Le vote va s'opérer en deux temps : neuf Régions voteront le 6 avril – l'Alsace, l'Aquitaine, la Bretagne, le Centre, la Corse, l'Île-de-France (ouest), le Limousin, la Basse-Normandie et les Pays de la Loire ; les autres régions voteront le dimanche suivant. Le découpage correspond aux régions administratives, sauf pour l'Île-de-France, qui est découpée en trois. La composition du bureau du CFCM a déjà été décidée le 20 décembre à Nainville-les-Roches, mais le scrutin va permettre de connaître les tendances des lieux de cultes au plan national. Les élections ont donc lieu aux dates prévues. Le grand mérite de ce scrutin, commentent les observateurs, est d'avoir abouti. Car la première victoire du CFCM est d'abord symbolique. Ce succès est toutefois confirmé par la très forte participation au vote, supérieure à 88,5 %. Les résultats sont sans surprise : ils consacrent la défaite de la Mosquée de Paris. Le gagnant officiel du scrutin est la Fédération nationale des musulmans de France (FNMF), soutenue par le Maroc et plus traditionaliste que la Mosquée de Paris : elle obtient 16 sièges sur 41 au conseil d'administration du CFCM. Mais, pour beaucoup, c'est l'UOIF, proches des Frères musulmans, et très active en banlieue, qui sort vainqueur. Elle obtient 13 sièges au conseil d'administration (contre 6 seulement pour la Mosquée de Paris) et remporte la présidence de trois des conseils régionaux du culte musulman (CRCM) les plus importants : l'Île-de-France centre (Paris et la petite couronne), la Région PACA et l'Alsace. En tout état de cause, le vote est historique puisque, pour la première fois, les musulmans de France ont élu leurs propres instances de représentation en désignant, pour partie, les membres du tout nouveau CFCM. Visage officiel de la seconde religion de France, cette structure, dont les membres ont été élus pour deux ans, sera l'interlocuteur des pouvoirs publics, à l'échelon national et régional, pour tout ce qui touche de près ou de loin au culte musulman : la formation des imams en France, la construction des mosquées, l'organisation des fêtes religieuses comme celle de l'Aïd-el-Kébir, l'envoi des aumôniers musulmans dans les prisons.

Les autres grandes confessions religieuses expriment leur satisfaction, à l'issue de ces élections qui dotent enfin la France d'un corps représentatif pour l'organisation du culte musulman. Le grand rabbin de France, Joseph Sitruk, se félicite que le gouvernement ait pu mener à bien ce projet. Il ajoute toutefois que cette « représentation logique des fidèles musulmans ne s'étend pas à tous les musulmans, qui sont des citoyens comme les autres, mais seulement à ceux qui s'intéressent aux questions religieuses ». Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, met en garde, lui aussi, contre la tentation de poser la question de l'immigration maghrébine en la réduisant à celle de l'islam.

L'organisation du CFCM

L'instance représentative des musulmans de France est composée par le CFCM et les 25 CRCM (un par Région administrative).
Le premier est chargé de définir les orientations de principe et de dialoguer avec les pouvoirs publics au niveau ministériel. Les CRCM sont chargés d'appliquer ces principes et de dialoguer au niveau local. Le CFCM exerce un droit de suspension d'une décision d'un CRCM.

Le CFCM est composé de trois instances :
une assemblée générale de 197 membres (dont les trois quarts sont élus),
un conseil d'administration de 64 membres (dont les deux tiers sont élus),
un bureau élu par le conseil d'administration.

Les 25 CRCM comprennent trois instances :
une assemblée générale composée par les délégués des lieux de culte de la région (leur nombre est proportionnel à la superficie de la salle de prière),
un conseil d'administration,
un bureau élu par les délégués.

Le bureau du CFCM

Président
Dalil Boubakeur (Mosquée de Paris)

Vice-présidents
Fouad Alaoui (UOIF) et Mohamed Bechari (FNMF)

7 représentants des grandes fédérations
Mosquée de Paris (GMP) : dirigée par Dalil Boubakeur, elle prône un islam modéré. Inaugurée en 1926, sous contrôle du gouvernement algérien, elle gère une centaine de lieux de culte.
Union des organisations islamiques de France (UOIF) : soutenue par les pays du Golfe, elle est proche des Frères musulmans qui prônent la « réislamisation par le bas » de la société.
Fédération nationale des musulmans de France (FNMF) : ses cadres, soutenus par le Maroc, défendent un islam traditionaliste.
Invitation et mission pour la foi et la pratique : mouvement piétiste prosélyte et fondamentaliste.
Fédération française des associations islamiques d'Afrique, des Comores et des Antilles (FFAIACA) : représente un islam africain éparpillé et peu organisé.
Comité de coordination des musulmans turcs de France (CCMTF) : contrôlé par la Turquie, il est surtout implanté dans l'est de la France.