Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

L'Élysée de sept à cinq

Pendant trois décennies, le quinquennat a hanté les couloirs de l'Élysée que ses locataires successifs ont essayé, sans grande conviction, de mettre en chantier. Plébiscitée par les Français, la réduction à cinq ans de la durée du mandat présidentiel s'est finalement imposée à la quasi-totalité de la classe politique au détour d'une proposition de loi déposée par Valéry Giscard d'Estaing, soumise à référendum selon les vœux de Jacques Chirac.

« Le quinquennat, sous une forme ou sous une autre, serait une erreur et donc je ne l'approuverai pas », déclarait à la presse Jacques Chirac le 14 juillet 1999, en réaffirmant son intention d'assumer sa « mission jusqu'à son terme ». Un an plus tard, c'est par un « oui » sans équivoque que le président de la République s'est engagé en faveur du quinquennat lors de son traditionnel rendez-vous avec la presse du 14 juillet, lançant ainsi en fanfare la campagne pour le référendum sur la réduction à cinq ans du mandat présidentiel, fixé au 24 septembre. Rien à voir avec la réponse de Normand qu'il réservait le 5 juin encore, lors d'une intervention télévisée dont le manque d'enthousiasme fera chuter sa cote de popularité, à la proposition de loi constitutionnelle déposée un mois avant par Valéry Giscard d'Estaing.

Une conversion tardive

Mais les hésitations ne sont plus de mise alors que le chef de l'État, à la cinquième année de son mandat, est assuré de pouvoir le mener à son terme septennal. Sa soudaine conversion n'a d'ailleurs rien d'une révélation : encouragée par le facteur biologique – J. Chirac aura 69 ans en 2002, lors de la prochaine présidentielle à laquelle il devrait selon toute probabilité se présenter pour un second mandat –, elle s'appuie sur la dimension très largement consensuelle du quinquennat. Vieux serpent de mer du débat politique hexagonal, le quinquennat a gagné à sa cause la majorité des Français et s'impose désormais à l'ensemble de la classe politique. Celle-ci ne pouvait se dérober plus longtemps devant leur volonté de voir se moderniser le système politique hérité de la Constitution de 1958, qui avait équilibré les pouvoirs du Parlement et du gouvernement. Remettant en question les modalités d'un équilibre menacé d'instabilité, les cohabitations à répétition des deux dernières décennies ne traduisent-elles pas la nécessité de dépoussiérer les habits constitutionnels de la Ve République, engoncée dans le carcan d'un septennat passé de mode ? Mais si la plupart des acteurs politiques, toutes tendances confondues, semblent s'entendre sur le fond d'une réforme désignée comme un progrès, reste à déterminer, dans la forme, les modalités de son application.

Après avoir donné l'impression d'avoir été placé devant le fait accompli d'un quinquennat que Lionel Jospin a toujours appelé de ses vœux, J. Chirac a voulu reprendre l'initiative. Il a choisit de soumettre la réforme, votée en juin par l'Assemblée et le Sénat, à l'approbation des Français, qui seront consultés par référendum le 24 septembre, plutôt que de la faire entériner par le Congrès, sur lequel était venu se briser une première fois, en 1973, le projet de loi quinquennal. Le paradoxe veut qu'à l'approche de scrutins décisifs qui risquent de mettre à mal le déroulement policé de la cohabitation, les deux branches de l'exécutif se retrouvent côte à côte pour faire campagne pour le « oui » ; mais l'enjeu de la consultation tient sans doute moins dans son résultat que dans l'aptitude des états-majors politiques à s'en attribuer les mérites, pourvu qu'une forte abstention n'en limite la portée : J. Chirac a en tout cas d'ores et déjà pris rendez-vous avec l'Histoire, en mettant son septennat au service du quinquennat.

U. G.

Trente ans d'hésitations

Adopté par députés et sénateurs sous la présidence de G. Pompidou, le quinquennat est enterré en 1973, faute d'avoir été entériné par le Congrès. Depuis, le sujet est régulièrement évoqué par les candidats à la présidentielle et rangé dans les tiroirs dès leur arrivée à l'Élysée. J. Chirac se déclarait opposé à « l'ouverture d'un tel débat aujourd'hui », lors d'un débat télévisé, le 2 mai 1995, avec L. Jospin, qui s'engageait pour sa part à organiser un référendum s'il était élu. Il réaffirmait son opposition au quinquennat lorsque V. Giscard d'Estaing lui propose d'y soumettre son mandat, à la veille du 14 juillet 1999. Mais quand l'ancien président revient à la charge avec son projet de loi du 10 mai 2000, J. Chirac annonce le jour même à L. Jospin sa conversion au quinquennat, pourvu que son septennat n'en soit pas affecté. Un mois après sa tiède prestation télévisée du 5 juin, il s'engage plus fermement en faveur du projet de loi voté par l'Assemblée le 20 juin et le Sénat le 29 juin, en annonçant un référendum pour le 24 septembre.