Journal de l'année Édition 2004 2004Éd. 2004

Coupe du monde (du 10 octobre au 22 novembre en Australie)

Passée l'indigeste phase éliminatoire, la Coupe du monde a offert du spectacle et une finale à suspense, dénouée dans la dernière minute des prolongations. Pour la première fois, la Coupe Webb Ellis déménage dans l'hémisphère Nord grâce à la victoire des Anglais sur les tenants du titre et organisateurs australiens. Un triomphe logique.

L'Angleterre ne l'a pas volé

Durant des semaines, ses supporters ont tremblé au souvenir des dernières marches sur lesquelles le XV de la Rose a souvent trébuché. « Si l'on ne gagne pas celle-là », entendait-on de Londres à Sydney, « on ne gagnera jamais. »

Mais les Anglais l'ont fait, confirmant leur suprématie sur le rugby mondial et leur statut de favoris. Auteurs du Grand Chelem dans le tournoi des Six-Nations en 2003, ils restaient sur quatre succès consécutifs devant leurs rivaux de la finale, les Australiens, battus 20 à 17 après prolongations (14-14 après 80 min). Mieux, depuis février 2000, les Anglais avaient remporté 42 victoires en 47 matches.

Priorité absolue de l'entraîneur Clive Woodward depuis son arrivée aux commandes en 1997, ce premier titre mondial est le fruit de l'expérience des cadres de l'équipe à qui il a conservé sa confiance contre vents et marées. Mais il est surtout dû au talent d'un homme, Jonny Wilkinson, buteur exceptionnel – avec 113 points réussis durant la compétition –, excellent organisateur de l'attaque et élu meilleur joueur de l'année par la fédération internationale.

La victoire de l'Angleterre, c'est également celle d'une certaine philosophie basée sur la défense, d'un jeu de plus en plus technique et de moins en moins spectaculaire. « Ennuyeux », disait, au lendemain de la défaite de son équipe, une presse australienne immédiatement remise en place par Clive Woodward : « Et alors ? Cette méthode nous permet de gagner. »

France : Les espoirs déçus

Avant d'en arriver à ce dénouement, finalement attendu, la Ve Coupe du monde avait, comme les précédentes, souligné le fossé entre les cinq à six meilleures équipes et le reste du monde en proposant des rencontres bien insipides lors des matches de poule – si l'on excepte Angleterre-Afrique du Sud (25-9) ou le très serré Irlande-Australie (17-16). Les 40 premières rencontres du Mondial se sont conclues sur des résultats sans surprise et, parfois, de véritables raclées comme celle reçue par la Namibie de la part de l'Australie (142 à 0). Il a fallu attendre les quarts de finale pour réellement trembler et s'enflammer, notamment lorsque la France a corrigé l'Irlande 43 à 21, réveillant les espoirs de ses supporters. Après le jeu produit par les hommes de Bernard Laporte, on s'est en effet mis à rêver d'un bégaiement de l'histoire, quatre ans après la victoire historique en demi-finale du Mondial sur les All Blacks. Mais en demi-finales, les Anglais étaient bien trop forts pour des Bleus en panne de forme, finalement battus 24 à 7. Impérial lors des premiers matches, le buteur métronome Frédéric Michalak, deuxième meilleur marqueur derrière Wilkinson avec 103 points, avait perdu son rythme sous la pluie de Sydney.

Démotivés, représentés par leur équipe réserve, les Français recevaient même une raclée de la part des Néo-Zélandais lors du match pour la 3e place (40-13), leur plus large défaite lors d'une Coupe du monde.

Le Sud bredouille

Outre l'Afrique du Sud, loin du niveau qui lui avait permis de conquérir le trophée mondial chez elle en 1995, les équipes de l'hémisphère Sud espéraient mieux de ce Mondial. Jamais en effet la Coupe Webb Ellis n'avait franchi l'équateur en seize ans d'existence. L'Australie, victorieuse en 1991 et 1999, voulait être la première nation à conserver son titre. Elle n'est pas passé loin, trébuchant sur le pied magique du buteur Wilkinson, le style de joueur qui, justement, aurait pu permettre aux Walabies d'améliorer leur efficacité au jeu au pied. Développant un jeu offensif jusqu'à sa demi-finale, l'Australie s'est ensuite repliée sur une stratégie défensive pour les deux derniers matches.

La Nouvelle-Zélande, lauréate de la première édition en 1987 et malheureuse depuis lors, est, quant à elle, restée fidèle à son nouveau style. Auteurs du plus grand nombre de points et d'essais, les Blacks ont toutefois négligé l'indispensable jeu défensif à la faveur du beau geste et du spectacle, symbolisés par Doug Howlett, Mils Muliaina et Joe Rokocoko, auteurs de 20 essais à eux trois. Une attitude pleine de panache, certes, mais qui ne compte guère à l'heure des bilans.