American Beauty et Magnolia radiographient l'Amérique des classes moyennes. Alors que Magnolia, partant du prétexte de la mort prochaine d'un ponte de la télévision qui souhaite revoir son fils, s'ouvre sur le monde des médias, des jeux, montrant des personnages en perpétuelle mutation, American Beauty suit le destin de quelques membres d'une famille et nous révèle leurs aspirations par une série de non-dits. Un film intimiste qui regarde le monde à travers une petite cellule.

Yi Yi participe de ces deux démarches en faisant d'un cadre quadragénaire le héros du film, qui tente de comprendre son fils, un jeune enfant, et part à la recherche de son passé. Si À l'attaque ! se présentait comme une espèce de mode d'emploi du « genre », Code inconnu en est peut-être le plus parfait exemple de son application. Le film, qui débute à Paris, traite du destin d'une comédienne dont l'ami, reporter, est parti en Bosnie. Mais aussi de celui d'une Roumaine, vivant clandestinement à Paris, qui est expulsée mais revient à nouveau dans la capitale française par des voies illégales. Le prétexte littéral qui sert de base à l'œuvre est le code d'entrée de la porte de la comédienne. Au début, le frère de son fiancé veut venir voir le couple mais ne peut entrer car on a modifié ce code d'entrée. À la fin, le fiancé revient, mais le fameux code a de nouveau changé et il ne peut entrer. Il téléphone, mais son amie qui a été humiliée dans le métro a décroché le combiné... Il part. Peut-être pour toujours. Le message de Hanecke est : comment peut-on vivre dans une société dont on ignore les codes ?

Cas isolés

Le cinéma d'animation a connu une année faste avec la sortie de deux longs-métrages nouveaux dans leur forme et leur technique : Toy Story 2 de l'Américain John Lasseter et Chiken Run des Britanniques Nick Park et Peter Lord. Le premier, entièrement réalisé en images de synthèse, arrive à pénétrer d'une manière intelligente dans le monde de l'enfance en évitant la mièvrerie : sans anthropomorphisme excessif, le cinéaste se sert de la personnification des jouets comme « moteur de recherche » (pour employer un vocabulaire technique) des diverses formes de la psychologie enfantine. Nick Park et Peter Lord, deux représentants prestigieux du groupe Aardman (auteurs du fameux Gromit, le chien), s'attachent au sort de poules élaborées en pâte à modeler qui apprennent à voler pour échapper à leur condition : une sorte de version animalière de la Grande Évasion. Un distributeur a également sorti les courts-métrages surréalistes et kafkaïens des frères Quays, deux Américains qui travaillent en Grande-Bretagne. Passés au long-métrage, ces deux cinéastes utilisent, dans Institut Benjamenta (également sorti), les personnages réels comme des objets dans cette histoire d'un élève majordome qui rencontre un univers baroque et délabré dans un institut de formation.

2000 a été une bonne année pour le cinéma international. Mais elle a plus été une année de confirmations que de novations. Plusieurs points restent en suspens. La démission du directeur de la Cinémathèque, Dominique Païni, qui a su donner à la vénérable institution un coup de neuf, non encore remplacé à la fin du mois de décembre, inquiète certains quant à l'avenir de ce lieu patrimonial. D'autant plus que la fameuse Maison du cinéma, promise il y a déjà quinze ans par Jack Lang, tarde à venir. Le renouveau de la censure posé par le cas de Baise-moi mérite aussi sans aucun doute un chantier de réflexion. Enfin, les cartes à tarif réduit ouvrent également cette fin d'année sur une énigme. Mais le cinéma français se porte bien et la distribution est en hausse. Attendons.

Don Quichotte : le désastre

« Deux semaines après l'interruption du tournage qui avait débuté le 25 septembre en Espagne, il a fallu se rendre à l'évidence : L'homme qui tua Don Quichotte, mis en scène par Terry Gilliam, avec Johnny Depp, Vanessa Paradis et Jean Rochefort dans les rôles principaux, ne se fera pas... Souffrant d'une hernie discale, Jean Rochefort, pour lequel Terry Gilliam a écrit le rôle de Don Quichotte, doit subir une intervention chirurgicale et ne pourra reprendre le tournage pour une durée indéterminée. Une situation sans issue puisque, pour le rôle de Don Quichotte, Jean Rochefort aurait dû passer beaucoup de temps à cheval. “Partant de là, il était difficile de prévoir les choses”, résume le producteur René Cleitman (Hachette Première). “Nous avons donc été contraints d'arrêter la production.”

Car l'absence de Jean Rochefort implique notamment la perte des autres comédiens. Johnny Depp étant lié à la production par un contrat pay or play. De plus, le comédien vient de signer pour Marlowe de John Maybury où il jouera aux côtés de Jude Law, alors que Vanessa Paradis part en tournée à partir du 20 mars. L'un des plus beaux projets de l'année vient donc de se transformer en l'un des plus gros sinistres de l'histoire du cinéma, certains évoquant une somme de 120 millions de francs à débourser par l'assureur du film, un groupe allemand »

Élisabeth Corter

Le Film français, no 2855, 10 novembre 2000

Raphaël Bassan
Critique de cinéma