Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

L'Europe politique contre l'extrême droite

L'entrée dans le gouvernement de coalition autrichien du parti de Jörg Haider a incité l'Union européenne à adopter des sanctions contre l'un de ses membres, pour manquement aux principes démocratiques en vigueur dans l'espace politique occupé par les Quinze. Cette initiative constitue l'un des premiers signes de l'existence d'une Europe politique.

L'accord de gouvernement conclu le 1er février entre le Parti conservateur (ÖVP) de Wolfgang Schüssel et le Parti libéral (FPÖ) de Jörg Haider a suscité plus qu'une simple émotion de circonstance en Europe et dans le monde. L'arrivée au pouvoir de l'extrême droite dans cette région du Vieux Continent donne en effet de nouvelles couleurs à des images anciennes qu'on aurait souhaité définitivement jaunies.

Arrivé en troisième position aux élections législatives d'octobre 1999, derrière le Parti social-démocrate (SPÖ) du chancelier Viktor Klima et le FPÖ, l'ÖVP a préféré négocier avec ce dernier plutôt que reconduire l'accord de gouvernement avec les sociaux-démocrates en vigueur depuis treize ans. Le président Thomas Klestil n'a rien pu faire qu'imposer aux partenaires de la nouvelle coalition la signature d'une déclaration sur les valeurs démocratiques européennes. Celle-ci reconnaît la responsabilité de l'Autriche face aux crimes du régime nazi, dénonce la xénophobie et le racisme, affirme l'attachement de Vienne à la défense des droits de l'homme ainsi qu'aux principes démocratiques communs aux membres de l'Union européenne.

Les Quinze – ou plutôt les Quatorze – avaient réagi préventivement. La veille de la conclusion de l'accord ÖVP-FPÖ, l'Union européenne avait, pour la première fois de son histoire et par la voix du Portugais Antonio Guterres, président en exercice, exercé un droit d'ingérence dans la politique intérieure d'un de ses États membres en menaçant l'Autriche de sanctions en cas de participation du FPÖ au gouvernement. Cette prise de position inédite signifie que l'Union se reconnaît désormais le droit, qui ne figure dans aucun traité, de limiter le champ de souveraineté d'un État membre – et jusqu'au choix de la composition de son gouvernement issu plus ou moins directement d'un scrutin démocratique si ce choix venait à enfreindre les principes régissant la communauté de destin que représente l'espace politique européen. L'Union peut-elle accepter qu'un État membre soit codirigé par un parti dont le président vante la politique de l'emploi du régime nazi, défend la mémoire des Waffen-SS et exprime régulièrement des propos xénophobes, alors que l'Europe unie s'est justement édifiée contre ce type d'idéologie ?

Un projet germanique

Le projet européen de J. Haider a plus à faire du côté de la résurgence d'un nationalisme « germanique », au sens culturel du terme, que de celui d'une union étendue à l'ensemble du continent. Ce modèle de révolution conservatrice européenne, qui s'impose comme substitut au modèle social-libéral en vigueur, trouve un écho favorable chez le président de la CSU bavaroise, Edmund Stoiber, comme chez le Suisse Christoph Blocher, chef de l'Union démocratique du centre, ainsi que, par intérêt tactique, jusque chez l'Italien Umberto Bossi et sa Ligue du Nord ou encore chez les nationalistes flamands belges et néerlandais.

En novembre, l'Union suspendra ses sanctions tout en maintenant le FPÖ sous surveillance. En désignant ainsi l'indésirable et lui seul, elle permettra aux autres forces politiques autrichiennes de faire le bon choix : celui de l'Europe.

N. P.

« L'effet Autriche »

Le 3 février, l'UDC de Christoph Blocher obtenait l'organisation d'un référendum sur les accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l'Union européenne. Le résultat, favorable à l'UE avant l'annonce des sanctions européennes contre l'Autriche, ne l'est plus depuis lors. Le 6 février, l'UDC, qui avait presque doublé sa représentation au Parlement fédéral en octobre 1999, remportait les législatives dans le comté de Saint-Gall... à la frontière autrichienne.