Ainsi sera bouclée la dernière étape de l'irrésistible ascension de Deng Xiaoping qui, par ultime coquetterie, dit-on, refuserait ce fauteuil suprême pour le réserver à son vieux contemporain Li Xiannian, 77 ans. Bientôt octogénaire et malgré son retrait volontaire en deuxième ligne, Deng aura ainsi vécu l'année la mieux remplie de sa longue carrière : il aura remis à neuf Parti, Constitution, plan quinquennal, Assemblée nationale et pouvoir exécutif.

L'élimination rapide du dernier obstacle Hua Guofeng, encore vice-président du parti et membre du bureau politique, après avoir été le successeur désigné du président Mao, en est une étape. Après le 12e congrès du PCC, réuni à Pékin du 1er au 11 septembre 1982, Hua Guofeng n'est plus que l'un des 210 membres du comité central, qui en comprend 110 nouveaux.

En même temps, sont supprimés les postes de président et des six vice-présidents. Hu Yaobang, successeur de Hua Guofeng à la tête du parti, se retrouve secrétaire général, seul maître d'une direction collégiale chargée de veiller au respect de la nouvelle « interdiction de toutes formes du culte de la personnalité ». D'ailleurs, le parti tout entier va faire le ménage : pendant une campagne de rectification qui va durer trois ans, chacun des 40 millions de membres devra renouveler son adhésion, donc faire réexaminer son cas.

Répression

Sont créées une commission centrale de contrôle de la discipline et une commission des conseillers, voie de garage pour 172 vétérans éminents qui comptent plus de 40 années de parti, présidée pour donner l'exemple de la semi-retraite par Deng Xiaoping lui-même, qui garde aussi la présidence de la commission militaire : elle en fait le chef suprême de l'armée qui reste donc, malgré les rumeurs, sous le contrôle du parti.

La répression ne se relâche pas : anciens gardes rouges, contestataires du Printemps de Pékin et complices de la bande des quatre continuent à être lourdement condamnés. Cependant sont libérés pour cause de mauvaise santé tous les vieux généraux complices du feu-Lin Biao, jugés en même temps que Jiang Qing, « ... qui ne sera pas exécutée, annonce Hu Yaobang à des journalistes français dès la fin août, bien qu'elle persiste à se conduire en ennemie du peuple ».

En fait, la veuve de Mao doit savoir à la fin de l'année si, après deux ans de période probatoire, sa condamnation à mort est commuée en détention à vie. Justice à double issue également dans la nouvelle Constitution, qui proclame « la liberté de parole, de la presse, de réunion, d'association, de cortège et de manifestation » mais en même temps le devoir de « respecter l'ordre public et les règles de la morale sociale..., observer la discipline du travail, prendre soin des biens publics, garder les secrets d'État ». Ce qui peut permettre — arrestations et condamnations le prouvent — de sanctionner toute grève, toute manifestation et toute diffusion d'information.

Économie

Catalogue des droits des citoyens, la Constitution souligne aussi ses nombreux devoirs (travailler, s'instruire, payer des impôts, etc.) dont celui-ci : « Le mari comme la femme ont le devoir de pratiquer le planning familial. » Écho à l'alerte sonnée par le dernier recensement de juillet 1982 : la Chine a dépassé le milliard d'habitants, et la famille à enfant unique doit devenir la règle pour que le taux de croissance soit réduit de moitié — jusqu'à 1 % impérativement — afin que ne soit pas franchi le cap des 1 200 000 000 en l'an 2000.

Cet an 2000 est précisément l'objet de nouvelles promesses de Hu Yaobang. Alors doivent être multipliés par quatre les productions industrielle et agricole et le revenu individuel, ce qui revient à la promesse déjà faite en 1980 par Deng Xiaoping : une moyenne de 1 000 dollars par habitant dans vingt ans. En attendant, le VIe Plan quinquennal devra s'en tenir à une croissance de 4 %, soit la moitié seulement de la moyenne des trente années précédentes.

Aussi la nouvelle Constitution officialise-t-elle des stimulants : réduction du pouvoir politique des communes populaires, reconnaissance de « l'économie individuelle... complément du secteur socialiste » et des « droits des citoyens à la propriété des revenus légitimes, d'épargne, de maisons d'habitation, d'autres biens légalement acquis, et à l'héritage de biens privés ».