Le problème posé par Echelon est double : à quoi sert-il aujourd'hui ? Que signifie son caractère multinational ? La participation du Royaume-Uni soulève les plus fortes critiques. Dès lors que le réseau serait mis au service des intérêts des États-Unis contre l'Union européenne, où donc se positionnent les intérêts britanniques ?

En dépit des inquiétudes de Bruxelles, les jours d'Echelon ne semblent pas en danger, loin de là. Les députés, majoritairement prudents, ont préféré ne pas donner pouvoir à une véritable commission d'enquête. Ce n'est pas un hasard si, soudainement, la presse européenne obtient des informations sur une station de la DGSE installée en Dordogne et fusionnant une part de ses activités avec les services de l'Allemagne fédérale. On doit donc envisager, à l'issue de cette décennie de turbulences, un effort de redéfinition des règles du jeu dont, bien entendu, nul ne connaîtra la teneur exacte. Pour les services secrets aussi, l'omerta (ou loi du silence) a valeur de règle d'or.

La station de Menwith Hill

Le phénomène le plus étrange et, pour les parlementaires européens, le plus choquant est la manière dont le système a été organisé. La station de la NSA de Menwith Hill en Grande-Bretagne se situe sur une base américaine. Or sa conception a été préparée en coopération directe avec le British Post Office, qui en a réalisé la construction au moment même où il créait son propre complexe de télécommunications à haut débit par micro-ondes. Ce dispositif permet à la station d'écoute de se brancher directement sur le réseau de British Telecom. Dans les années 1980, un seul branchement permettait d'intercepter journellement 4 000 communications Paris-Londres. Autre élément convergent mais troublant : la création d'Echelon, liée au développement de l'activité satellitaire, correspond à la création d'Intelsat, le réseau international de télécommunications civiles établi en 1967.

François Géré
Fondation pour les études de Défense