Kunduz tombe une dizaine de jours après Kaboul. Bombardements et négociations se sont succédé dans cet espace où plusieurs milliers de taliban et de combattants étrangers – ces derniers puissamment motivés – s'étaient retranchés avec leurs armes lourdes. Avant la reddition, de nombreux assiégés afghans avaient déjà déserté. Kandahar, fief du mouvement taliban, est logiquement la dernière des grandes villes à se rendre, au lendemain même de la signature des accords de Bonn. Difficilement négociés, ces accords provisoires tentent d'établir un rééquilibrage politique permettant au Front uni, composé essentiellement de Tadjiks, d'Ouzbeks et d'Hazaras, de gouverner avec une majorité pachtoune sans laquelle toute volonté de créer un nouveau régime se révélerait inefficace. Le Front uni garde trois ministères clés (Intérieur, Défense, Affaires étrangères), mais les Pachtounes doivent recevoir onze ministères. Le nouveau chef du gouvernement intérimaire afghan est un Pachtoune, Hamid Karzaï, celui-là même qui a obtenu la reddition de Kandahar.

Tora Bora et la fin de la guerre

Après cette victoire, il ne reste plus aux alliés qu'à anéantir le dernier cercle d'Al-Qaida réfugié sur la montagne de Tora Bora. Malgré un commandement et des communications très affaiblis, les volontaires d'Al-Qaida, peu à peu dépossédés de leurs armes lourdes par les troupes afghanes, poursuivront leur résistance face aux alliés alors que la victoire de ces derniers ne fait plus aucun doute. D'ailleurs, avant même la fin des combats, les Américains retirent un de leurs porte-avions présent dans l'océan Indien, le Kitty Hawk. Néanmoins, le suspense lié à la poursuite de Ben Laden tiendra le monde entier en haleine.

Washington décide de transmettre la cassette vidéo démontrant la culpabilité de Ben Laden aux chaînes de télévision américaines qui la diffusent au moment même où Al-Qaida s'effondre. Le même jour, 13 décembre, la victoire totale étant presque acquise, le président Bush choisit d'annoncer le retrait des États-Unis du traité antibalistique de 1972, ouvrant ainsi la voie à la construction d'un bouclier antimissile. Cette intervention n'est pas fortuite. Elle illustre à quel point l'échiquier géostratégique a évolué en trois mois, et particulièrement au niveau des relations entre les États-Unis et la Russie, grands bénéficiaires politiques, avec le Front uni, de cette guerre qui a condamné le régime taliban englouti avec Oussama Ben Laden.

Arnaud Blin

Rapports de force et relations internationales

Mû par son désir de détruire le nouvel ordre géostratégique en provoquant un choc entre les civilisations, Oussama Ben Laden a en fait permis aux deux anciennes superpuissances de se replacer favorablement sur l'échiquier géopolitique mondial. En définitive, la guerre aura démontré que les rapports de forces, à divers niveaux, gouvernent encore les relations internationales. Ainsi, les grands soulèvements qui devaient amener les civilisations à se confronter les unes avec les autres ne représentent en réalité qu'une illusion dont Al-Qaida et le régime taliban ont été les principales victimes.