D'où un grand coup de balai à droite et à gauche au sein du secrétariat du comité central, qui élimine notamment de ses rangs Stefan Olszowski. Ce dernier ne s'était rallié au général Jaruzelski que parce qu'il croyait à la brièveté de l'ère militaire. Ce malaise incite le gouvernement à promettre la suspension de l'état de guerre d'ici à la fin de l'année et à annoncer 1 227 libérations.

Mobilisation

Totalement normalisée, la Pologne ? Rien n'est moins certain. Des affrontements éclatent le 13 août et surtout le 31, jour anniversaire des accords de Gdansk. Plus de trente villes manifestent violemment. Jusqu'au 3 septembre, les émeutes se succèdent : cinq morts, 4 000 arrestations. L'Église, de son côté, fait entendre sa voix à Czestochowa, au 6e centenaire de l'arrivée de l'icône de la Vierge noire. Mgr Glemp y réclame solennellement la libération de L. Walesa et des autres détenus politiques.

Cette fois-ci, le pouvoir, à qui huit mois de loi martiale ont donné la possibilité de parler fort, contre-attaque avec virulence. Il dénonce sans ambages un haut dignitaire du clergé, l'évêque de Przemysl, Mgr Ignacy Tokarczuk, pour incitation à des actions contre l'État. Au-delà de l'évêque, le pouvoir s'en prend aux interventions politiques faites « devant l'autel par certains orateurs, prêtres ou évêques, revêtus de l'habit liturgique ». Et de se demander « si l'Église ne serait pas sur le point de répéter l'erreur de Solidarité consistant à s'ériger en parti d'opposition ».

La surveillance policière et les arrestations préventives n'empêchent pas la mobilisation de la population à l'appel du syndicat clandestin. Mais le pouvoir ne fléchit pas. Face à cette détermination, l'épiscopat prend un ton plus conciliant, se distinguant ainsi d'une grande partie du clergé populaire, plus enclin à la contestation.

Profitant de ce manque d'unanimité, le général Jaruzelski fait voter le 8 octobre 1982 un texte sur les syndicats qui met hors la loi Solidarité. Aux grèves qui éclatent alors, le pouvoir répond par la militarisation des chantiers de Gdansk. Les députés adoptent le 26 octobre une loi sur le parasitisme social qui permet d'imposer un travail aux syndicalistes licenciés. Réponse du TKK (comité clandestin de coordination) : appel à la grève générale, le 10 novembre.

Échec

C'est alors que l'Église, qui a obtenu du pouvoir que la visite de Jean-Paul II, refusée pour août 1982, s'effectue au printemps 1983, se démarque pour la première fois, et très nettement, des syndicalistes clandestins, en déconseillant à la population de participer à la grève. Celle-ci est un échec sur lequel la Pologne a peu de temps à méditer puisque, le lendemain, on annonce la mort de Leonid Brejnev. Deux jours plus tard, c'est la libération de Lech Walesa, que le pouvoir s'empresse aussitôt de salir en laissant courir sur son compte des rumeurs déplaisantes.

Le 16 décembre, jour anniversaire des émeutes de Gdansk (1970), L. Walesa projette de s'adresser à ses compatriotes rassemblés au pied du monument commémoratif. Pour l'empêcher, deux policiers armés de mitraillettes viennent le quérir à son domicile et le promènent des heures durant en automobile sur les boulevards périphériques de la ville. Quelques jours auparavant, le même Walesa avait dit : « L'entente, oui ; mais pas à genoux ! »

Les dispositions (entérinées par la Diète le 18 décembre) d'accompagnement de la suspension, par le Conseil d'État, de l'état de guerre à partir du 31 décembre sont révélatrices. Si l'on y trouve des assouplissements — suppression de l'internement préventif —, bien d'autres mesures sont plus rigoureuses que celles de la précédente loi martiale. Leur arbitraire fait sortir l'Église de la réserve affichée depuis quelque temps.

Dans une lettre rendue publique le 18 décembre, le primat et le secrétaire de la Conférence épiscopale dénoncent notamment : l'interdiction faite aux ouvriers de quitter leur usine sans l'accord de la direction (comparée à l'attachement féodal du paysan à la terre) ; le licenciement de tout gréviste (qui ne figurait pas dans la loi d'octobre sur les syndicats) et sa réembauche ultérieure avec un salaire discriminatoire ; l'exclusion de tout ouvrier ou étudiant coupable d'avoir provoqué des troubles, etc.