Le Salon du Wurtemberg (1986), les Escaliers de Chambord (1989) lui apporteront la reconnaissance de ses pairs, sans pour autant lui valoir de prix... Il devra attendre d'être couronné par l'Académie française en 1998 pour son Terrasse à Rome.

Son œuvre se veut à l'écart des modes et son dernier projet se présente comme un jeu narcissique avec la mémoire, le style et l'idée qu'il peut se faire de lui-même. C'est une suite de maximes, d'aphorismes, d'historiettes où il ne se sent pas contraint par « les commandements du langage ». Certains critiques voient en lui un descendant de Montaigne se peignant par ses humeurs, mais si sagesse il y a, elle est avant tout fondée sur un retrait des tumultes du monde et sur le charme de l'écoute des bribes de musique de l'âme.

Enfermement

La subjectivité est aisément blessée et souvent sans réponse devant les menaces du siècle. Elle peut se complaire alors à décrire l'enfermement. Éric Pessant dans Chambre avec gisant pétrifie tout espoir pour son héros allongé sur son lit et que personne ne pourra plus lever. La seule réponse à la pesanteur de l'existence se résume à la question sinistre : « Pourquoi continuer ? » Françoise Chandernagor a recours à l'histoire dans la Chambre pour décrire avec minutie l'agonie lente du délaissement du petit Louis XVII. Dans la Petite Chartreuse, Pierre Péju met son héros en présence d'une enfant cloîtrée, mais si la violence faite à l'enfance est présente, une ombre de sérénité se dégage de cette rencontre, comme si l'enfermement pouvait aussi porter ses fruits et faire oublier les querelles sauvages du monde extérieur. Alain Roehr (Chambres obscures) se love dans les replis souterrains du métro pour la marche en aveugle d'un fils à la recherche de son père.

Par contre, Sylvie Germain (Chanson des malaimants) permet à son héroïne, enfermée au départ dans un physique ingrat, de trouver dans le contact avec la nature ce que le monde lui refuse : l'amitié. Quelques notes d'espoir peuvent ainsi résonner dans la solitude imposée, mais le lieu carcéral véritable conduit droit à la folie dans le roman écrit par un détenu sous un titre étonnant : Paul des Épinettes ou la myxomatose panoptique. Jean Marc Rouillan, ancien membre d'action directe, emprisonné à vie, a un talent indéniable pour décrire cette contagion mortelle qui sévit dans les cellules sous le regard omniprésent de l'administration pénitentiaire. Amélie Nothomb (Robert des noms propres) joue élégamment de ce thème : l'enfermement psychologique de son héroïne est dû à son étrange prénom, donné par une jeune mère, meurtrière du père avant de se suicider.

Exclusion

Si l'enfermement se manifeste d'abord par un décor unique, que ce soit la chambre, la cellule, le cloître, ou l'esprit refermé sur lui-même, un autre type d'isolement, de nature sociale celui-là, se rencontre de plus en plus dans les ouvrages, romancés ou non, à mesure que les phénomènes d'exclusion se manifestent à l'évidence. Dans l'Isolée, Gwenaëlle Aubry décrit la vie d'un ancien de Lutte ouvrière et d'une jeune femme, mais s'attache surtout à faire surgir la présence d'un « Paris parallèle de la lutte », le Paris des squats et des espoirs sans cesse déçus de révolution. Dans la Clôture (nom d'une rue misérable), Jean Robin explore les coins et recoins du périphérique parisien, de la porte de Saint-Ouen à celle de Clignancourt, où vit une population étouffée par la misère, mais il replace ce qui pourrait être simple témoignage dans une perspective historique en évoquant le tragique destin du maréchal Ney inséré dans ces « restes épars de vie brisée ». Patrick Declerck se contente de pister le clochard dans un livre qui se veut d'abord un document : les Naufragés. Sur le même thème d'un tissu social déchiré, Xavier Bazot (Au bord) écrit trois récits mettant en scène des vagabonds.

L'exclusion sociale conduit aussi, comme naturellement, au soliloque, la parole adressée à soi-même quand on n'a plus personne à qui parler. Laurent Mauvignier (Ceux d'à côté) trame le long monologue intérieur d'une jeune femme vouée au chômage et à la solitude, à quoi il ajoute celui du criminel qui a violé sa seule amie. Cette technique, que nous retrouvons dans d'autres livres, dans les nouvelles de Ludovic Janvier (Encore un coup au cœur. Brèves d'amour et Tue le), par exemple, avec ses trous entre les mots et l'inaptitude à dire, conduit le texte littéraire vers une dimension théâtrale contemporaine où le monologue se substitue souvent aux dialogues jugés trop artificiels.

Ruptures

Un soir au Club, de Christian Gailly, prix du livre Inter