Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Ravagé, le pays l'est également dans sa tête. Le 24 octobre, dans un entretien accordé à la chaîne de télévision américaine CBS, V. Kostunica évoquait pour la première fois sa « culpabilité » pour les crimes commis par et au nom des Serbes en ex-Yougoslavie entre 1991 et 1999. Un aveu public et le début d'un long travail de mémoire pour la Serbie. Mieux, le nouveau président affirmait sa volonté de coopérer avec le Tribunal pénal international (TPI), tribunal qui a notamment inculpé S. Milosevic pour crimes de génocide au Kosovo. Le nouveau ministre yougoslave des Affaires étrangères, Goran Svilanovic, estimait pour sa part que « la responsabilité des crimes est un sujet qui ne peut être esquivé » et évoquait la création d'une « commission de la vérité » pour aider la population à prendre conscience des atrocités commises pendant la guerre. Reste que, pour l'instant, V. Kostunica exclut de déférer Milosevic devant le TPI. Et, selon un sondage publié par l'hebdomadaire yougoslave Nin, plus de la moitié des personnes interrogées ne souhaitent pas voir l'ancien dictateur jugé pour des crimes. 30 % se disent favorables à la tenue d'un procès en Serbie et 9 % seulement veulent son extradition vers La Haye. L'inventaire serbe s'annonce donc long et douloureux. Mais, avec la chute du « boucher de Belgrade », intellectuels serbes et ONG espèrent ouvrir rapidement le débat, sur le nettoyage ethnique, ses 200 000 personnes tuées en Bosnie et en Croatie entre 1991 et 1995, ses 8 000 musulmans de Srebrenica massacrés par les forces serbes en juillet 1995 ou encore ses 10 000 soldats serbes tombés au Kosovo. Déboussolée, la Yougoslavie retrouve aujourd'hui une certaine sérénité et fait largement confiance à Kostunica pour panser ses plaies. Un mois après son investiture, le nouveau président bénéficiait en effet du soutien quasi absolu de la population. Du jamais vu pour un leader de l'Europe de l'Est depuis 1990.

Grégoire Queinnec

Vojislav Kostunica, un inconnu au pouvoir

On ne sait pas grand-chose sur Vojislav Kostunica. À part peut-être qu'il adore les chats et sa jeune épouse ! Âgé de cinquante-six ans, ce professeur de droit restera à jamais celui qui a fait tomber Slobodan Milosevic. Originaire de province, V. Kostunica vivait, avant son accession au pouvoir, dans un modeste appartement du centre de Belgrade. Ce n'est qu'en 1990 qu'il décide de se lancer dans la politique. De 1990 a 1997, il siège au Parlement fédéral et fonde en 1992 le Parti démocratique de Serbie. Discret, intègre, V. Kostunica est un nationaliste modéré. Mais lors des accords de Dayton (1995) qui mettent fin à la guerre de Bosnie, il accuse S. Milosevic de capituler, d'abandonner les Serbes de Croatie, de Bosnie et du Kosovo. Candidat de l'opposition aux élections présidentielles du 24 septembre 2000, il rallie en quelques semaines les forces antagonistes du pays. De Seselj, le chef milicien et criminel de guerre, au mouvement Otpor, antifasciste, Kostunica ratisse large et réussit son pari : faire tomber S. Milosevic par les urnes et dès le premier tour.