Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Pas d'accord sur l'effet de serre à La Haye

Après deux semaines de discussions, les dirigeants des 180 pays réunis par l'ONU à La Haye se sont séparés le 26 novembre sans être parvenus à un accord sur l'effet de serre.

« Mieux vaut pas d'accord qu'un mauvais accord. » Ce constat prononcé par la ministre française de l'Environnement, Dominique Voynet, en guise d'oraison funèbre à la conférence internationale de La Haye, semble devoir revenir comme une antienne après chacun des grands rendez-vous manques de la mondialisation. Un an auparavant, c'est dans les mêmes termes que Lionel Jospin avait présenté l'échec des négociations de l'OMC à Seattle. Aujourd'hui comme hier, le constat traduit les antagonismes profonds au cœur de la mondialisation, cristallisés autour des désaccords entre les conceptions libérales défendues par les États-Unis et celles, plus dirigistes, prônées par l'Europe. Sur la question de la régulation des mœurs commerciales mondiales à Seattle comme sur celle de la réduction des émissions de gaz à effet de serre à La Haye, jugées responsables du réchauffement de la planète, les discussions ont été prisonnières de ces contradictions.

De piètres résultats

Pour avoir mené la délégation européenne avec une fermeté confinant pour certains à l'intransigeance, Mme Voynet s'est vu accusée de la faillite de la conférence par le vice-Premier ministre britannique John Prescott, qui a mis en cause son incompétence. L'aigreur est d'autant plus vive chez certains des participants que les délégués américains et européens étaient sur le point de dégager un terrain d'entente sur les modalités d'application du protocole de Kyoto, signé en 1997, qui impose aux pays développés de réduire de 5,2 % leurs émissions de gaz à effet de serre : alliée objective des pays en développement, l'Europe mettait en avant le rôle des politiques nationales pour lutter contre l'effet de serre, alors que les Américains, qui sont pourtant les plus gros pollueurs de la planète, étaient surtout soucieux de mettre en place des mesures susceptibles d'assouplir leurs engagements en faisant confiance aux mécanismes d'autorégulation des marchés. Le ministre néerlandais de l'Environnement, Jan Pronk, qui présidait la conférence, a tenté en vain de concilier les positions, en faisant pourtant la part trop belle aux États-Unis, leur soutien étant indispensable pour la mise en œuvre du protocole de Kyoto, même si, en théorie, il suffit pour cela que 55 pays déversant 55 % de CO2 de la planète le ratifient. Une issue a été toutefois dégagée pour que la bonne volonté planétaire manifestée à Rio en 1992 ne tourne pas à la désillusion. La conférence de La Haye a été « suspendue » et devrait reprendre en mai prochain, en prévision de la conférence de Marrakech prévue en octobre 2001. Les Européens s'engagent à présenter d'ici là une nouvelle proposition.

P. F.

Des promesses non tenues

En signant le protocole de Kyoto, 38 pays industrialisés s'étaient engagés à réduire en 2008-2012 leurs émissions de 6 gaz à effet de serre : 8 % pour l'UE, 7 % pour les États-Unis, 6 % pour le Japon, par rapport au niveau de 1990. Alors que le lien entre émissions de CO2 et réchauffement mondial a été confirmé par la communauté scientifique, et que l'activité industrielle a d'ores et déjà engagé la planète dans un cycle climatique chaud, tout indique que ces promesses ne pourront être tenues. D'après les chiffres de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), les émissions de COE devraient augmenter de 60 % entre 1997 et 2020, et les plus gros pollueurs de la planète, au premier rang desquels les États-Unis, ne donnent pas l'exemple. À La Haye, les Américains se montraient prêts à tenir leurs engagements pourvu que l'Europe accepte des mécanismes de flexibilité, comme les « permis de polluer » (sortes de contrats passés avec les champions de la lutte contre la pollution) ou les puits de carbone que représentent les forêts, dont les vertus sur la réduction de l'effet de serre sont d'ailleurs encore mal évaluées. En Europe, ce marchandage s'est heurté à la fermeté notamment de la France, dont certains partenaires remarquent que son énergie nucléaire la soustrait à ces mesures. Enfin, les pays du Sud sont déçus du manque d'empressement des pays riches à investir dans les énergies propres et refusent que les mesures prises freinent leur développement.