L'Amérique en guerre

Qui eût cru au début du mois de septembre que l'Amérique serait engagée dans une guerre lointaine un mois plus tard ?

Au départ, tout portait à croire qu'une intervention éloignée n'aurait que très peu de chances de se produire. La soi-disant stratégie du « zéro mort » et la politique isolationniste du nouveau gouvernement constituaient autant d'éléments dont l'addition rendait plus qu'improbable une intervention militaire d'envergure dans un pays hostile comme l'Afghanistan. Pourtant, l'aviation américaine entamait la campagne de bombardements en Afghanistan dès le 8 octobre. Comment le gouvernement américain en était-il arrivé à cette décision ?

La cible Ben Laden

Après le choc du 11 septembre, le gouvernement américain avait rapidement identifié les coupables présumés des attentats : Oussama Ben Laden et son organisation, Al-Qaida. Il est vrai que les Américains traquaient depuis quelques années déjà le milliardaire saoudien. Mais, jusque-là, les moyens employés pour chercher à le neutraliser s'étaient révélés insuffisants. Toutefois, les attentats du 11 septembre tranchaient sur les précédents. Si Ben Laden avait déjà effectué une première tentative terroriste sur le World Trade Center, celle-ci avait été globalement un échec. Quant aux attentats contre les ambassades américaines et contre l'USS Cole, leurs conséquences psychologiques sur le peuple américain avaient été faibles. En revanche, les attaques sur le World Trade Center et le Pentagone constituaient pour les terroristes un succès sans précédent dans l'histoire du terrorisme moderne. Face au choc collectif, la Maison-Blanche se retrouvait au centre de la crise. La politique se concentrait sur deux champs d'activités : la diplomatie et la stratégie militaire. Sur le plan diplomatique, le gouvernement se devait d'initier le dialogue avec le régime afghan pour que ce dernier s'associe à la capture de Ben Laden. Sachant que les États-Unis avaient déjà tenté auparavant d'obtenir l'extradition de Ben Laden, cette opération diplomatique était quasiment vouée à l'échec. Cette action avait plutôt pour but de s'allier l'opinion publique nationale et internationale en démontrant le manque de coopération du régime taliban. Le vrai travail diplomatique consistait à s'assurer certaines alliances, à la fois pour entamer une éventuelle opération militaire et aussi pour traquer les réseaux d'Al-Qaida. S'il était facile de trouver un soutien auprès d'alliés traditionnels comme la Grande-Bretagne, la tâche était plus ardue dès lors que Washington se devait de solliciter des pays comme le Pakistan ou l'Arabie Saoudite, voire la Syrie, l'Iran et le Soudan, nations coupables d'avoir sponsorisé des groupes terroristes.

Le choix d'une intervention militaire

Très vite cependant, la situation s'orientait vers la seule issue possible : l'intervention militaire. Après l'horreur du 11 septembre, les États-Unis obtenaient enfin l'appui qui leur manquait auparavant, celui du peuple américain. L'équipe de George W. Bush avait très bien compris l'importance de cet élément stratégique, le soutien populaire, dont tous les adeptes de la doctrine de Clausewitz connaissent l'importance. Le gouvernement américain saura l'exploiter au maximum durant les semaines à venir, aidé en cela par d'autres attentats terroristes – des lettres piégées à l'anthrax – apparemment sans lien direct avec les opérations menées par Ben Laden.

George W. Bush avait gagné l'accès à la Maison-Blanche grâce à la réputation de son entourage politique. Dans la perspective de cette crise aiguë, l'expérience de ses conseillers allait s'avérer cruciale. Son vice-président, Dick Cheney, et son secrétaire d'État, Colin Powell, faisaient partie des personnages clés de la guerre du Golfe (1991), alors que Donald Rumsfeld avait déjà été ministre de la Défense dans les années 1970. Le très respecté Colin Powell avait même prêté son patronyme à une doctrine militaire, la « doctrine Powell », qui allait refaire surface à l'occasion de ces événements. Cette doctrine veut que l'outil militaire ne soit employé qu'en tout dernier recours, mais qu'une fois cette option choisie, il est entendu que tous les moyens nécessaires sont mis en place pour qu'elle réussisse.