Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

La longue marche de la justice internationale

La justice internationale est en marche. En juin, le traité de Rome créant la Cour pénale internationale a été ratifié par la France, premier membre du Conseil de sécurité de l'ONU à le faire. La loi ne fait qu'entériner ici les faits. Le fort soutien que la conduite de l'affaire Pinochet a suscité dans l'opinion mondiale a montré l'urgence de la mise en place de structures judiciaires permanentes.

La France est le premier État membre du Conseil de sécurité de l'ONU à avoir ratifié, le 9 juin, le traité conclu à Rome en juillet 1998, qui prévoit la création d'une Cour de justice pénale internationale (CPI) destinée à juger les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre. À la même date, quatre-vingt-dix-sept États avaient signé le traité de Rome. Ce dernier entrera en action lorsque soixante États l'auront ratifié – on estime que ce chiffre sera atteint fin 2001 ou en 2002. Onze l'ont déjà fait, en plus de la France : Belize, les Fidji, le Ghana, l'Islande, l'Italie, la Norvège, San Marin, le Sénégal, le Tadjikistan, Trinité-et-Tobago et le Venezuela. Londres a signé le traité, mais ne l'a pas ratifié. Moscou l'a approuvé, mais ne l'a pas signé. Pékin et Washington en rejettent le principe.

Paris a opéré un revirement au sujet de la CPI. À l'origine, le ministre de la Défense et le président de la République défendaient la position des militaires, qui redoutaient d'être mis en cause dans le cadre des opérations de rétablissement ou de maintien de la paix auxquelles ils participent à travers le monde. De son côté, le Quai d'Orsay craignait que la banalisation de la notion d'ingérence ne vienne empiéter sur les prérogatives traditionnelles de la diplomatie. Au contraire, la Chancellerie accueillait avec faveur le projet de CPI. La France a ménagé ces opinions divergentes en faisant jouer la réserve prévue par l'article 124 du traité. Celui-ci permet aux États signataires, pendant sept ans, de récuser la compétence de la CPI concernant les crimes de guerre. Paris est le seul à l'avoir fait. La France n'en est pas moins active dans les négociations sur le fonctionnement de la future CPI. Elle œuvre notamment à l'amélioration des procédures des tribunaux existants – trop lentes car inspirées du droit anglo-saxon –, au recadrage des relations entre les juges et les procureurs et à la promotion d'un véritable droit des victimes.

La fin de l'impunité

Tous les doutes sur l'interprétation du traité de Rome ont aujourd'hui été levés. Depuis sa signature, les militaires français ont appris à collaborer sans crainte avec les Tribunaux pénaux internationaux sur les crimes commis en ex-Yougoslavie ou au Rwanda. C'est la création par l'ONU du premier tribunal, en 1993, qui a véritablement marqué la fin de l'impunité des responsables d'exactions massives et l'avènement d'une vraie justice internationale. La CPI en constitue le prolongement et la généralisation. Quant à la notion d'ingérence, encore récusée en 1991 au début de la guerre en Yougoslavie, elle s'est imposée peu après en Bosnie puis au Kosovo, qui sont devenus des protectorats de l'ONU. L'affaire Pinochet a également illustré les progrès accomplis en la matière. La loi entérine peu à peu les faits. La longue marche de la justice internationale est en cours.

N. P.

Une justice « de riches »

Certains esprits critiques notent que la justice internationale fonctionne mieux lorsqu'il s'agit de crimes commis dans des pays européens – la Yougoslavie –, ou envers des ressortissants européens – les Espagnols victimes du régime d'Augusto Pinochet – que dans le cas de ceux dont sont victimes les Tchétchènes, les Tibétains ou encore les Africains. Le secrétaire général des Nations unies n'avait-il pas qualifié l'intervention en Yougoslavie de « guerre de riches » ?