Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Plutôt que année Verdi, le millésime 2001 aurait dû être déclaré année du bel canto, ce qui aurait permis de célébrer autant le centenaire de la naissance de Vincenzo Bellini que celui de la mort de Giuseppe Verdi. Mais le premier, pourtant auteur des populaires Sonnambula et Norma, est passé à la trappe. Le monde entier se sera donc penché sur la tombe de Verdi.

2001, année du « bel canto »

75 000 spectateurs pour Aïda au grand Stade de France

Bruno Serrou

Le monde entier aura donc célébré Verdi, de l'Italie, sa terre natale, jusqu'aux antipodes, l'Australie notamment. La France, à laquelle il donna quelques ouvrages en primeur, n'aura pas été en reste. Ainsi, les Chorégies d'Orange lui auront été entièrement consacrées, et pour lui seul auront dépassé leur périodicité habituelle, s'étendant sur deux mois entiers avec trois opéras donnés deux fois, Aïda, Rigoletto et Don Carlo, mais aussi avec la Messe de requiem et des récitals. Une programmation qui aura attiré plus de 100 000 aficionados, un peu plus que l'Aïda du grand Stade de France, avec 75 000 spectateurs. Confié à une jeune équipe faisant ses débuts en ce lieu mythique, ce Rigoletto aura permis au jeune chef italien Marco Guidarini et au metteur en scène français Paul-Émile Fourny de s'imposer.

Moins de deux mois plus tard, ce même Guidarini, qui avait dirigé en juin Giovanna d'Arco du même Verdi en la basilique de Saint-Denis, se faisait chef de l'intimisme pharaonique, animant plus de 600 exécutants, 120 musiciens, 8 solistes, 140 choristes, 40 danseurs, 350 figurants et... 21 animaux, le tout s'exprimant au centre d'une pelouse faisant penser à quelque « astérixienne » Cléopâtre, dans une mise en scène signée Petrika Ionesco.

À Montpellier, Verdi aura fait l'essentiel de l'affiche de l'Opéra pour la dernière saison d'Henri Maier à la tête de l'institution, avant son départ pour l'Opéra de Leipzig. Mais les deux grandes salles lyriques parisiennes n'ont pas été en reste, quoique l'on eût pu s'attendre à plus d'attention. Ainsi, le Châtelet a réservé un Falstaff festif, dans lequel l'orchestre avait quitté la fosse pour tenir la place centrale sur le plateau, la scénographie se déroulant autour de lui, les protagonistes le prenant souvent à témoin. Les instruments anciens de l'Orchestre révolutionnaire et romantique ont sonné clair et volubile, et l'on a pu ainsi goûter pleinement les relations entre certains instruments et les personnages auxquels Verdi les a associés.

L'Opéra de Paris, qui n'aura offert qu'une nouvelle production d'un opéra de Verdi, avait porté son dévolu sur une œuvre de jeunesse, Attila, qui faisait pour l'occasion son entrée au répertoire de la première salle de France. Inscrire en tête d'affiche deux noms appartenant au monde du cinéma et de la télévision, Jeanne Moreau et Josée Dayan, était le moyen le plus sûr pour créer l'événement et focaliser l'attention des médias sur un opéra rare. Pareil choix restera, espérons-le, une idée sans lendemain, tant elle n'apparaît pas viable. L'ouvrage lui-même n'est pas du plus grand Verdi, loin s'en faut, même si le rôle-titre se voit attribuer quelques morceaux de bravoure.

Richard Strauss bouffe

La Femme silencieuse, un opéra-bouffe méconnu de Strauss

Autre maître de l'opéra, cette fois du xxe siècle, Richard Strauss aura ouvert l'année 2001 en France avec une production itinérante du trop rare chef-d'œuvre Ariane à Naxos, plus célèbre que présent sur les scènes lyriques de France. Préparée l'été précédent dans le cadre des activités de l'abbaye de Royaumont, cette production d'Ariane trouvait son originalité dans une distribution d'une singulière jeunesse, équilibrée et raffinée comme il sied à cette œuvre subtile et fine, hommage au monde de l'opéra, au Siècle des lumières et au classicisme que Strauss savait vénérer tout en restant original, s'appuyant sur l'un des livrets les plus aboutis de l'histoire de l'opéra, signé Hugo von Hofmannsthal. Dans la troupe dirigée par Edmon Colomer, il faut particulièrement saluer la féline Zerbinetta de Sine Bundgaard, qui surmonte avec une déconcertante agilité les vocalises éblouissantes de sa grande aria, l'ardent compositeur de Jennifer Tani, la solide Ariane de Gweneth-Ann Jeffers, Patrick Bladek campant un honnête Bacchus, rôle naturellement impossible, comme tous les emplois de ténor chez Strauss. Reste la mise en scène de Christian Schiaretti, qui place le prologue chez un riche homme d'affaires de notre époque pour une représentation de l'acte d'Ariane en costumes antiques, une mise en scène qui ne gêne en rien la lisibilité de l'œuvre mais peu marquante.