Toulouse : explosion de l'usine AZF

Le vendredi 21 septembre, l'explosion de l'usine chimique AZF Grande-Paroisse fait 30 morts et des milliers de blessés. Les 300 tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans les bâtiments sont parties en flammes. En 1924, année de sa construction, l'usine était en plein champ : rattrapée par l'urbanisation galopante, elle s'est retrouvée aux portes de la ville.

Quelque 25 000 logements touchés, dont 11 000 détruits, 50 000 sinistrés... Près de deux mois après l'explosion, les « sans-fenêtres » manifestent, début novembre, contre la lenteur des procédures d'assurance, quelques jours après l'appel de détresse lancé par le maire (UDF), Philippe Douste-Blazy qui demande la mise en place d'un « plan Marshall » pour sa ville.

La mise en place d'un plan d'urgence

Dès l'annonce de l'accident, une évaluation des risques de pollution de l'atmosphère et des eaux est effectuée. Un effort financier considérable est consenti par le gouvernement : 1,5 milliard de francs (270 millions de francs d'aides aux particuliers et aux entreprises, plus de 500 millions pour la reconstruction des hôpitaux et plus de 800 millions pour les bâtiments universitaires et les services de l'État). Cet effort est relayé par les collectivités locales qui distribuent des chèques à plus de 35 000 familles. De même, les associations se mobilisent. Une formidable chaîne de solidarité s'organise. Immédiatement différents dispositifs d'urgence sont mis en place : installation de mobil-homes pour les sans-abri, réquisition de logements, mobilisation de tous les artisans des alentours, réduction des taxes d'habitation et dispense de loyers dans les HLM, prise en charge des victimes non assurées par le groupe TotalFinaElf. Malgré l'ampleur des efforts, de nombreux sinistrés demeurent excédés par la lenteur des travaux et s'inquiètent de l'entrée dans l'hiver. Les compagnies d'assurance sont montrées du doigt.

La thèse de l'accident privilégiée

Trois jours après l'explosion, une séance exceptionnelle du conseil municipal de Toulouse demande le départ des trois usines de la ville : AZF, la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE) et Tolochimie. Cela ne manque pas de susciter la stupeur de certains industriels, les trois établissements versant chaque année 50 millions de francs à la ville et 26 millions au département et à la Région. Plusieurs plaintes sont déposées contre Thierry Desmarest, P-DG de TotalFina, pour « mise en danger de la vie d'autrui et coups et blessures involontaires ».

Alors que des rumeurs sur l'hypothèse d'un attentat se multiplient dans le climat de psychose de l'après 11 septembre et que le Figaro du 24 septembre parle des « mystères du drame de Toulouse », trois enquêtes sont lancées, judiciaire, administrative et interne. Dans une conférence de presse donnée le 24 septembre, le procureur de la République de Toulouse Michel Bréard affirme qu'il y a « 99 % de chances » pour que l'explosion du silo de nitrates soit accidentelle. Le procureur veut néanmoins faire taire les rumeurs et apaiser le climat. Il laisse percer une sourde accusation de négligence contre les responsables de l'usine qui appartient au groupe. Le 4 octobre, un rapport d'experts transmis aux juges conclut à la thèse de l'accident.

La sécurisation des sites existants, préalable à la coopération usine-ville

Quelques heures après l'accident, le Premier ministre, élu de Cintegabelle, près de Toulouse, est sur place et déclare : « Il faudra tirer un certain nombre de conséquences. » Le débat est lancé sur « la société du risque » notamment pour les 10 millions de citadins qui vivent à proximité de zones industrielles.

Dés le 25 septembre, 3 000 personnes défilent dans le centre-ville à l'appel du collectif « Plus jamais ça », aux cris de « Total ment, Total assassin ! », et l'association des maires des grandes villes de France (AMGVF) juge nécessaire d'engager « une réflexion sur l'implantation des sites industriels dangereux ».

Un mois après l'explosion, répondant au maire de Toulouse Philippe Douste-Blazy qui l'interrogeait sur l'avenir des sites Seveso, le Premier ministre Lionel Jospin rappelle l'urgence d'engager une réflexion sur le risque industriel. « Cette catastrophe nous oblige à remettre à plat, ensemble, la gestion du risque industriel, la surveillance et le contrôle des installations », a-t-il précisé. Il en appelle par ailleurs au renforcement des contrôles dans les usines et annonce la création d'un site Internet à l'intention des particuliers. Cet outil (http://debat-risques.environnement.gouv.fr) reprend la définition précise du risque industriel, les mesures politiques de prévention des risques et organise un forum de discussion.