Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Concrètement, l'accord intervenu à Nice a toutefois dégagé le terrain aux nouveaux arrivants. Dans la Commission européenne, la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie et l'Espagne renonceront à leur deuxième commissaire en 2005, date à laquelle la Commission comprendra un seul représentant de chaque État membre, le nombre des commissaires ne devant pas excéder 27 après l'élargissement, ce qui laisse prévoir un système de « rotation égalitaire » pour leur désignation. Dans le chapitre le plus épineux de la pondération des voix, les États membres disposeront de 3 à 29 voix au Conseil des ministres, contre 2 à 10 actuellement, soit 345 en tout, la France ayant obtenu de l'Allemagne qu'elle n'en ait pas plus qu'elle dans le groupe de tête comprenant aussi la Grande-Bretagne et l'Italie. Pour éviter l'adoption d'une décision contre l'avis d'une majorité des États ou de la population, deux « filets » ont été introduits, l'un empêchant la majorité qualifiée si 50 % des États membres s'y opposent, l'autre, le « filet démographique », conditionnant la majorité qualifiée à 62 % de la population, ce qui constitue une concession à l'Allemagne, seul pays à pouvoir ainsi obtenir une majorité de blocage en s'alliant avec 2 seulement des 3 autres grands. Autre concession au poids démographique de l'Allemagne, celle-ci profite de l'augmentation du nombre des députés au Parlement européen (738 membres après l'élargissement contre 626 aujourd'hui), alors que les autres grands perdront des sièges. La règle de la majorité s'appliquera à environ 40 nouveaux domaines, surtout techniques, comme la nomination du président de la Commission. Au nom de l'exception culturelle, la France a obtenu une dérogation pour le secteur de la culture, qui reste régi par l'unanimité, Londres ayant obtenu le maintien du droit de veto sur les questions fiscales et sociales, l'immigration elle aussi restant exclue du champ de la majorité qualifiée. Enfin, a été retenue l'idée de la mise en œuvre de « coopérations renforcées » entre les pays les plus avancés dans l'intégration sur certains sujets, dont la défense a été exclue sur demande de Londres.

Gari Ulubeyan

L'après Nice

Le cafouillage de Nice a fait mauvais effet au Parlement européen qui n'a pas apprécié que les sièges soient distribués aux États comme des lots de consolation. Les incertitudes du texte présenté par la France, dont certains chiffres sont contestés par ses partenaires, soulignent la nécessité de définir l'architecture de l'UE et d'en clarifier les compétences avec les États membres, au cœur de la nouvelle conférence prévue en 2004 qui portera aussi sur le statut juridique de la Charte des droits fondamentaux, la simplification des traités et le rôle des Parlements nationaux. Cette conférence couronnera un « large débat » sur l'avenir de l'UE qui s'ouvrira dès 2001 et auquel seront associés les pays candidats. Montrant les limites des conférences intergouvernementales, le sommet de Nice n'a pas tenu la promesse de M. Chirac de rendre « l'Union plus démocratique et plus transparente ». Il n'aura pas non plus donné cette « envie d'Europe » exaltée par M. Chirac, et moins encore aux manifestants anti-mondialisation venus de différents pays européens qui ont été brutalement refoulés par la police française.