Journal de l'année Édition 2001 2001Éd. 2001

Les militaires russes tenteront de soutenir jusqu'au bout la version d'une collision avec un sous-marin ou un navire occidental, dénonçant comme de la propagande occidentale les informations selon lesquelles le drame du Koursk serait dû à l'explosion de ses torpilles d'un modèle nouveau dotées d'un moteur à carburant liquide, ou encore à un tir « ami » provenant du croiseur Pierre-le-Grand, lors du test malheureux d'un missile anti-sous-marin à tête chercheuse de type Granit.

Mais s'ils parviennent à maintenir la chape de plomb du silence sur les causes exactes de cette catastrophe, les militaires russes auront du mal à en dissimuler les origines plus profondes, liées à la déliquescence de la flotte du Nord, dont les soldats, y compris ceux du Koursk, ne touchent leur maigre solde qu'avec plusieurs mois de retard. Dans ces conditions, l'annonce par Poutine, soudain pris de compassion, de mesures d'aide aux familles des victimes lors d'une rencontre houleuse avec leurs représentants le 22 août ne manquait pas d'un certain cynisme et ne suffira évidemment pas à apaiser leur douleur ni à dissiper leur colère à l'égard des pouvoirs politique et militaire.

Gari Ulubeyan

Les illusions perdues de la flotte du Nord

Mis en service en 1994, le Koursk – 154 m de long, 19 400 tonnes en plongée, propulsé par 2 réacteurs nucléaires de 190 MW, capacité de 24 missiles – était l'un des fleurons de cette flotte du Nord dont les carcasses rouillant dans les ports russes de la mer de Barents donnent une bien piètre image. Commandé par un officier de marine irréprochable, Guennadi Liatchine – quarante-cinq ans, vingt-deux ans de carrière –, le Koursk était la pièce maîtresse des manœuvres engagées le 10 août par la flotte du Nord en mer de Barents, qui visaient à redorer son blason dans un contexte de quasi-guerre froide avec l'OTAN. Le 12 août, à 11 h 30, il est à 18 m de profondeur quand une explosion équivalant à 100 kg de TNT provoque une voie d'eau qui entraîne sa chute sur le fond, où une deuxième explosion (2 tonnes de TNT) signe sa perte. La démonstration de force a viré au fiasco et les illusions de la marine russe ont sombré avec le Koursk. Celui-ci a rejoint les autres épaves encombrant des fonds marins qui tendent à devenir la poubelle nucléaire du pôle Nord.