La photographie est née en France avant 1830. Mais c’est seulement après 150 ans de marginalisation forcée qu’elle émerge dans le monde des arts avec un éclat que pourrait lui envier son aînée la peinture.
Journal de l'année 1er juillet - 31 décembre 1982
Photo La photographie est née en France, avant 1830. Mais c'est seulement aujourd'hui qu'elle rencontre ici l'intérêt qu'elle mérite. Après des années de marginalisation forcée, elle émerge dans le monde des arts avec un éclat que pourrait lui envier son aînée la peinture. Elle dispose en effet de galeries pour se montrer, de magazines pour se diffuser, mais aussi de toute une gamme de supports qui font d'elle aussi bien un art populaire qu'un domaine culturel, empreint, déjà, de néo-académisme.
Journal de l'année Édition 1984
Photo La nouvelle politique culturelle dans le domaine de la photographie donne enfin à cette discipline l'accès aux médias. FR 3, durant toute l'année, présente une remarquable émission d'Agnès Varda, intitulée Une minute pour une image, consacrée chaque jour à une photo différente, commentée en voix off par un non-professionnel.
Journal de l'année Édition 1985
Photo Les structures mises en place par le ministère de la Culture ont abouti, cette année, à quelques réalisations importantes pour la vie photographique française. Tout d'abord, le Centre national de la photo s'est vu attribuer un nouvel espace, au Palais de Tōkyō, ancien musée d'Art moderne de la Ville de Paris. Un programme d'expositions a été mis en chantier, avec notamment les grands reporters de l'agence Magnum, René Burri (juin), Bruce Davidson (octobre) et Raymond Depardon (décembre). Une autre manifestation, sur le thème Photo et Peinture, a permis de relancer le débat sur les rapports de plus en plus étroits qu'entretiennent ces deux formes d'expression artistique. Débat qui sera prolongé au cours des soirées des Rencontres d'Arles (juillet), ainsi que dans de nombreuses expositions, tant au Centre Pompidou que dans certaines galeries parisiennes (avec Boltanski, Rainer, Catany, Gioli...).
Journal de l'année Édition 1986
Photographie Le procédé couleur Kodachrome a eu cinquante ans en 1985. Inventé aux États-Unis par Leopold Godowski et Leopold Mannes, il avait la même présentation qu'aujourd'hui, une petite boîte jaune en carton contenant un sachet hermétique pour protéger la pellicule. Kodak avait demandé à l'époque à plusieurs grands photographes de réaliser des clichés avec les pellicules Kodachrome, ce qui devait entraîner l'adhésion du grand public. Un technicien mettait au point l'année suivante le cache pour diapositives en carton, afin de protéger les clichés des manipulations. Plusieurs expositions vedettes se sont tenues cette année : 50 ans de portraits par Gisèle Freund. La célèbre photographe allemande a notamment fixé sur sa pellicule pendant un demi-siècle les plus grands noms de la littérature, parmi lesquels James Joyce, Virginia Woolf ou André Gide. Elle fut également la portraitiste officielle de François Mitterrand lors de son entrée à l'Élysée. Ont été présentées aussi les archives du journal Life, de la compagnie aérienne TWA et de Robert Capa. Le fameux correspondant de la guerre d'Espagne réalisa aussi des portraits de célébrités, tel Pablo Picasso.
Journal de l'année Édition 1987
Photographie Les initiatives prises dans le domaine de la photographie depuis cinq ans se sont non seulement développées, mais ont aussi servi d'exemples à l'étranger. Le festival de Houston (février-mars) est ainsi apparu comme un Arles en moins réussi – manque d'expérience, de cohésion. Les Rencontres, les vraies, celles de la cité camarguaise, se sont déroulées sous le double signe du rock et du rajeunissement. Nouvelle direction, nouveaux lieux d'expo – comme le très bel Atelier des Forges – se sont ouverts aux jeunes. On a pu y découvrir les portraits d'Anton Corbijn et d'Annie Leibovitz, stars du rock comme leurs modèles. Ou voyager, in vivo, avec les photos de Max Pam et de Sebastiao Salgado. À Paris, la saison a aussi connu ses grands moments. D'abord, avec la superbe rétrospective Explosante fixe, sur les rapports entre le surréalisme et la photo (CNAC-G.-Pompidou, Printemps). Et plus tard, avec l'hommage à Robert Frank et à son œuvre, films compris (Centre national de la photo, mai-juin). On sait l'importance de ce Suisse émigré aux États-Unis et l'influence qu'il n'a cessé d'exercer sur un certain reportage « sensible », très prisé en France (Plossu, Depardon, Nori).
Journal de l'année Édition 1988
Photographie Deux déclics entre les nouvelles techniques et les talents les plus confirmés : Lucien Clergue s'avoue fanatique du Polaroïd et annonce une exposition de trente photos à l'Institut américain de Barcelone ; de Jacques Henry Lartigue, décédé en 1986, le Grand-Palais présente le Troisième Œil, photographies en relief. Autre innovation : le 7 juin, se tient à Bièvres le premier Salon de la photo de collection et des photothèques.
Journal de l'année Édition 1989
Photographie Tandis que Paris accueille au musée Jacquemart-André une rétrospective controversée d'André Kertesz, Milan rend hommage à Ansel Adams, Florence à John Batho et Toulouse salue l'action de Jean Dieuzaide, qui anime depuis 1975 la galerie « Le château d'eau ». Le musée d'Orsay révèle les photographies de Bonnard. Wim Wenders publie chez l'éditeur allemand Shirmer Mosel ses vues en couleurs de l'Ouest américain. Sous le titre « Botanica », le CNP, dans les salles du Palais de Tōkyō, réunit un bel ensemble de clichés de végétaux des xix et xxe siècles. L'Espace photo de Paris, animé par J. L. Monterosso, consacre Bettina Rheims. Pierre Bonhomme, dit Borhan, succède à Pierre Barbin à la direction du patrimoine photographique. Et Claude Hudelot prend la tête des XIXe Rencontres d'Arles. J. H. Lartigue triomphe au Grand Palais avec ses portraits du bonheur.
Journal de l'année Édition 1990
Journal de l'année Édition 1991
Photographie 1990 a débuté par la publication d'un livre monumental qui dresse le bilan controversé de la mission de la DATAR. Tandis que la galerie Michèle Chomette révèle les études photographiques du peintre José Maria Sert, la galerie Urbi Orbi de Gilles Dusein affiche son dynamisme en montrant Ellen Brooks, Pierre Molinier ou Thomas Struth.
Journal de l'année Édition 1992
Photographie La relation entre l'art plastique et la photo est, au mieux, une relation ambiguë, et les frontières y sont aussi floues que l'œuvre de David Hamilton, qui nous a gratifiés d'un livre de plus. Mais, si l'art est le miroir d'une société, la photographie en est certainement le thermomètre. Et cette année, si les grandes expositions ont mis en valeur la mémoire et le témoignage plutôt que l'artiste et la création, c'est peut-être parce que la guerre du Golfe et l'effondrement du communisme ont semblé constituer l'épilogue d'un siècle, comme la Première Guerre mondiale avait paru l'inaugurer.
Journal de l'année Édition 1994
Photographie : le flou Kodak éternue, le festival d'Arles s'enrhume, et l'ensemble des acteurs du monde de l'image attend avec inquiétude une reprise économique hypothétique... La firme Kodak, à travers ses actions de mécénat, avait littéralement porté le monde de l'image à bout de bras en injectant jusqu'à 8 millions de francs par an – rien qu'en France – afin que des livres, des expositions et des festivals puissent exister. La crise n'épargnant personne, les Voleurs de couleurs ne peuvent plus jouer aux Robins des Bois... Les répercussions de ce changement de politique ont frappé de plein fouet le festival d'Arles. Avec-un budget amputé de 50 %, la manifestation n'a évidemment pas pu cette année jouer pleinement son rôle de projecteur international, et ce malgré le thème « Visions d'artistes », pourtant suffisamment large pour que l'on y intègre des noms prestigieux, tels William Klein, Cecil Beaton, ou Guy Le Querrec. Avec moins de spectateurs, moins de soirées, moins d'expositions, l'ambiance fut triste et conventionnelle, sans audace. Une belle surprise nous attendait néanmoins à l'Espace Van Gogh grâce à la Lettonie et à la Lituanie, avec de très beaux paysages vus à travers l'objectif lyrique de Bulhak, des documents chargés d'émotions sur le quotidien dans les pays Baltes, des images de Vilnius et de ses environs par Cekavicius, ainsi que des vues de Riga avant que les péripéties de l'histoire ne l'aient quelque peu défigurée...
Journal de l'année Édition 1995
Photographie Plus que toute autre forme de témoignage, le photographe a capturé le siècle. De 1900 à nos jours, de l'album de famille à l'image d'artiste, cette formidable banque d'images est unique dans notre histoire. Pourtant, le monde de la photo connaît des difficultés existentielles. Le salon Découvertes a connu une baisse spectaculaire d'images par rapport aux années précédentes et ce tassement traduit la morosité évidente du marché de la photographie. Le festival d'Arles a fêté cette année son 25e anniversaire avec une chute de fréquentation de 20 % par rapport à 1989, et, d'une manière générale, les manifestations de l'image ont bien du mal à intéresser la population locale, donc en fait le véritable grand public. Le schisme – nourri du mépris réciproque entre les « plasticiens » et les photographes « purs » – s'agrandit, rendant toute manifestation rassembleuse difficile. D'ailleurs, l'idée même que la photographie est un art à part entière a encore du mal à faire son chemin dans certains milieux. L'anecdote qui a abouti en exposition cette année à Londres, Akehurst Gallery, sous le titre « The Obscene Publications Squad Versus Art » en est une grinçante illustration : la police avait saisi 41 boîtes de négatifs, photos et vidéos au domicile de Graham Ovenden. Sa peinture d'une enfant nue – qui s'est vendue pour 24 000 $ après avoir été exposée à la très institutionnelle Tate Gallery – est incontestablement classée comme œuvre d'art. Mais l'artiste risque toujours une inculpation pour pornographie, accusation liée aux photos prises pour l'étude du tableau. Après dix mois de confiscation légale, cette exposition réunissant les fameuses photos a permis de donner un coup de projecteur médiatique grâce aux prises de position d'artistes tels que David Hockney sur l'absurdité de la situation.
Journal de l'année Édition 1996
Photographie « La photographie en Arles a sans doute exclu les Arlésiens », avait sans ambages déclaré le nouveau délégué des Rencontres Bernard Millet devant l'évident désintérêt du public de la ville pour son festival. Nommé pour trois ans, cet historien – promu en 1986 conservateur du musée de la Vieille-Charité à Marseille et professeur à l'université d'Aix-en-Provence, où il donne des cours sur les relations entre la peinture et la photographie – souhaitait, pour sa part, la réconciliation entre les plasticiens et la photographie traditionnelle. De son côté, Michel Nuridsany – critique au Figaro et directeur artistique du Festival d'Arles pour 1995 – a au moins rempli un objectif : « rompre le ronron ». Car les Rencontres internationales de la photographie d'Arles furent mémorables. Unanimement décrié par l'ensemble du monde de la photo et, pour une fois, suscitant la violente réaction d'un public houleux armé de tomates, le festival eut au moins le mérite d'exciter l'intérêt anecdotique des Arlésiens à l'heure de l'apéro.
Journal de l'année Édition 1997
Photographie Après le festival houleux et plutôt controversé de l'an dernier, Arles a retrouvé son souffle grâce à son nouveau directeur artistique, le Catalan Joan Fontcuberta, avec une affiche qui s'interroge sur le vrai et le faux à travers 17 expositions et 4 projections intitulées « Réels, Fictions, Virtuel ». Cette approche de l'image est d'autant plus intéressante qu'elle se situe dans la foulée du lancement du format technique APS (Advanced Photographie System).
Journal de l'année Édition 1999
« Man Ray, la photographie à l'envers » La dation Juliet Man Ray en 1994, complétée, un an plus tard, par le don de 1 500 négatifs provenant de la collection d'un ami et collaborateur de l'artiste, est venue enrichir, ces dernières années, le fonds photographique du musée national d'Art moderne de Paris. Cet ensemble unique permettait de reconsidérer l'œuvre de Man Ray, celui qui s'appelait, non sans ironie, le « fautographe ».