Les craintes liées à la sécurité se sont aussi révélées largement infondées. Dans les banques, obligées de gérer des fonds en francs et en euros, dans les transports routiers, responsables de l'acheminement des anciennes et des nouvelles coupures, le nombre et le montant des infractions ne semblent pas avoir dépassé la moyenne des années précédentes. Et ce n'est qu'en juillet 2002 que le premier réseau important de faux billets a été dénoncé. Il faut dire que les concepteurs de l'euro s'étaient vantés d'une qualité de billets pratiquement impossibles à contrefaire, grâce à l'utilisation d'hologrammes, d'encres à effets d'optique, et à la présence obligatoire de sept signes de sécurité distincts, décourageants pour les faussaires. Les anciens billets de francs allaient pour leur part être « trouillotés » (perforés) par les banques, puis détruits pas la Banque de France.

Quant aux pièces, avec leur face nationale différente dans chacun des douze pays, mais pouvant circuler dans toute la zone, elles n'ont pas non plus subi de contrefaçons notables. Les emblèmes étrangers, comme le « ecce homo » de Léonard de Vinci sur les pièces italiennes d'un euro, sont même devenus des objets de collection pour les jeunes Européens. La Direction des monnaies et médailles s'est pour sa part chargée de fondre et d'écouler dans les Domaines publics les stocks de métal issus des anciennes pièces. Les survivantes font déjà le bonheur des numismates (les collectionneurs de monnaies).

Quelques mois après cette révolution monétaire, l'euro a donc été bien accepté des populations. Il faut dire qu'il avait commencé en janvier 1999 à prendre sa place, sur le plan scriptural (des écritures), dans les entreprises et parmi les instruments financiers traditionnels : comptabilité, salaires, assurances, instruments bancaires, titres boursiers.. Même la Grèce, dernier pays accueilli dans la zone euro (janvier 2001), a bien réussi la transition. L'Espagne et, surtout, l'Italie en ont profité pour retrouver une plus simple valeur de leur monnaie (il fallait 166,38 pesetas, 1 936,27 lires pour acheter un euro).

À l'extérieur de la zone euro, la faiblesse tant déplorée du cours de change en début d'année (un dollar valait 1,16 euro en janvier 2002 et 0,85 à peine en avril) était pratiquement enrayée au deuxième semestre 2002, avec le franchissement de la barre psychologique de un euro pour un dollar, bien pratique pour les touristes. Compte tenu du succès rencontré par l'euro, les trois pays de l'Union qui avaient choisi de ne pas participer à l'opération (Grande-Bretagne, Suède et Danemark) réfléchissent à leur intégration, à l'image de l'enthousiaste Premier ministre britannique Tony Blair.

L'introduction des pièces et des billets (l'euro fiduciaire) a tout de même donné lieu à des erreurs et à des incompréhensions nouvelles. Les Européens ont découvert que l'usage international de l'euro n'était pas encore total, même au sein de la zone. Que les Français par exemple, grands utilisateurs de chèques, ne s'avisent pas d'utiliser leurs nouveaux carnets en euros avec l'étranger, ils devraient payer des commissions bancaires très élevées : 13 euros pour un chèque postal émis au profit d'un bénéficiaire hors de France. Qu'ils ne profitent pas non plus de leurs vacances passées en Italie pour se constituer un stock de timbres moins chers : de retour chez eux, le bureau local refuserait d'acheminer leurs envois, la Poste française n'ayant pas perçu le montant des vignettes (un timbre ordinaire coûte 46 centimes d'euros en France, 41 centimes en Italie, 55 en Allemagne).

Les « critères de convergence »

Le taux de change des candidats à l'UE est déjà arrimé sur l'euro.

Si tous les citoyens européens semblent avoir facilement adopté l'euro, la balle revient, courant 2002, dans le camp des économistes. La Banque centrale européenne, basée à Francfort (Allemagne) et dirigée par le Néerlandais Wim Duisenberg, avait promis que l'euro serait une monnaie forte, face au dollar notamment. Unanimement reconnu comme l'une des trois premières devises mondiales, aux côtés du dollar et du yen, l'euro n'a peut-être pas encore trouvé sa valeur idéale.