L'Opéra de Nancy a inscrit à son répertoire le chef-d'œuvre de Leos Janácek, Jenufa. Cette partition exceptionnelle par le traitement proprement unique du verbe qui, l'air de rien, se fait mélodie sur laquelle se fond l'orchestre, est théâtre authentique, Janácek ayant écrit une musique si naturellement dramatique que la langue se fait musique. Au point que l'on ne sait d'où naît le chant. Avoir confié à un homme de théâtre, Jean-Louis Martinelli, directeur du Théâtre des Amandiers de Nanterre, sa première mise en scène lyrique dans un tel cadre est une excellente initiative.

Dans la vision de Stéphane Braunschweig d'Elektra de Richard Strauss, présentée à l'Opéra de Strasbourg, l'action se déroule dans les appartements du palais de Mycènes, qui semblent être les arcanes de la tête d'Elektra. Le plateau est rouge sang, avec deux taches immaculées, au fond ou côté jardin, une porte blanche au miroir sans tain révèle un escalier sur lequel est tapie Elektra, tandis que les servantes évoquent sa fureur frénétique. Portée par l'acuité de l'analyse de Braunschweig, la distribution exalte l'essence même des héros.

Entre deux volets de l'Anneau du Nibelung, commencé en 1999 et qui s'achèvera au printemps 2003, Nicolas Joël poursuit au Capitale de Toulouse l'édification de ce qui s'annonce comme une intégrale Wagner. « Tombé dans Wagner » en assistant Patrice Chéreau pour le Ring du Centenaire à Bayreuth en 1976, Joël prend dans ce même répertoire le contre-pied de son maître, comme pour s'auto-administrer un antidote. Les Maîtres chanteurs est l'un des opéras du répertoire les plus difficiles à monter, tant il est chargé de terribles traditions, puisqu'il s'agit de chanter l'Allemagne ancestrale dont le national-socialisme a fait son miel pour échafauder l'effroyable concept de « race supérieure ».

Pour l'ouverture en octobre de sa dernière saison à la tête de l'Opéra de Lyon, Alain Durel a programmé le Chevalier à la rose de Richard Strauss, hymne érigé par le compositeur bavarois et le poète autrichien Hugo von Hofmannsthal à la gloire de la Vienne capitale de l'empire triomphant des Habsbourg. Cet ouvrage aura vingt ans plus tard pour pendant Arabella, dont le cadre est la Vienne dégénérescente de ce même empire.

Musique d'aujourd'hui

Entrée à Bastille de la Médée de Rolf Liebermann

Si la création s'est faite plus rare sur la scène lyrique française que l'an dernier, retenons néanmoins l'entrée à l'Opéra-Bastille de la Médée de Rolf Liebermann. Hugues Gall rendait ainsi à son maître ès direction de théâtre lyrique un hommage à la hauteur du renouveau que ce dernier impulsa à l'Opéra de Paris, entre 1973 et 1980. C'est à un autre fidèle du compositeur qu'a été confiée la mise en scène de l'ouvrage, l'Argentin Jorge Lavelli. C'est la dernière mouture de l'ultime ouvrage de Liebermann qu'a retenue l'Opéra de Paris. Jorge Lavelli a été également l'hôte du Teatro Real de Madrid pour la mise en scène de l'un des rares ouvrages scéniques de Xavier Montsalvage. Cette production de Babel 46 allait s'avérer être l'ultime hommage à l'un des grands compositeurs catalans du xxe siècle, qui devait disparaître le 7 mai.

Création majeure du millésime 2002, Ballata, du jeune compositeur italien Luca Francesconi (1956), a été proposé par l'Opéra de Bruxelles. Des grandes salles lyriques d'Europe, le Théâtre de la Monnaie est incontestablement l'une des plus novatrices.

Ballata est tiré d'un classique de la littérature anglo-saxonne, le Dit du Vieux Marin (1798) de Coleridge. Contant les mésaventures d'un navire qui, après avoir fait voile vers l'équateur, fut poussé par les tempêtes vers les régions froides du pôle Sud à la suite de l'exaction d'un marin sur un albatros, le livret d'Umberto Fiori a suscité une partition polychrome de deux heures réparties en deux actes contrastés. L'efficacité de la mise en scène de l'Allemand Achim Freyer est singulièrement adaptée à l'ouvrage. La direction à la fois précise et nuancée du nouveau directeur musical de La Monnaie, le Japonais Kazushi Ono, a fait le reste.

Hauts et bas à l'Opéra de Paris

Un réjouissant Barbier de Séville mis en scène par Coline Serreau