Journal de l'année Édition 2002 2002Éd. 2002

Le roi Siméon II, Premier ministre de la République bulgare

Bouleversant les règles d'un jeu politique alternant communistes repentis et réformateurs de droite, l'ex-roi Siméon II a opéré un retour fulgurant à Sofia, à la faveur des législatives du 17 juin.

Le 15 juillet, le président Stoïanov charge « Sa Majesté » de former le nouveau gouvernement d'une République bulgare qu'il pourrait engager dans un processus de transition vers la monarchie. Entouré d'une équipe de jeunes économistes bulgares d'Occident, le monarque virtuel, de retour en son pays après cinquante-cinq années d'un exil essentiellement espagnol, préfère ne pas aborder le sujet et affirme se préoccuper surtout du redressement économique d'un pays en proie à une crise persistante.

Une victoire électorale sans partage

Après cinquante-cinq années d'exil, le roi Siméon II a opéré un retour en force sur la scène politique bulgare à la faveur des législatives du 17 juin qui le consacrent un mois plus tard Premier ministre de la République bulgare. L'enfant-roi chassé à l'âge de neuf ans par les communistes fait, à l'âge de soixante-quatre ans, figure d'enfant prodigue pour un électorat bulgare qui semblait l'attendre comme le messie, alors que la difficile sortie du communisme s'accompagne d'une crise économique persistante que les gouvernements qui se sont succédé dans la dernière décennie ne sont pas parvenus à endiguer.

Il n'aura fallu que quelques semaines à Siméon de Saxe-Cobourg-Gotha pour faire son entrée théâtrale en politique dans le rôle de l'impromptu de Sofia, et transformer ce qui n'était encore qu'une rumeur au début de l'année en une victoire électorale sans partage. Se posant en « outsider » de la campagne électorale, Siméon II n'a hissé ses couleurs dans le prisme politique qu'en avril, en entrant en lice à la tête du « Mouvement national Siméon II », qui se raccrochera à deux petites formations politiques pour pouvoir participer au scrutin faute d'avoir pu se faire enregistrer. Ce qui d'ailleurs a permis à l'ex-roi de se poser aussi en victime d'une classe politique qu'il accuse de vouloir l'exclure par crainte de son retour annoncé en janvier par son entourage et amplifié par les médias. Résidant en Espagne, Siméon II n'avait alors aucune dimension politique ; les spéculations de la presse et des analystes politiques se chargeront de le propulser au-devant de la scène publique et de lui tailler l'étoffe d'un dirigeant sinon encore d'un monarque, en posant la question de son éligibilité à la présidence de la République. Lancinante, la question est finalement posée par un groupe de députés à la Cour constitutionnelle, dont la réponse est négative, la Constitution stipulant que tout candidat doit avoir vécu en Bulgarie pendant au moins cinq ans avant la date des élections.

Depuis Madrid où il observe l'évolution de son image dans l'opinion, Siméon II estime la situation mûre pour rompre le silence lors d'une conférence de presse le 10 février à Sofia, où il accuse les autorités de le « priver de la possibilité de se présenter à l'élection présidentielle » dans un pays dont il rappelle qu'il a été « chassé » et prend dès lors date pour les législatives.

La stratégie consistant à jouer sur les deux tableaux de l'homme providentiel au-dessus des partis et de la victime de l'Histoire s'est avérée payante dans les urnes : avec 43 % des suffrages, le « Mouvement national Siméon II » devance largement la droite et les socialistes, qui recueillent respectivement 18 % et 17 %. Avec deux mois à peine d'existence, l'équipe improvisée autour de l'ex-roi est promue première formation du Parlement, dont elle occupe 120 sièges, à une voix de la majorité absolue. Une victoire éclatante, qui montre que la campagne-éclair de l'ex-monarque a surmonté les clivages partisans, faisant le plein des voix au détriment des partis institués dans tous les secteurs de la société, depuis les « nouveaux pauvres », plus réceptifs au discours de Siméon II, jusqu'aux diplômés de l'enseignement supérieur, plus réservés, dans toutes les tranches d'âges et dans toutes les régions du pays, sauf deux districts peuplés majoritairement de Turcs ayant voté pour le parti qui les représente.

Un pari risqué

Icône d'un passé idéalisé, Siméon II a séduit les électeurs bulgares, revenus d'autres nostalgies moins lointaines qui n'ont pas porté les fruits espérés. Entouré d'une équipe de jeunes Bulgares, rompus à la banque et aux finances, venus des États-Unis et de Grande-Bretagne et qui ne se sont pas compromis dans les arcanes de la politique bulgare contemporaine, l'ex- (ou futur) roi, lui-même économiste de formation, promet de mettre sur pied un gouvernement d'experts capable de redresser la situation économique.