Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

La droite autrichienne défie l'Europe

L'Autriche n'a pas tenu compte des mises en garde exprimées à plusieurs reprises par les dirigeants des autres pays de l'Union européenne. Le président du Parti populaire conservateur (ÖVP), Wolfgang Schüssel, a finalement décidé de former un gouvernement de coalition avec le Parti libéral (FPÖ), formation populiste d'extrême droite dirigée par Jörg Haider.

Pour la première fois dans l'histoire de l'Union européenne, des sanctions bilatérales ont été prises de façon solidaire par tous les autres pays membres. Le nouveau gouvernement du chancelier Schüssel s'est retrouvé isolé sur la scène internationale. Depuis, les dirigeants autrichiens ont multiplié les efforts pour mettre fin à cette situation. Mais la position des partenaires européens, en particulier de la France, est restée jusque-là intransigeante.

Une nouvelle coalition...

Les élections parlementaires de l'automne 1999 avaient ouvert une crise politique sans précédent en Autriche. Le Parti libéral (FPÖ), formation populiste dirigée par Jörg Haider, était devenu la deuxième force politique du pays en obtenant 26,9 % des voix. Quatre mois de négociations entre les socio-démocrates du SPÖ et les conservateurs de l'ÖVP n'ont pas permis de trouver un accord et de reconduire la coalition qui avait gouverné le pays depuis des années. En même temps, l'organisation d'élections anticipées ne pouvait qu'aggraver la situation, les sondages indiquant une nouvelle hausse de popularité du parti libéral. Pour sortir de l'impasse, les conservateurs ont décidé d'engager des négociations avec le parti de Jörg Haider en vue de former une nouvelle coalition. Pourtant, dès l'automne, plusieurs dirigeants des autres pays européens avaient ouvertement mis en garde les conservateurs autrichiens contre une telle éventualité. Dès l'annonce d'une possible alliance avec le parti de Jörg Haider, les quatorze partenaires de l'Autriche au sein de l'Union européenne ont décidé de concrétiser leurs menaces. Le 31 janvier, la présidence portugaise de l'Union européenne a informé les responsables autrichiens : « Les gouvernements [...] ne chercheront ni n'accepteront aucun contact officiel bilatéral au niveau politique avec un gouvernement autrichien intégrant le FPÖ. Il n'y aura pas de soutien aux candidats autrichiens voulant occuper des fonctions dans les organisations internationales. Les ambassadeurs d'Autriche dans les capitales de l'UE seront reçus uniquement au niveau technique. » La position de la Commission européenne a été plus nuancée. À l'issue d'une réunion extraordinaire, son porte-parole a indiqué que la Commission « partage les préoccupations » des pays membres de l'Union, mais qu'elle ne prendrait pas, à ce stade, de mesures spéciales contre l'Autriche, précisant qu'il n'y avait eu, jusqu'à présent, aucune « violation grave et répétée » des règles et des principes contenus dans les traités européens et que son principal critère d'appréciation ne pouvait être que les décisions prises par le nouveau gouvernement autrichien. L'ampleur des réactions internationales a surpris les dirigeants autrichiens. Furieux, Jörg Haider s'en est pris personnellement à Jacques Chirac, dans des termes violents et fort peu diplomatiques (dont il a dû s'excuser publiquement par la suite). Quant au dirigeant conservateur, Wolfgang Schüssel, il a répliqué que « l'Autriche est un pays qui n'a pas besoin de leçon de démocratie ». Le président autrichien, Thomas Klestil, a essayé de limiter les dégâts en obligeant les responsables des deux partis de la nouvelle coalition à signer une déclaration solennelle dans laquelle ils s'engageaient à respecter les valeurs de la démocratie et l'intégration européenne.

... sans Jörg Haider

Bravant les menaces de sanctions internationales et dans une atmosphère de scandale, le nouveau gouvernement a été investi au début du mois de février. Toutefois, le leader controversé du parti libéral, Jörg Haider, n'a pas essayé d'en faire partie, préférant même abandonner la présidence de son parti à une jeune de trente-neuf ans, Susanne Riess-Passer, vice-chancelier dans le nouveau gouvernement. Malgré cela, les partenaires européens ont immédiatement suspendu leurs relations bilatérales avec Vienne, soutenus dans cette démarche par les États-Unis. Israël a décidé de rappeler son ambassadeur. Quant au président de la Commission européenne, Romano Prodi, il a envoyé une dépêche au chancelier Wolfgang Schüssel, lui souhaitant « de nombreux succès » et rappelant en même temps les engagements pro-européens de la nouvelle coalition.