L'OPEP à la hausse

Confrontés à des prix du pétrole aussi élevés que pendant la guerre du Golfe, avec des cours approchant les 40 dollars, l'Europe et les États-Unis doivent faire face à la grogne des consommateurs. Le mouvement de contestation contre la hausse vertigineuse du prix de l'essence fait boule de neige. Soucieux, les experts économiques parlent de retombées négatives sur l'inflation et la croissance économique.

Quarante ans exactement après sa réunion fondatrice à Bagdad, l'OPEP, qui a tout intérêt à éviter un nouveau choc pétrolier, décide, le 10 septembre, d'augmenter sa production de 3 %, soit 800 000 barils par jour, à compter du 1er octobre afin de calmer consommateurs et marchés. Les gouvernements, refusant toute baisse des taxes, tentent, quant à eux, de sortir de l'impasse. La situation est préoccupante, la peur d'un nouveau choc pétrolier sème le trouble dans tous les esprits. Le 7 septembre, le Brent, qualité de référence de la mer du Nord, atteint le sommet de 34,50 dollars et, à New York, le Light Sweet Crude dépasse les 35 dollars. Le prix du litre de carburant, alourdi par 70 à 80 % de taxes, s'envole également.

Les raisons de la hausse

Dans la recherche des responsabilités, producteurs et consommateurs se renvoient la balle. Pour l'OPEP, plusieurs raisons expliquent la flambée des cours parmi lesquelles l'intense spéculation sur les marchés de Londres et de New York, avec notamment les phénomènes d'anticipation des « traders », et l'existence de goulets d'étranglement sur des types particuliers de carburants du fait des nouvelles normes de pollution.

Mais surtout, l'organisation fait écho aux revendications des routiers européens et dénonce la fiscalité trop lourde des pays consommateurs. Créée en 1960 pour faire pression à la hausse sur les prix, l'OPEP, cible privilégiée, développe une stratégie de la « responsabilité limitée » pour son propre compte. Se référant à la bonne santé des fondamentaux – équilibre de l'offre et de la demande, absence de risque de pénurie –, les producteurs expliquent également la volatilité des prix par la faiblesse des stocks des pays occidentaux. Du fait de l'absence de réserves, les chocs à la hausse ou à la baisse ne sont plus atténués.

Les pays consommateurs, quant à eux, ne l'entendent pas de cette oreille et demandent une augmentation de la production. Dès l'annonce de la décision de l'OPEP, le 10 septembre, le secrétaire américain à l'Énergie, Bill Richardson, souligne : « Il est important d'avoir davantage de production. Le prix idéal se situe entre 20 et 25 dollars le baril. » Dans le même temps, Tony Blair répond à ceux qui, en Grande-Bretagne, organisent blocus de raffineries et de dépôts d'hydrocarbures : « La seule manière intelligente de résoudre ce problème est de faire pression sur l'OPEP. »

Quand on parle de pétrole, les enjeux de politique internationale ne sont souvent pas très loin. Ainsi, l'embargo sur l'Irak pèse lourd sur le prix du baril. Selon un responsable de l'Institut français du pétrole, « en cas de levée de l'embargo, l'Irak pourrait monter sa production de 6 à 10 millions de barils par jour ». Un geste peu probable à la veille d'une élection présidentielle aux États-Unis.

Les remèdes

Devant la pression des pays consommateurs de pétrole, l'OPEP, qui assure près de 40 % de la production mondiale, décide le 10 septembre d'augmenter sa production afin de faire baisser les prix et d'« adresser un signe aux marchés ». Elle promet ainsi d'augmenter la production de 800 000 barils de plus par jour dès le 1er octobre. Cette décision ne se fait pas sans tractations au sein de l'organisation. Certains pays, les « faucons », parmi lesquels le Venezuela, la Libye et l'Irak, au maximum de leur potentiel, ont intérêt à maintenir élevé le prix du baril. D'autres, les « colombes » (Iran, Koweït, Nigeria), approuvent la baisse. Malgré tout, les pays consommateurs, et notamment les États-Unis, restent prudents. Les hausses successives de la production, cette année, n'ont en effet pas permis d'enrayer le mouvement à la hausse du prix du baril. Certains redoutent déjà que l'hiver n'absorbe le surplus de production. C'est le 12 novembre que sera dressé un premier bilan, les membres de l'OPEP s'étant donné rendez-vous pour évaluer l'effet réel de l'ouverture des vannes. Ils n'excluent pas d'envisager une deuxième hausse de production si le besoin s'en faisait sentir.