Journal de l'année 1er juillet - 31 décembre 1982 1982Éd. 1982

Conjoncture

La nouvelle politique économique

Sans changer les mots, la France a changé en juin 1982 de politique économique. Cette nouvelle orientation a été plus ou moins imposée par ses partenaires commerciaux lors de la deuxième dévaluation du franc du septennat, intervenue le 12 juin 1982.

La politique économique de juin à septembre 1981, fondée sur le soutien de l'activité économique par une relance de la consommation assurée par la revalorisation directe et indirecte des bas revenus, s'est heurtée en effet à un environnement international déclinant.

Le résultat ne s'est pas fait attendre. Il est illustré par deux statistiques : le déficit croissant du commerce extérieur, qui a dépassé les 10 milliards de F en avril 1982 ; l'évolution des prix, dont la décélération (de 11,5 % en rythme annuel de mars à juin, mais encore de 13,5 % sur un an) fut insuffisante par rapport à notre principal partenaire commercial, l'Allemagne fédérale (moins de 6 %). Le différentiel d'inflation, qui avait fluctué dans le passé entre — 1 % et + 3,4 %, atteignait alors 6 % avec la moyenne de nos partenaires commerciaux.

Le gouvernement français a donc donné un sérieux coup de barre pour amorcer une politique de rigueur, au moment même où la récession internationale entraînait l'activité économique vers une croissance zéro. La décision de bloquer immédiatement les prix et les salaires pendant trois mois et demi (11 juin-1er novembre) pour réduire les évolutions nominales, la réduction des ambitions budgétaires et sociales ne pouvaient que peser sur le dernier moteur de la croissance, celui de la consommation.

Toujours stimulée par les transferts sociaux, la consommation privée a encore progressé de 3,5 % au cours du premier semestre pour tomber à 0,5 % au troisième et au quatrième trimestre. Au total, la croissance de la consommation ne devrait pas avoir dépassé 2,75 % en 1982 — contre 2,2 % en 1981 — et serait ramenée autour de 1 % en 1983.

Le même phénomène devrait se produire dans la consommation publique, dont le taux de croissance stimulé par les créations d'emplois de la fonction publique devrait se situer autour de 3 % en 1982, pour redescendre à 2 % et peut-être moins en 1983.

Étant donné le recul des investissements (moins 5 %) et celui de la construction résidentielle, estimée initialement à 3 %, la croissance économique baisse de près de la moitié en 1982, avec un important contraste entre le premier semestre et le deuxième, qui a accentué les déséquilibres.

La pression persistante de la demande intérieure a entrainé une très vive accélération de la progression des importations au cours du premier semestre 1982, laquelle n'a pu être que partiellement résorbée au cours du second semestre. La dévaluation du franc et la réévaluation du mark n'ont joué que très faiblement tant sur le volume des importations que sur celui des exportations, alors que la hausse continue du dollar pesait lourdement sur les premières.

Commerce extérieur

Cette détérioration du commerce extérieur, complétée par un mouvement similaire sur la balance des services, pèse sur la monnaie, sur les prix et traduit la perte de substance des entreprises françaises.

La politique de contrôle des prix et des salaires mise en place le 11 juin 1982, complétée par une liberté conditionnelle à compter du 1er novembre 1982, a gelé la dérive entre les deux courbes, mais n'a pas amélioré la situation financière des entreprises. De ce fait, l'inflation sous-jacente est sans doute nettement supérieure à l'inflation nominale, ramenée à moins de 10 % en 1982, ce qui constitue un succès incontestable. Cette évolution qui devrait se confirmer en 1983, compte tenu d'un régime de blocages et de contraintes diverses, sans précédent, autorise à prévoir une hausse des prix de l'ordre de 8 à 9 %, ce qui laissera cependant subsister un écart de 4 % avec l'Allemagne fédérale, posant de ce fait le problème du franc.

Le gouvernement a donc décidé de durcir encore sa politique économique en procédant, notamment, à un relèvement de la fiscalité — par la réévaluation des taux de TVA — et à une augmentation du plafond des cotisations sociales, afin de rééquilibrer le régime général de la Sécurité sociale. Parallèlement, il a annulé 15 milliards de dépenses budgétaires, entrepris une réforme du financement du chômage et une révision complète des dépenses maladies.