Reste à savoir, au début de l'année 1983, si l'Office allemand des cartels va donner son feu vert. C'est bien sur un problème politique autant qu'économique. Si l'affaire se conclut, la France disposera d'un véritable poids lourd de l'électronique grand public, et pourra donc profiter du développement de ce secteur en pleine croissance.

CII-Honeywell Bull

Autre poids lourd de l'informatique cette fois : CII-Honeywell Bull. Un poids lourd bien affaibli puisque, fin 1982, il apparaît que l'entreprise n'est plus viable, malgré les quelque 7 milliards de F injectés dans l'affaire depuis sa création en 1976 par les pouvoirs publics. La CII-HB a perdu plusieurs centaines de millions de F en 1981 et plus d'un milliard en 1982. Ses fonds propres sont nuls et son endettement dépasse 6 milliards !

Jacques Stern, nouveau patron de CII-HB, s'adresse donc à l'État pour boucher les trous les plus béants. Il lui faut 3 milliards, rien qu'en 1983, pour remettre la société à flot. Sans attendre la réponse du gouvernement, il décide d'instaurer un management à la mode américaine, en constituant quatre filiales correspondant à quatre activités bien précises : l'informatique, la mini-informatique, les périphériques et la bureautique. Chaque filiale sera dotée d'un budget et d'objectifs, si bien qu'il sera possible désormais de pratiquer un contrôle de gestion par centre de profit et de pertes.

Seul l'avenir dira si le nouveau dispositif sera plus opérationnel que les précédents. Pour une fois, il semble cependant que l'État et la CII-HB soient lucides dans leur appréciation de la situation, et des moyens pour l'améliorer.

Au total, 1982 est bien une année-charnière dans l'évolution de l'électronique française. Mais ce n'est pas avant 1984 ou 1985 qu'on pourra mesurer les retombées du changement.

Sidérurgie

Bilans déficitaires et perspectives bouchées

Les hauts fourneaux français auront péniblement craché quelque 18 millions de t d'acier en 1982, soit un volume de production comparable à celui du début des années 60. Plus grave : cette dégringolade devrait se poursuivre en 1983, compte tenu du tassement prévisible de la demande chez les principaux clients nationaux — l'automobile, le bâtiment et la mécanique — et de la mollesse des marchés à l'exportation, notamment aux États-Unis, qui, de plus, imposent des contingents aux livraisons de la CECA.

Travaillant à 55 % de leurs capacités, les sidérurgistes enregistrent de surcroît de lourdes pertes financières : sans doute plusieurs milliards de F en 1982 après les 7 milliards perdus en 1981 par Usinor et Sacilor, les deux leaders du secteur. Comment a-t-on pu en arriver là, alors que, voici dix ans, la sidérurgie française produisait 25 millions de t d'acier et espérait parvenir rapidement à 30 millions de t ?

La première explication tient à l'importance excessive qu'on a trop longtemps donnée à l'acier De même que le charbon était considéré jadis comme un symbole de puissance économique, l'acier a été présenté jusqu'à ces dernières années comme le symbole même du développement industriel. Personne ne se préoccupait alors du coût de la tonne produite, de l'évolution des marchés ou de l'émergence de nouveaux concurrents ; l'essentiel était de produire le plus possible.

D'où des investissements grandioses, d'où le refus de fermeture des installations les plus anciennes, d'où aussi le refus de comprimer des effectifs de toute évidence en surnombre. Maîtres de forges, pouvoirs publics et syndicats portent la responsabilité de cet aveuglement collectif. Valéry Giscard d'Estaing (président de la République), Jacques Chirac (Premier ministre) et Michel d'Ornano (ministre de l'Industrie) expliquaient encore en 1975 qu'il fallait « investir à contre-courant plutôt que licencier ».

Le réveil fut d'autant plus brutal que l'illusion était grande. Après un pic de 27 millions de t en 1974, la production d'acier s'engageait sur une pente descendante — avec des hauts et des bas, certes —, qui rendait irréalistes tous les plans imaginés jusque-là.

Plans

Parallèlement, les dirigeants français ouvraient les yeux sur l'extérieur et constataient que, dans les principaux pays industriels — sauf la Belgique et l'Angleterre —, les sidérurgistes avaient pris leurs précautions en resserrant leurs dispositifs et en « dégraissant » leurs effectifs.