5. L'effondrement du PC et la percée de l'extrême gauche

Avec 3,37 % des suffrages exprimés, Robert Hue décroche le pire score jamais enregistré par le Parti communiste et le met au bord de la faillite financière. Le PC, allié traditionnel du PS, n'est plus qu'une force d'appoint agonisante. Il est établi que l'électorat populaire a changé de camp et ne se reconnaît plus dans un parti sans véritable idéologie et lié à une gauche embourgeoisée. Ces déçus grossissent les rangs des supporteurs de Le Pen. Mais si Le Pen en récupère beaucoup il ne rafle pas toute la mise : une partie de l'héritage communiste revient, en effet, à l'extrême gauche. Ses deux champions, l'inoxydable Arlette Laguiller pour Lutte ouvrière et le jeune postier Olivier Besancenot pour la Ligue communiste révolutionnaire, réunissent à eux deux plus de 10 % des suffrages. Et, fait historique, ils sont devant le candidat du Parti communiste. Arlette Laguiller est même un temps créditée à elle seule de 10 % des intentions de vote ! Sans doute y a-t-il là un phénomène de mode initié par les fameux « bobo » (les bourgeois bohèmes). Il n'empêche : ces votes pour des mouvements protestataires qui rêvent toujours du « Grand Soir » traduisent là encore l'inadéquation de l'offre politique des partis traditionnels. Et l'incompréhension qui s'établit entre les Français et ceux qui les gouvernent.

6. La résurrection de Le Pen

On le donnait mort politiquement après son échec aux élections européennes de 1999. On l'imaginait difficilement candidat à la présidentielle après ses ennuis judiciaires. Et le voilà qui resurgit !

Sur le fond, il n'a pas changé. Mais il affiche un nouveau « look » plus rassurant, un discours plus consensuel et policé et, surtout, a en main un thème de campagne utilisé par Jacques Chirac pour mettre en difficulté les socialistes trop « angéliques » en la matière : l'insécurité. En faisant de l'insécurité un des axes forts de ses discours, le président-candidat à son corps défendant « dédouane » le leader d'extrême droite. Or surfer sur les peurs des Français, Jean-Marie Le Pen connaît. Il excelle même depuis longtemps dans l'exercice, d'autant qu'il aura été servi par une actualité particulièrement porteuse relayée avec une certaine complaisance par plusieurs médias. Son fonds de commerce est assuré. Il fera florès.

Bernard Mazières

Le mythe du troisième homme

Ils se voyaient en haut de l'affiche, jouer les trouble-fête dans la cour des grands et incarner une alternative crédible au duel présidentiel trop longtemps programmé à l'avance entre Jacques Chirac et Lionel Jospin. Ils, ce sont le souverainiste Jean-Pierre Chevènement et le centriste François Bayrou.

À soixante-trois ans, l'ancien ministre de l'Intérieur de Lionel Jospin se veut un destin. Farouche défenseur de la République et de ses valeurs, souhaitant, selon son expression, « turbuler le système », il a pour ambition de rassembler les républicains des « deux rives ». Ceux qui, à droite comme à gauche, refusent la mondialisation et les abandons de souveraineté. Son discours gaullien plaît. En janvier, à trois mois du premier tour et alors que Jacques Chirac et Lionel Jospin ne se sont pas encore déclarés, les sondages le créditent même de 14 % d'intentions de vote. Las. Le phénomène fera long feu. Renvoyant dos à dos tout au long de sa campagne Chirac et Jospin, flanqué de supporteurs hétéroclites (allant des gaullistes historiques aux amis de Charles Pasqua), il n'obtiendra que 5,33 % des suffrages. Un échec.

À cinquante ans, le président de l'UDF François Bayrou veut prendre date. Et, au lendemain du premier tour, négocier son ralliement au président élu. Qu'il soit de droite ou de gauche. Raté ! Premier des candidats à se déclarer, il fera longtemps campagne dans l'indifférence. Refusant l'hégémonie chiraquienne et soucieux de se différencier pour exister, il s'en prend plus souvent à Chirac qu'à Jospin. Résultat : il trouble ses troupes. Décrochant à l'arrivée 6,84 % des suffrages, il sauve l'honneur (et les finances) de son camp. Mais, compte tenu du duel Chirac-Le Pen au second tour, il n'a rien à monnayer. Et abandonne toute ambition d'être le pivot de la nouvelle majorité.