Le critère principal de jugement de l'étude DHE-ge était l'amélioration du score sur l'échelle de sensation de bien-être. De ce point de vue, « aucun effet positif n'a été mis en évidence ni dans la population globale, ni dans aucun des sous-groupes étudiés », ont rapporté les experts de l'Afssaps. Ils ajoutaient : « Des effets positifs ont été mis en évidence pour des critères secondaires, dans des sous-groupes particuliers, avec des résultats parfois discordants (densité osseuse, peau, libido). On ne peut éliminer que ces effets bénéfiques soient liés au hasard, compte tenu de la multiplicité des paramètres étudiés et comparaisons effectuées. » En l'occurrence, les experts ne partageaient pas la présentation des résultats par les auteurs de l'étude, car l'analyse des données n'était pas effectuée sur l'ensemble de la population, mais seulement sur des sous-groupes. Les auteurs de l'étude aboutissaient ainsi à 120 comparaisons initiales, dont une seule – l'augmentation de la production de sébum sur la peau des femmes de plus de 70 ans prenant de la DHEA – atteignait une puissance statistique suffisante pour être significative. Or, plus on multiplie ces comparaisons, plus il y a de chances de trouver des différences statistiquement significatives, même si cela est dû au hasard.

« Aucune preuve formelle d'efficacité »

Entre 30 000 et 40 000 personnes sous DHEA en France, en 2002

C'est pourquoi le rapport de l'Afssaps du 3 juillet 2001 concluait : « Au total, aucune preuve formelle d'efficacité dans les pathologies associées au vieillissement n'a été établie, même si des pistes peuvent mériter des études ultérieures. » Concernant la sécurité d'emploi de la DHEA, le rapport notait : « Toutes les données de tolérance analysées confirment que la DHEA diminue le HDL-cholestérol : cet effet peut être expliqué par l'effet androgène du produit. Les conséquences cardio-vasculaires potentielles d'une telle baisse sont à évaluer et à prendre en compte pour une substance destinée à être utilisée au long cours. » Par ailleurs, les experts signalaient que « le risque d'induction et/ou d'aggravation de cancers hormono-dépendants (sein, endomètre [utérus] et prostate) ne peut être exclu, notamment dans des situations d'utilisation à long terme. Ce risque justifierait un dépistage et une surveillance adaptée de tous les sujets exposés à la DHEA. »

Sur la base des données disponibles, le groupe d'experts concluait « que les effets potentiels défavorables d'une baisse du HDL-cholestérol ainsi que les risques potentiels de cancers hormono-dépendants ne sont pas contrebalancés par un effet clinique actuellement démontré. Dans l'attente d'une telle démonstration, il n'est pas possible de recommander l'utilisation proposée aujourd'hui de la DHEA dans la lutte contre le vieillissement. » Sur la base de ce rapport, l'Afssaps estimait que « l'utilisation de la DHEA doit être assujettie à la réglementation du médicament et qu'une information des professionnels de santé et du public doit être faite. » Les professeurs Baulieu et Forette se déclarèrent « heureux » que l'Afssaps ait « enfin fait le choix » de considérer la DHEA comme un médicament, statut permettant de mieux garantir la qualité du produit et de mieux le contrôler. La réglementation française n'interdisant pas l'utilisation de la DHEA en tant que matière première, chacun pouvait jusque-là faire effectuer par son pharmacien une « préparation magistrale » sur la base d'une ordonnance médicale. Un industriel de la région parisienne, la société Cooper, avait fait savoir qu'il était en mesure de répondre à la demande en grande quantité de la matière nécessaire à la préparation de DHEA. De son côté, le Conseil national de l'Ordre des médecins recommandait la prudence aux consommateurs éventuels de la DHEA et « aux médecins de ne pas répondre favorablement aux sollicitations de ces demandeurs », rappelant aux praticiens « qu'ils engagent leur responsabilité par leur prescription si des complications ultérieures étaient attribuées à la prise de ce produit ». Ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner suivit l'avis de l'agence et, depuis juillet 2001, la DHEA a le statut de médicament, même s'il n'est autorisé pour l'instant dans aucune indication précise.