Journal de l'année 1er juillet - 31 décembre 1982 1982Éd. 1982

Pour pallier les effets de cette politique sur les comptes des entreprises, déjà affectées par le poids de la cinquième semaine de congés et de la semaine de 39 heures payées 40, les autorités monétaires ont progressivement mis en place des procédures de financement privilégiées échappant à l'encadrement du crédit. Elles ont amorcé, entreprise par entreprise, un rééchelonnement de certaines dettes et accentué leur effort de financement des entreprises publiques, gênées par une insuffisante réévaluation de leurs tarifs.

L'effet d'inertie ayant joué, la réduction de l'activité économique et le gonflement des faillites n'a pas entraîné une forte croissance du chômage, qui plafonne à 2 millions de personnes, grâce à la réduction du temps de travail, à la mise en œuvre des contrats de solidarité et au pacte pour l'emploi des jeunes de moins de 18 ans, qui a remporté un franc succès.

À l'aube de l'année 1983, le débat se pose cependant au sein du gouvernement de savoir s'il faut renforcer cette politique de rigueur en prélevant sous une forme ou une autre (épargne ou impôt) les deux à trois points de consommation supplémentaires dont bénéficient les Français et qui pèsent sur la balance commerciale et le franc ; ou bien s'il suffit d'attendre les effets des mesures prises, conjugées à une lente reprise mondiale, pour ne pas affaiblir encore l'activité économique et la situation de l'emploi.

En l'état actuel des choses, les experts de l'OCDE ne prévoient pas plus d'un demi-point de croissance en 1982, alors que les comptes de l'État sont fondés sur une croissance de 2 %. C'est pourquoi, d'ailleurs, dès le début de l'année, le gouvernement a ventilé par ministère la réserve budgétaire de 20 milliards de F à ne pas utiliser en cas de trop grands déséquilibres. Mais le ralentissement de la croissance devrait permettre une amélioration progressive du commerce extérieur, encore que ce phénomène dépende largement de la politique monétaire et conjoncturelle qui sera adopté en Allemagne fédérale après les élections de mars 1983.

Au total, on peut penser qu'en 1983, la France paiera le privilège d'avoir moins souffert que d'autres en 1982. Mais, pour l'essentiel, faute de réserves financières et monétaires suffisantes, alors que le taux d'imposition a atteint les limites du supportable, le pilotage de l'économie française restera étroitement dépendant de la reprise économique américaine, si elle se produit.