Des bastions se lézardent : les groupes horlogers ASSUAG et SSIH, de même que d'innombrables entreprises dans les secteurs des textiles et des machines-outils, alignent les chiffres rouges. Le secteur tertiaire — celui des banques et des assurances — continue à prospérer, mais on commence à se demander si, derrière sa façade rassurante, ne s'amorce pas une débâcle industrielle.

Élections

En tout cas, certains employeurs font savoir que, Berne ayant surestimé le renchérissement, l'adaptation des salaires ne sera pas complète. Protestations, controverses. La renégociation des contrats collectifs se fait plus dure. Et l'Union syndicale, pour manifester sa résolution, réunit en octobre un congrès de combat, qui décide de revendiquer, par le biais d'une initiative constitutionnelle, la semaine de 40 heures, dont cette même Union n'avait pas voulu trois ans plus tôt.

Le patron de l'Économie publique, Fritz Honegger, impavide, s'en va. Ce radical zurichois, doué d'une remarquable intelligence, mais taciturne et froid, démissionne du Conseil fédéral le 25 août. Âgé de 65 ans, il estime avoir — tempête conjoncturelle ou non — le droit de retrouver la paix de son foyer. Il est suivi par le chef du département de l'Intérieur, le démocrate-chrétien zougois Hans Hurlimann, 64 ans. Et ces deux sièges vacants allument, en dépit des difficultés de la conjoncture, beaucoup de convoitises : on ne comptera pas moins de 13 candidats sérieux..., plus un, le jeune Bernois Markus Grindat, 20 ans, qui se présente au nom de la jeunesse remuante.

Temps difficile

Le 8 décembre, l'Assemblée fédérale élit donc deux nouveaux ministres. Les démocrates-chrétiens placent le Lucernois Alphonse Egli, 58 ans, et les radicaux le Zurichois Rudolf Friedrich, 59 ans. « Deux hommes situés très à droite », chuchote le vent. En tout cas, ils n'ont pas peur d'affronter des temps difficiles.

Encore moins peureux, et d'un dynamisme apparemment inépuisable, le démocrate-chrétien saint-gallois Kurt Furgler ! Non seulement, après 12 ans au Conseil fédéral, il ne songe pas à quitter le bateau, mais il profite de la nouvelle donne pour abandonner le département de Justice et Police, où il a mené tant de chaudes batailles, et pour prendre, fort de son droit d'ancienneté, le ministère le plus exposé quand la température fraîchit : l'Économie publique.

Rudolf Friedrich lui succède à Justice et Police, Alphonse Egli se retrouve à l'Intérieur. Et les quatre autres conseillers fédéraux conservent leur Département.

La politique côtoie parfois le folklore. Les Jurassiens ont un certain talent pour ça. Le 11 août, l'assemblée communale du village de Vellerat, francophone mais condamné par le mécanisme des plébiscites à rester dans le giron de Berne, décide à la quasi-unanimité de rompre toutes ses relations avec l'ancien canton. Il se proclame « commune libre », et, symboliquement, imprime ses propres passeports. L'ennui, c'est que le cas inverse existe, le village d'Ederswiler, lui, parle allemand, mais s'est retrouvé, mécontent, dans le canton du Jura.

Plus importantes apparaissent les élections de Moutier. Le 6 décembre, les habitants du bourg renouvellent leur Conseil communal. Et, pour la première fois, les partisans d'un rattachement au Jura, avec 51,9 % des suffrages, deviennent majoritaires. Les districts bernois lentement grignotés ?

L'automne est jalonné, pendant ce temps, de gros faits divers. Un commando de Polonais occupent, le 6 septembre, leur ambassade dans la capitale fédérale, retiennent en otages les huit personnes qui s'y trouvaient, se proclament adversaires du régime Jaruzelski, exigent une somme de trois millions de FS et menacent de faire sauter le bâtiment.

À vrai dire, leur chef, le commandant Florian Kruszyk, paraît plus proche de l'aventurier, voire du provocateur, que de l'authentique résistant. Les autorités fédérales réagissent avec une parfaite efficacité. Les grenadiers de la police bernoise lancent l'assaut, le 9 septembre, et, en dix minutes, libèrent l'ambassade sans tirer un coup de feu. Varsovie remercie et requiert l'extradition des « terroristes » arrêtés : demande rejetée.