l'humeur du malade, voire d'exposition à la lumière (dans le cas des dépressions saisonnières). Pour traiter plus spécifiquement certains symptômes de la dépression, comme l'angoisse et les troubles du sommeil, on prescrit également, dans certains cas, des tranquillisants ou des somnifères pour une courte période. Quand la dépression s'inscrit dans l'évolution d'une maladie maniacodépressive, un traitement régulateur de l'humeur est nécessaire, le plus souvent à vie.

— L'électronarcose. Lorsque la dépression est grave – on parle alors de mélancolie – et que les autres traitements se révèlent inefficaces, on recourt encore à l'électronarcose, une technique qui a remplacé l'électrochoc. L'électronarcose est réalisée sous anesthésie et sous relaxant musculaire, afin de soulager l'appréhension du malade et d'éviter les complications. Elle permet, à raison de 6 à 8 séances, de guérir certaines dépressions résistant à tout autre traitement. La sismothérapie (traitement par les électrochocs) n'entraîne pas d'effets secondaires durables.

— Traitements originaux. Maintenir strictement éveillé un malade déprimé pendant toute une nuit ou pendant une partie de la nuit (en général à partir de 2 heures du matin), un jour sur deux, permet d'améliorer notablement son état dépressif. Le mécanisme d'action de cette technique reste partiellement mystérieux, et serait dû à une modification des rythmes biologiques. Autre technique, la photothérapie, qui s'adresse le plus souvent aux patients atteints de dépression saisonnière, consiste à installer le patient pendant une ou deux heures par jour devant une lampe censée reproduire le spectre de la lumière solaire. La physiothérapie (douches, massages subaquatiques, natation), réalisée avec la collaboration d'un kinésithérapeute ou d'une infirmière spécialisée, peut également être très bénéfique.