Aux effets d'une inégalité exceptionnelle de la distribution des richesses s'ajoutent, depuis le milieu de l'année 1998, les conséquences d'une récession sans précédent qui a frappé l'économie jusqu'en 2000. Le programme d'ajustement proposé par le FMI et appliqué par le gouvernement n'a pas réussi à redresser la situation, bien au contraire. Cette situation a renforcé le rejet par la population, y compris par les Indiens de la forêt amazonienne, des entreprises étrangères implantées dans le pays. Le chômage et le sous-emploi frappent à présent plus de la moitié de la population active, et 80 % des salariés gagnent moins de 270 euros par mois. Sur 43 millions d'habitants que compte le pays, plus de 27 millions ne disposent que d'environ 2 euros par personne et par jour pour survivre. Le mécontentement se généralise et l'idée que seule une issue militaire à la crise est envisageable gagne du terrain.

Pablo F. Luna

L'otage monnaie d'échange

Ingrid Betancourt a été enlevée par les FARC en février, alors que le gouvernement colombien venait de mettre un terme aux négociations avec la guérilla. Elle avait voulu devancer le président Andres Pastrana et les représentants de l'armée et atteindre la première la ville de San Vicente del Caguán, symbole de la reconquête militaire des territoires contrôlés par la guérilla. Connue pour ses coups politiques et médiatiques, la candidate à l'élection présidentielle comptait sur cet exploit pour faire remonter dans les sondages sa cote jusque-là au plus bas – 0,2 %. Pour les FARC, elle représentait une « pêche miraculeuse ». Ingrid Betancourt appartient, avec des ministres, d'autres parlementaires et des officiers de l'armée, à un groupe d'otages que les FARC ont proposé d'échanger contre des dirigeants guérilleros emprisonnés et l'adoption d'une loi générale sur les prisonniers de guerre. La guérilla a accordé un délai d'un an à l'État colombien pour satisfaire ses exigences. Diplômée de l'Institut d'études politiques de Paris, mariée à un fonctionnaire du Quai d'Orsay dont elle a depuis lors divorce, ancienne élue du Sénat colombien, Ingrid Betancourt possède la double nationalité. Elle est l'auteur de la Rage au cœur, best-seller en France avec plus de 120 000 exemplaires vendus, dans lequel elle dénonce la corruption de la classe politique colombienne, ce qui ne lui a pas valu que des amis dans son pays d'origine.