Journal de l'année Édition 2003 2003Éd. 2003

Le pape sévit contre le clergé pédophile

Suscitant l'indignation de l'opinion américaine, les scandales liés aux pratiques pédophiles de certains prêtres catholiques ont contraint le Vatican à sortir de sa réserve traditionnelle concernant les questions de discipline ecclésiastique.

Le scandale des prêtres pédophiles a fait naître, outre-Atlantique, une vague d'indignation qui risquait de ternir durablement le prestige de l'Église catholique. L'avalanche de plaintes visant des membres du clergé ne permettait plus à ce dossier de rester confiné dans le secret des confessionnaux. La menace qui commençait à peser sur la hiérarchie a contraint le Vatican à sortir de sa réserve canonique pour annoncer des mesures disciplinaires contre ses brebis galeuses.

Une complaisance coupable

Depuis le scandale provoqué fin février, à Boston, par la condamnation à dix ans de prison d'un prêtre défroqué, John Geoghan, pour pédophilie, l'Église ne pouvait rester à la traîne de la justice des hommes. Elle se devait de traduire en actes les propos du pape Jean-Paul II, qui a souvent dénoncé les prêtres ayant « trahi » leurs engagements, et exprimé sa compassion pour leurs victimes. D'autant qu'après avoir feint de tout ignorer, le cardinal Bernard Law, archevêque de Boston, diocèse le plus touché par le scandale, a finalement livré à la justice les noms de 80 prêtres accusés d'abus sexuels sur des enfants. Cette politique de transparence adoptée par le cardinal Law, l'un des hommes les plus proches du pape aux États-Unis, n'a cependant pas eu les effets escomptés par la hiérarchie américaine. Les enquêtes ont révélé que plusieurs autres membres de l'épiscopat avaient couvert des agissements pédophiles, y compris chez des prêtres récidivistes comme Paul Shanley, accusé d'agressions sur 26 enfants. L'archevêque de Boston, que beaucoup pressaient de démissionner, n'est donc pas seul en cause pour cette complaisance coupable. Des accusations visent l'archevêque de Los Angeles, Mgr Roger Mahony, celui de New York, le cardinal Edward Egan, ou encore l'archevêque de Milwaukee, Mgr Rambert Weakland.

Recevant à Rome, le 13 avril 2002, Mgr Wilton Gregory, président de la conférence épiscopale des États-Unis, Jean-Paul II avait réaffirmé sa solidarité avec les responsables diocésains contraints au secret, tout en prônant une ligne de fermeté. Celle-ci s'est traduite, le 24 avril, à l'issue de deux jours de réunion des treize cardinaux américains autour du pape et de la curie romaine au Vatican, par l'adoption d'un plan sans précédent dit de « tolérance zéro ». Toutefois, les moyens d'application de cette « tolérance zéro » aux membres du clergé coupables de ce « péché épouvantable » dénoncé par le pape lors de la réunion n'ont satisfait qu'en partie l'épiscopat américain. Ils ont également déçu l'opinion américaine qui réclamait des sanctions plus fermes comme l'exclusion automatique du sacerdoce des prêtres pédophiles, dès la première faute. Le plan du Vatican n'envisage en effet l'exclusion qu'en ultime recours, au terme d'une « procédure spéciale » comprenant un examen au cas par cas. Cette nouvelle approche de la discipline sacerdotale exclut toutefois d'étouffer les scandales en procédant à la simple mutation des prêtres suspects, une pratique facilitant la récidive qui avait été pour beaucoup dans l'exaspération des fidèles. Ces mesures marquent une évolution certaine pour une Église arc-boutée sur un droit canon qu'elle répugne à modifier.

Un code de conduite sévère

De retour aux États-Unis, les cardinaux américains étaient chargés de présenter à leurs évêques ainsi qu'à l'opinion le compromis élaboré au Vatican, tout en tentant de remettre de l'ordre dans les rangs d'un clergé décimé par le scandale – près de 250 suspensions ou démissions ont été enregistrées depuis le début de l'année. Après Mgr Anthony O'Connel, évêque de Palm Beach (Floride), le 8 mars, puis Mgr Rambert Weakland, l'archevêque de Milwaukee, le 24 mai, tous deux accusés d'agressions sexuelles, c'était au tour de l'évêque de Lexington, Mgr Kendrick Williams, de voir sa démission acceptée par le pape, le 11 juin.