Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

La chute de Slobodan Milosevic

Sous la pression populaire, Slobodan Milosevic quitte le pouvoir le 5 octobre. Il avait refusé de reconnaître la victoire de son rival, Vojislav Kostunica, dès le premier tour des élections présidentielles du 24 septembre.
Le nouveau président hérite d'un pays en ruine. La chute de Milosevic marque le retour sur la scène internationale d'un pays meurtri par treize années de dictature, entrecoupées de conflits sanglants.

Jusqu'au bout, Slobodan Milosevic se sera accroché au pouvoir. En annulant les élections présidentielles du 24 septembre qui ont donné l'opposition emmenée par Vojislav Kostunica largement vainqueur, « Slobo » a livré le combat de trop. Un combat contre son propre peuple qui, assoiffé de « Grande Serbie », l'avait pourtant largement plébiscité dès 1987. En une semaine, le pays, lassé et épuisé par des années d'isolement, est descendu dans la rue pour réclamer son départ.

Une journée historique

En quelques heures, la Yougoslavie bascule dans la démocratie. Ce jeudi 5 octobre 2000, des centaines de milliers de manifestants répondent à l'appel de l'opposition. Cette journée de la « désobéissance civile » fait suite à la décision de la Cour constitutionnelle yougoslave qui, la veille, a annulé le premier tour de l'élection présidentielle du 24 septembre remporté par le candidat de l'opposition, Vojislav Kostunica. À Belgrade, 300 000 manifestants environ sont massés place du Parlement. À 15 heures, ils investissent le bâtiment. Malgré quelques tirs, deux morts et une centaine de blessés, les forces de l'ordre opposent peu de résistance. Deux heures plus tard, la télévision d'État est à son tour prise d'assaut. Et, dans la soirée, devant une foule ivre de bonheur, Kostunica prend la parole : « Bonsoir chère Serbie libérée. Je suis fier d'avoir été élu président de la Yougoslavie. » Le lendemain, Milosevic reconnaît sa défaite, quitte le pouvoir, mais ne s'enfuit pas. Kostunica fait quant à lui une entrée triomphale au Parlement pour prêter serment.

Le calme revenu, plusieurs éléments démontreront que cette révolution éclair a en fait été préparée minutieusement par plusieurs groupes d'ex-militaires d'élite et des services spéciaux venus de Nis, Kraljevo, Novi Sad et surtout de Caçak, des villes de Serbie. La passivité des forces de police, pourtant dévouées au régime de Milosevic, leur faible nombre à Belgrade ce jour-là (3 000 policiers seulement alors que le pays en compte 110 000), laisse également à penser qu'au sein même du pouvoir en place, le renversement du tyran était à l'ordre du jour.

Milosevic déchu, la communauté internationale renoue aussitôt le dialogue avec Belgrade. Après une levée des sanctions dès le 5 octobre, celle-ci décide de rompre l'isolement de la Yougoslavie. Le 1er novembre, cette dernière est de nouveau admise à l'ONU, qu'elle avait quittée en 1992. Le 10, elle réintègre l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui avait exclu le régime de Milosevic en 1992 en raison de son rôle dans la guerre de Bosnie. Deux jours plus tard, V. Kostunica se rend au Parlement européen à Strasbourg. Accueilli chaleureusement, le nouveau président exprime son souhait de voir la Yougoslavie devenir un jour membre de l'Union européenne.

Un pays ruiné

S. Milosevic laisse derrière lui un pays en ruine. Son ambition d'une « Grande Serbie » n'aura finalement provoqué que le chaos et le désespoir. Après les guerres contre la Croatie (1991) et la Bosnie (1992-1995), l'annexion avortée du Kosovo (1999) et les lourdes frappes de l'OTAN, la Yougoslavie est au bord de la faillite. Plus de 60 % des Serbes vivent sous le seuil de pauvreté, la production industrielle a chuté de 70 % et la dette extérieure du pays est estimée entre 12 et 14 milliards de dollars. Face à cette situation catastrophique, l'Union européenne décide, dès le 11 novembre, de débloquer une aide d'urgence de 173 millions de dollars. Cette aide, essentiellement du fioul et du gazole, vise dans un premier temps à stabiliser la démocratie. Mais, pour enrayer à court terme la détérioration de l'économie, les experts serbes évaluent l'aide d'urgence au double. Du côté des institutions financières internationales, l'heure est pour l'instant à l'étude d'un plan global à long terme. Selon le Haut Comité de pilotage pur les Balkans, structure créée pendant la guerre du Kosovo afin de coordonner les aides avec la Commission européenne et la Banque mondiale, Belgrade devrait normalement adhérer dès 2001 à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et au Fonds monétaire international (FMI).