Brave, il faut l'être pour subir avec un minimum de sang-froid la crise économique et sociale dans laquelle se débat la Belgique.

Brave, il faut l'être aussi pour admettre le bien-fondé des plans d'austérité que le gouvernement de Wilfried Martens, le leader social chrétien flamand, prône avec beaucoup de véhémence.

« Il ne faut pas croire que l'on peut maintenir une société de bien-être social sur un cimetière économique. » Mark Eyskens, le ministre des Affaires économiques du gouvernement Martens V, ne peut être plus clair. Il est vrai que, pour la première fois, Wilfried Martens dirige une coalition sans les socialistes. Avec ses alliés libéraux, le Premier ministre ne court pas le risque des « fioritures sociales ». Le gouvernement prend les mesures nécessaires pour faire comprendre aux Belges « qu'ils vivent au-dessus de leurs moyens ».

Le 21 juillet, jour de la fête nationale, restera un symbole de cette politique d'austérité. L'aviation est absente du traditionnel défilé militaire, victime d'une panne de carburant. Le budget de la flotte aérienne est épuisé. Un pilote ne vole que trois heures pendant les mois d'été, et sa capacité de vol sur six mois ne dépasse pas les vingt-cinq heures, au lieu des cent vingt qu'il devrait assurer pendant cette période, selon le programme prévu par l'OTAN.

Wilfried Martens présente, le 2 août 1982, les grandes lignes de son projet de budget d'austérité pour 1983. Son gouvernement prévoit de limiter le déficit à 516 milliards de FB, presque 1 % de mieux par rapport à 1982. Il est vrai que la situation est alarmante.

Une cinquantaine de villes sont au bord de la faillite, dont Liège, Namur et Anvers ; 42 % des travailleurs ont recouru au moins une fois à l'assurance chômage au cours de l'année. Les 500 000 sans-travail coûteront au pays 176 milliards de FB en 1983 ; ils coûtaient 15 milliards en 1974. Au cours de l'année, le déficit des caisses de chômage s'élève à 88 milliards de FB. Le budget des services sociaux approche, avec 1 000 milliards de FB, le budget de l'État. La dette publique atteint fin août 3 006 milliards.

Victoire libérale

À la rentrée de septembre, la Communauté européenne condamne la politique menée par la Belgique depuis dix ans dans le domaine de l'aide publique dans les zones de développement. La CEE accordant la priorité à la Wallonie, Wilfried Martens doit jongler avec les instances régionales et les ministres flamands avant de se soumettre aux directives de la Communauté.

Le gouvernement mène la vie dure aux Belges, mais il annonce aussi des résultats : la compétitivité des entreprises par rapport à la concurrence étrangère est pleinement restaurée ; le déficit extérieur pour 1982 est de 3 % (6 % en 1981) ; le taux d'inflation plafonne à 9 %.

Les électeurs accordent, le 10 octobre, à l'occasion des municipales, un crédit sérieux au gouvernement. Les libéraux sortent vainqueurs dans la partie francophone du pays, malgré une poussée écologiste ; le parti socialiste stagne, les communistes disparaissent quasiment de la carte politique. En Flandre, la poussée socialiste n'inquiète pas vraiment les partis de la majorité.

Quand la concertation avec les partenaires sociaux marque le pas, le gouvernement a recours aux pouvoirs spéciaux accordés par le Parlement. Au plan d'austérité, au programme d'assainissement économique, à la nouvelle politique industrielle, les syndicats répondent par des mouvements de grève toujours plus durs, jusqu'à la grève générale en deux temps qui se déroule les 30 novembre et 7 décembre 1982.

Pots-de-vin ?

Dix jours avant le scrutin municipal d'octobre 1982, une petite bombe politique est lancée dans le camp de l'opposition. D'anciens ministres, pour la plupart socialistes, auraient perçu des pots-de-vin en remerciement d'une attitude compréhensive face aux difficultés de remboursement des dettes du Zaïre. Parmi les personnalités concernées figurent le président du parti socialiste, Edmond Leburton, Henri Simonet, ancien ministre des Affaires étrangères, mais aussi Paul Vanden Boeynants, un leader social-chrétien bruxellois, ancien ministre de la Défense, et Herman de Croo, l'actuel ministre des Communications. À l'origine de ces accusations, une annexe d'un rapport économique sur le Zaïre, qui reproduit notamment les termes d'une conversation entre l'auteur du rapport, Erwin Blumenthal, et l'ancien Premier ministre du président Mobutu, Nguza Karl I Bond. Le président zaïrois s'était procuré le document, par ailleurs très critique à son égard, et en avait envoyé une copie à Wilfried Martens, dès le mois d'août. Le Premier ministre belge aura attendu les élections pour divulguer l'affaire.

Sidérurgie

W. Martens demande une modération salariale. En échange, il suggère une réduction de 5 % du temps de travail hebdomadaire, pour arriver, en décembre 1983, à 35 heures. Les entreprises, de leur côté, se verront imposer une embauche compensatoire équivalant à 3 % de leurs effectifs.