Ventes

Stagnation et records inattendus

Le coup d'arrêt à l'expansion observé au cours du premier semestre 1982 a provoqué un effort très sensible de l'ensemble des commissaires-priseurs français pour redresser la situation en fin d'année.

Devant l'attitude des propriétaires de meubles et objets d'art qui préfèrent conserver des valeurs sûres — d'autant qu'elles échappent à l'impôt sur les grandes fortunes —, les entreprises de ventes ont prospecté de nouveaux secteurs de la curiosité, tout en s'appuyant sur les biens artistiques traditionnels restés disponibles.

Insolites

C'est ainsi qu'au Nouveau Drouot ont eu lieu des ventes insolites consacrées aux souvenirs polaires de Paul-Émile Victor, à l'art eskimo, aux billets de banque, aux collections de photos, aux objets d'art populaire, aux vieilles voitures. On en retiendra quelques records inattendus : 35 500 F pour une petite œuvre de maîtrise, 100 000 F pour un billet de monnoie de 200 livres, daté de 1707, 125 000 F pour un daguerréotype de 1842, 650 000 F pour un faux cabriolet Bugatti, de 1930, et 175 000 F pour un taxi Renault qui a (peut-être) participé à la victoire de la Marne.

Dans les secteurs traditionnels, la fin de l'année s'est caractérisée par un écart de plus en plus marqué entre les très fortes enchères obtenues par les pièces de très haute qualité et la médiocrité de la demande pour les meubles et objets courants.

Pour tenter d'animer le marché, les commissaires-priseurs parisiens ont instauré pour la première fois, le 7 novembre 1982, une vente du dimanche regroupant quelques spécialités telles que l'argenterie, la céramique, les tapis, les jouets anciens et les vins. Une forte affluence a permis de soutenir les prix des marchandises de qualité moyenne dédaignées par les marchands qui fréquentent habituellement l'hôtel Drouot.

Rivalités

Il n'en reste pas moins que les ébénisteries du XVIIIe siècle sans originalité particulière trouvent difficilement preneurs, tandis que les meubles rares et précieux attirent des acheteurs de tous pays et provoquent des rivalités d'enchères au plus haut niveau.

Cette recherche de valeurs internationales fait émigrer à Londres ou à Monte-Carlo les plus beaux meubles et les œuvres les plus séduisantes.

Le meuble le plus cher du millésime 82 est un secrétaire d'époque Louis XVI en laque du Japon de Martin Carlin, adjugé 626 400 livres (frais compris), le 9 décembre chez Christie's — soit 7 000 000 de F.

Une splendide commode Régence attribuée à Cressent a obtenu 650 000 F à Monte-Carlo, le 12 décembre 1982 (Mes Ader-Picard-Tajan).

Les cours des meubles de l'époque 1930 sont restés d'autre part bien soutenus, comme on l'a vu pour une commode de Leleu présentée à Lyon le 1er décembre et achetée 225 000 F par un amateur américain.

Les livres et les autographes valent à la France une primauté artistique et intellectuelle incontestable. Une lettre de Baudelaire relative aux Fleurs du mal a atteint 160 000 F à Drouot le 23 novembre, et le merveilleux Sonnet des voyelles d'Arthur Rimbaud a été enlevé à 330 000 F par la bibliothèque de Charleville, sa ville natale.

La correspondance amoureuse de Paul Valéry jetée sur le marché sans la moindre pudeur a intéressé une université japonaise qui a poussé à 650 000 F une suite de petits poèmes dactylographiés sans grand intérêt, mais inédits (Monte-Carlo, 2 octobre).

Deux spécialités maintiennent à Paris des cotes élevées :
– l'horlogerie avec une enchère de 470 000 F pour un régulateur Louis XVI parti pour les États-Unis (10 novembre) ;
– les poupées, avec une offre de 160 000 F pour une élégante de marque BRU avec son trousseau (Drouot, 7 novembre).

Les ventes d'orfèvrerie ancienne ont fait de Genève leur place forte, où les records se succèdent d'une saison à l'autre. Le prix le plus fort pour une pièce d'argenterie française du XIXe s. a atteint 525 000 francs suisses soit 923 000 F pour un pot à oille de J-B. C. Odiot (Sotheby, 25 novembre).

Quant aux tableaux qui continuent à déplacer amateurs ou spéculateurs internationaux, ils suscitent des enchères spectaculaires aussi bien à Paris qu'à Londres ou New York.